L’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (ALVF)
05 / 2010
Au Cameroun, les rites de veuvages sont très ancrés dans la société, particulièrement dans l’Ouest du pays où la tradition est encore fortement respectée. C’est pourquoi l’antenne de l’ALVF du Cameroun, basée à Bafoussam, capitale de la région, œuvre depuis 2008 à la lutte contre ces pratiques.
Que sont les rites de veuvage ?
Il s’agit d’un rituel composé d’un ensemble de pratiques qui sont infligés au survivant dans un couple lorsque l’un des conjoints décède. Ces « rites de veuvage » sont ainsi mis en place pendant la période de deuil.
Ces rites sont pratiqués aussi bien chez l’homme que chez la femme. Toutefois, ceux réservés aux hommes symbolisent la victoire de la vie sur la mort et préparent le veuf à une nouvelle vie sans sa compagne disparue. Pour les femmes, il s’agit d’un ensemble de violences physiques, psychologiques et économiques subies pendant les obsèques et bien longtemps après, comme pour la punir du décès de son époux.
Un des arguments pour convaincre la femme de s’exécuter est qu’elle doit, en subissant toutes ces tortures, donner la preuve de son innocence. En effet, l’espérance de vie des femmes étant plus longue que celle des hommes, elles étaient toujours soupçonnées d’être à l’origine de leur mort.
A l’origine, on évoque également le désir d’aider la femme à se réorganiser après le décès de son conjoint qui, dans la famille, jouait un rôle central. Ce qui s’explique par des pratiques comme le lévirat où un des frères du défunt va épouser la veuve pour la maintenir dans la famille et veiller sur les orphelins. La femme fait ainsi partie de l’héritage laissé par le mari.
Les pratiques sont diversifiées : elles vont des violences physiques aux violences psychologiques et économiques.
Sur le plan physique, la veuve subit des bains glacés très tôt le matin, dans des marigots à l’hygiène douteuse. Elle se dénude devant des inconnus, hommes et femmes de la communauté, qui violent ainsi son intimité. Par ailleurs, il lui est demandé d’uriner en public dans un trou. Au cas où elle n’y arrive pas, cela signifie qu’elle est responsable de la mort de son mari…
Les violences peuvent enfin être psychologiques, le lévirat et autres tortures telles que ne pas se laver pendant de nombreux jours ; ne manger que lorsque les responsables du rituel l’ont décidé, même en cas de suivi d’un traitement médical. L’ALVF a connu des cas de femmes séropositives qui ne pouvaient prendre leurs antirétroviraux tel que prescrits à cause de ces interdits.
D’autres formes de violences à la fois physiques et psychologiques sont mises en œuvre : les veuves doivent dormir à même le sol, sauter au-dessus des feux…
Comment l’ALVF agit pour que les veuves cessent d’être victimes de telles violences
Une étude faite par l’ALVF au sein du réseau « Foi et libération », composé de défenseurs des droits humains et de religieux, visait à voir si initialement il valait mieux aller vers une humanisation de ces rites ou vers son éradication. Cette étude a permis de comprendre que les rites de veuvage, qui initialement étaient une valeur africaine positive, ont subi beaucoup de perversions à cause des pertes des valeurs traditionnelles et de la crise économique. Et pour cela, même si on adopte des stratégies intermédiaires, l’objectif visé est d’éradiquer les rites de veuvage et de repenser un nouveau système juridico-social qui pourrait valablement accompagner la veuve dans sa nouvelle vie.
Pour le moment, les veuves qui s’adressent à l’ALVF trouvent une réponse alternative au Centre Vie de Bafoussam, où un programme d’accompagnement est mis à leur disposition.
Par ailleurs, l’ALVF est dans un processus participatif pour aboutir à la proposition d’une loi qui mette fin à ces abominations.
Que sont les Centres Vie de Femmes (CVF) ?
Ce sont des structures d’aide directe aux femmes victimes de violences. Ce sont également des laboratoires au sein desquels on identifie des violences récurrentes pour mettre en place des plans d’éradication, avec la participation de toute la communauté.
Le CVF de Bafoussam offre aux veuves victimes de rites de veuvage un encadrement à deux niveaux : la détraumatisation par le biais de séances de psychothérapie individuelle et collective, ainsi que l’appui économique aux victimes.
Aujourd’hui, au-delà de l’encadrement des victimes, l’ALVF est entrée dans un processus de plaidoyer pour le changement des lois et également pour un programme de sensibilisation et d’éducation des populations en vue d’un changement des mentalités. Elle travaille dans ce sens avec des groupes sociaux différents : veuves, femmes chrétiennes, Reines-mères, chefs traditionnels, notables…
Les résultats obtenus
Les veuves dénoncent de plus en plus les violences qu’elles ont subies.
Un groupe de veuves se rencontre et échange leurs expériences. Elles se chargeront de relayer la sensibilisation dans leurs milieux d’appartenance.
Une sensibilisation se fait dans les écoles en direction des jeunes filles et garçons.
Les médias locaux relaient la dénonciation de ces fléaux.
Le processus est long car il ne s’agit pas d’une simple sensibilisation mais d’un réel travail avec les veuves pour les amener à participer à la lutte contre les rites et déclencher le mécanisme nécessaire à leur propre reconstruction. Elles en ont les capacités.
comunidad campesina, derechos de las mujeres, tradición y modernidad, sensibilización al derecho
, Camerún
Participation : comment les populations deviennent actrices de droit(s)
Contact : Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes/ BP 2350 Yaoundé, Cameroun
Texto original
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