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La valeur du tréfonds

L’utilisation de plus en plus fréquente du sous sol des villes indépendamment du sol, pose le problème de son appropriation et de son évaluation, qu’il soit négocié librement par le propriétaire du sol ou, plus souvent, qu’il soit exproprié.

Sabine Barles

1999

L’utilisation de plus en plus fréquente du sous-sol pose le problème de sa propriété et de son prix. L’indemnisation des propriétaires des terrains pour le passage d’infrastructures dans leur sous-sol fait l’objet de calculs complexes… et de plus en plus avantageux pour les expropriés.

En 1997, l’expropriation du tréfonds d’une parcelle du 1er arrondissement de Paris donnait lieu à une indemnisation de 2,4 millions de francs quand le propriétaire en attendait 9 MF et la RATP en proposait 1,2 MF : l’importance de ces sommes et les écarts entre elles montrent que la question de la valeur du tréfonds n’a pas encore trouvé de réponse. En effet, s’il ne semble pas aujourd’hui exister un marché du tréfonds non bâti en milieu urbain, les expropriations tréfoncières n’y sont pas rares lorsque l’emprise des infrastructures n’est pas contenue dans le domaine public puisqu’en France ” la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ” (art. 552 du Code civil) : le propriétaire d’une parcelle possède ainsi un cône de terre s’étendant de la surface au centre de notre planète.

Qui dit expropriation dit indemnisation. Qui dit indemnisation dit évaluation et bien souvent polémique, voire conflit. C’est le cas depuis une trentaine d’années à Paris en ce qui concerne le sous-sol ; le débat s’anime au rythme des projets d’infrastructures de transport public, de la construction de ligne A du réseau express régional (RER), à celle, toute récente, des lignes METEOR (ligne 14 du chemin de fer métropolitain, RATP) et EOLE (SNCF). Il touche aussi bien l’indemnité principale que les indemnités accessoires (dépréciation de surplus et remploi) et oppose autant les expropriés aux expropriants que les experts convoqués.

Du franc symbolique au barème Lassalle

La question a été une première fois posée à l’occasion de la construction du tronçon Nation-Saint-Mandé de la ligne A du RER. L’expropriation du sous-sol de l’une des parcelles concernées (47, avenue de Saint-Mandé, 12e arrondissement) avait alors donné lieu à une indemnisation de 3 500 francs/m2. La RATP avait ”interjeté appel concluant à l’allocation d’une indemnité symbolique de 1 franc“ (1) - ce qui avait été le cas lors de la construction des tunnels de la Croix-Rousse et de Fourvière à Lyon (2) - : selon la régie, la profondeur d’expropriation (16,5 m) ne justifiait pas une indemnité supérieure dans la mesure où le propriétaire n’aurait pas été en mesure d’utiliser le sous-sol à une telle profondeur d’une part, et où le surplus ne subissait aucune dépréciation d’autre part. L’expertise de l’ingénieur des Ponts et Chaussées Jacques Lassalle fut alors sollicitée par la cour d’appel.

Lassalle considéra à la fois les possibilités d’utilisation du tréfonds de la parcelle par son propriétaire et les conséquences de la construction du tunnel pour celles-ci.

Selon Lassalle, le sous-sol était utilisable jusqu’à une profondeur de 20 m environ, correspondant au niveau de la nappe d’eau souterraine, malgré la piètre qualité du sol jusqu’à 12m. En outre, la construction de locaux de réserves ne semblait pas pouvoir s’étendre au-delà de deux niveaux de sous-sol compte tenu des coûts de génie civil élevés. La construction d’un parc de stationnement, certes beaucoup plus rentable, n’était pas envisageable du fait de l’exiguïté de la parcelle (232 m2). Par ailleurs, la présence du tunnel de la RATP n’était pas préjudiciable à une utilisation du sol sous-jacent puisqu’elle autorisait encore la réalisation de deux à trois niveaux enterrés, celle-ci étant limitée par les conditions préexistantes : petite parcelle, présence de caves, conditions géotechniques.

La généralisation de ce raisonnement amena Lassalle à proposer un certain nombre de principes quant à l’indemnisation du tréfonds :

  • concernant l’indemnité principale, l’hypothèse retenue est que la valeur du tréfonds dépend de la valeur de la surface et est inversement proportionnelle à la profondeur d’expropriation. La valeur du terrain nu (1 600 F/m2 dans le cas traité) est ainsi classiquement corrigée pour encombrement et occupation (soit un abattement de 50 % dans ce cas) et affectée d’un coefficient T dépendant de la profondeur (ici 5 %). Pour les 64 m2 expropriés, l’indemnité principale se montait ainsi à 2 560 francs, soit 40 F/m2. En outre, Lassalle notait à juste titre que la présence d’eau souterraine devait ”

supprimer le jeu de la formule qui n’est valable qu’en terrain aménageable sans dépenses [excessives]“ (3).

  • concernant la dépréciation du surplus, elle dépend elle aussi de la profondeur d’expropriation. Le coefficient de dépréciation (ici 20 %) est donc appliqué à la valeur unitaire établie pour l’indemnité principale (ici 40 F/m2), soit une dépréciation estimée à 1 364 F pour les 168 m2 restants.

  • concernant le remploi (indemnité ” calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l’acquisition de biens de même nature “, art. R 13.46 du Code de l’expropriation), Lassalle restait prudent mais suggérait qu’une telle indemnité ne se justifiait pas.

Au total, dans le cas précis traité par Lassalle, l’indemnité proposée se montait à 3 924 F, soit environ 60 F/m2, et 4 % de la valeur du terrain nu.

Élaboré dans un cas particulier, le barème Lassalle qui fixe le coefficient T dégressif en fonction de la profondeur a été appliqué jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, bien qu’il n’ait qu’une valeur indicative. Concernant l’indemnité principale, la distinction des abattements pour encombrement (présence de constructions sur la parcelle) et occupation (dépendant du statut de l’occupant de la parcelle ou des bâtiments) a conduit à des abattements globaux variant de 30 à 75 % (4) et la présence de la nappe d’eau souterraine a un abattement supplémentaire de 90 %. L’évaluation de la dépréciation du surplus a été moins homogène : parfois nulle, parfois forfaitaire, parfois calculée comme dans le cas cité en appliquant un coefficient à la valeur unitaire du tréfonds (15 à 20 %), elle semble néanmoins admise dans le principe à la fin des années soixante-dix.

La question de l’indemnité de remploi a été débattue dans les années 1980, malgré une opposition farouche de la RATP et de la SNCF qui arguaient du fait qu’aucun propriétaire n’avait jamais fait l’acquisition d’une portion de tréfonds suite à une expropriation. La Cour les a rarement suivis et applique à la valeur unitaire du tréfonds définie par le barème Lassalle un coefficient variant de 15 % (immeubles à usage d’habitation) à 20 % (usage mixte) (5). À titre d’exemple, l’expropriation à une profondeur de 2,60 m d’une emprise 112,4 m2 en tréfonds d’une parcelle bâtie de surface 648,8 m2 dans le 5e arrondissement de Paris lors de la construction de la gare du RER Saint-Michel a donné lieu en 1985 à une indemnisation de plus de 450 000 F (236 040 F au titre d’indemnité principale, 168 966 F au titre de la dépréciation du surplus et 47 208 F au titre du remploi), soit 4 000 F/m2 et 30 % de la valeur du terrain nu (6).

Le barème Lassalle a, dès son élaboration, suscité la critique. Dans un premier temps, il semble que les organismes publics, donc les expropriants, en aient été les principaux opposants, qu’il s’agisse de la détermination du coefficient T ou de la pertinence de l’indemnité de remploi. Plus récemment, et à l’occasion de la construction des lignes EOLE et METEOR, les expropriés ont porté la contestation avec des arguments rigoureusement opposés. Les juges d’expropriation ont reconnu, pour partie au moins, le bien fondé de leur demande et la plupart des expropriations ont abouti en appel voire en cassation. Cinq années ont ainsi été nécessaires pour toiletter le barème Lassalle, dont la révision a été adoptée en 1995 et se solde par des surcoûts importants pour la RATP comme pour la SNCF.

La révision du barème Lassalle

La révision porte sur le calcul de l’indemnité principale - qui peut avoir des conséquences sur celui des indemnités accessoires puisqu’elles dépendent dans certains cas de la valeur unitaire du tréfonds issue du barème - et fait suite au rapport d’expertise (partiellement amendé) de deux experts, l’ingénieur Philippe Guillermain et l’architecte Patrick Demanche (7). Elle se base sur deux constats : d’une part l’amélioration des techniques de construction en sous-sol et notamment en présence d’eau, d’autre part le développement de l’utilisation du sous-sol : intensification des usages (stockage, locaux techniques, parcs de stationnement surtout), mais aussi diversification (cinémas, restaurants, commerces, etc.).

Le choix du coefficient T a tout particulièrement retenu l’attention des experts. Dans le barème Lassalle, celui-ci était défini par palier : 30 % de la valeur du sol de 0 à 3 m de profondeur, 15 % de 3 à 6 m, etc. De ce fait, une très faible variation de profondeur (de 2,90 à 3,10 m par exemple) avait des répercussions importantes sur l’évaluation, d’autant plus que les valeurs foncières avaient, depuis les années 1970, considérablement augmenté. Il fallait donc adopter une formule menant à une diminution continue de T avec la profondeur. Par la suite, les experts ont considéré tant les techniques que la réglementation en matière de constructions souterraines. En ce qui concerne les parcs de stationnement, les exigences en matière d’équipements de sécurité deviennent très coûteuses à partir du troisième niveau, grevant la rentabilité de l’ouvrage. Pour les établissements recevant du public, la réglementation française en limite le développement aux six premiers mètres du sous-sol.

La conclusion est claire : si ces six premiers mètres (soit deux niveaux de sous-sol) peuvent être d’une grande valeur, celle-ci décroît ensuite très rapidement avec la profondeur. En outre, les premiers mètres du sous-sol accueillant souvent les fondations des édifices et leurs caves, leur expropriation conduirait à un préjudice considérable pour le propriétaire foncier. Partant du principe qu’à une profondeur nulle T = 100 %, Guillermain et Demanche ont proposé d’adopter la formule T = 90/H ou H est la profondeur d’expropriation.

La cour d’appel s’est prononcée à l’occasion de l’expropriation du tréfonds d’un immeuble situé dans le 8e arrondissement (11, rue de l’Arcade) : de 0 à 3,5 m de profondeur, T est fixé à 100 % ; de 3,5 à 6,5 m, à 30 % ; puis décroît selon la formule proposée par Guillermain et Demanche (8). Pour de petites profondeurs, l’effet est significatif puisqu’il se répercute sur les indemnités accessoires : l’indemnité versée pour l’expropriation du quai Saint-Michel aurait alors été multipliée par trois et portée à 1,5 MF (et encore le prix du terrain nu n’est-il pas actualisé), soit un coût de 13 400 F/m2 et 96 % de la valeur du terrain nu.

Les trois coefficients correctifs

Par ailleurs, Guillermain et Demanche ont proposé l’application de trois coefficients correctifs. Le premier (Kc) prend en compte la qualité des constructions émergées : si la qualité est mauvaise, l’utilisation du sous-sol est rendue difficile donc coûteuse, la valeur unitaire du tréfonds en est d’autant diminuée ; ce coefficient n’a pas été adopté par la cour d’appel. Le deuxième (Ks) est lié à la qualité du sol : 1,2 s’il est ”bon“, c’est à dire favorable à la construction souterraine, 1 s’il est moyen, 0,8 s’il est mauvais. Les trois zones ont été définies et cartographiées pour l’ensemble de la ville de Paris. Le troisième enfin (Ke) intègre la présence d’eau souterraine : au-dessus du niveau des plus hautes eaux (qui correspond à une crue centennale et à un arrêt des pompages permanents de la RATP), Ke = 1 ; Ke décroît linéairement entre le niveau des plus hautes eaux et le niveau d’étiage (considéré comme le niveau actuel de la nappe) pour atteindre 0,5 ; il décroît à nouveau linéairement sur les cinq mètres suivants pour atteindre 0,1 (ce qui correspond à l’abattement de 90 % pratiqué précédemment), valeur qu’il conserve au-delà. Là encore, l’amélioration des techniques de construction justifie cette modification dont l’effet n’est pas négligeable dans certains cas, dans la mesure où l’abattement de 90 % était autrefois pratiqué à partir du niveau des plus hautes eaux. En 1997, l’expropriation du tréfonds d’un immeuble situé rue de la Bourdonnais (1er arrondissement) a donné lieu à une indemnisation de 2,4 MF, soit un peu plus de 3 000 F/m2 et 4% de la valeur du terrain nu, pour une profondeur de 12,8 m. Avec l’ancien barème et l’ancien abattement, celle-ci n’aurait été que de 240 000 F, soit 300 F/m2 et 0,4 % de la valeur du terrain nu.

Enfin, la cour a introduit un quatrième coefficient (Kt) qui n’était pas, lui, proposé par Guillermain et Demanche, et concerne la topographie (taille et la forme de la parcelle, longueur sur rue). Une grande parcelle aux formes régulières, disposant d’une grande longueur sur voie publique présente des conditions beaucoup plus favorables à l’utilisation du sous-sol qu’une parcelle petite, irrégulière et peu accessible. En conséquence, le coefficient Kt varie de 1,5 dans le meilleur des cas à 0,8 (9).

La modification des coefficients utilisés par Lassalle comme l’introduction de nouveaux ont des effets non négligeables sur l’évaluation du tréfonds. Prenons un cas d’école : supposons une parcelle de 1 000 m2, bâtie et occupée, régulière et ayant une bonne longueur sur voie publique, reposant sur un bon sol, expropriée à 6 mètres de profondeur sur 250 m2. La valeur du terrain nu est estimée à 50 000 F/m2. Avec l’ancien barème, l’indemnité principale s’élève à 787 500 F, soit 3 150 F/m2 et 6,3 % de la valeur du terrain nu. Avec le nouveau, elle atteint 2 835 000 F, soit 11 340 F/m2 et 22,7 % de la valeur du terrain nu.

La vrai valeur du tréfonds

Comme le précédent, le nouveau barème n’échappe pas à la critique. L’abattement pour encombrement, généralement compris entre 30 et 40%, peut être jugé trop faible si l’on considère la difficulté des constructions en sous-Ĺ“uvre, comme le remarque François Robine (10), ou trop élevé si l’on prend en compte les coûts de libération du terrain (démolition et remise en état du sol) : en 1995, le propriétaire d’une parcelle située rue de Mogador (9e arrondissement) les estimait à 2 % de la valeur du terrain nu (70 000 F/m2). Arguant du fait qu’il occupait lui-même l’immeuble, il consentait à ce seul abattement. Sa demande a été rejetée, et un abattement total de 40 % maintenu.

Le coefficient Ke, qui prend en compte le niveau de la nappe d’eau souterraine, peut lui aussi être discuté. Robine démontre en effet les difficultés qui subsistent lors de la construction. Quand bien même celles-ci seraient surmontées, l’exploitation des ouvrages nécessiterait des pompages permanents et une autorisation de rejet dans les égouts, facturée en 1993 à 2,753 F/m3, soit pour un ”débit banal” (selon ses termes) de 20 m3/heure un coût annuel de près de 500 000 F, à comparer aux recettes d’exploitation qui, à Paris, variaient en 1988 de 276 000 à 12 680 000 F par ouvrage et par an11. Dans ces conditions, on peut s’étonner de la faiblesse de l’abattement.

Enfin, le coefficient topographique (Kt) ne semble pas entièrement justifié selon l’avocat Alain Lévy qui souligne que ”la consistance du terrain a déjà été prise en compte pour fixer la valeur du terrain au mètre carré conformément aux règles applicables en la matière“ (12) : il y aurait alors redondance, quelle que soit la valeur adoptée pour Kt, redondance conduisant à des variations de + 50 à - 20 % de la valeur du tréfonds.

La dépréciation du surplus quant à elle est souvent fixée de manière forfaitaire et est très variable : évaluée à 7 000 F dans le cas de l’immeuble de la rue de Mogador, elle atteint, en 1997, 180 000 F pour une parcelle de la rue de la Bourdonnais (1er arrondissement) pour des profondeurs d’expropriation respectives de 21,7 et 12,8 m. Dans le premier cas, le propriétaire affirmait avoir prévu de construire un parc de stationnement souterrain et ajoutait que la présence du tunnel ferroviaire entraînerait un surcoût de construction d’un million de francs qu’il s’estimait fondé à réclamer au titre de dépréciation de surplus. La SNCF, quant à elle, arguait que la profondeur de son ouvrage ne gênait en rien les projets du propriétaire et donc rejetait le principe de l’indemnisation pour dépréciation. Le juge a donc tranché pour une somme quasi symbolique (l’indemnité totale se porte à près de 80 000 F).

Le remploi est généralement calculé en proportion de l’indemnité principale, selon un taux dégressif. Dans le cas de la rue de la Bourdonnais, l’indemnité principale s’élevait à 1 911 632 F, l’indemnité de remploi se montant à 20 % sur les 100 000 premiers francs et 15 % de la somme restante soit au total 303 744 F.

La RATP, la SNCF et certains experts contestent néanmoins l’existence de ces indemnités accessoires : pour la dépréciation de surplus, parce que la profondeur des ouvrages récemment projetés est souvent telle qu’elle ne saurait créer un préjudice aux propriétaires fonciers ; pour le remploi, parce que, comme nous l’avons déjà avancé, aucun propriétaire n’a jamais fait l’acquisition d’un bien similaire à celui dont il avait été dépossédé - c’est à dire un morceau de tréfonds.

Des indemnités contestables

Mais les modalités actuelles d’indemnisation de l’expropriation en tréfonds suscitent bien d’autres interrogations. D’une part, l’affirmation que le sous-sol a, jusqu’à 3,5 m de profondeur, la même valeur que la surface peut laisser perplexe. En effet, que penser du cas où un propriétaire qui, exproprié à 3 m de profondeur, ayant perçu l’indemnité correspondante, vendrait son terrain au prix du marché - ou serait à nouveau exproprié, mais pour l’intégralité de la parcelle cette fois-ci ? Supposons la valeur du terrain nu identique, comme l’encombrement et l’occupation : dans ce cas, le terrain est en quelque sorte vendu deux fois, puisque la première vente s’est faite au prix de la surface, alors qu’elle ne concerne que le sous-sol. La valeur du terrain en a peut-être été amoindrie du fait de la présence d’une infrastructure souterraine peu profonde - et encore serait-ce à vérifier -, mais cette perte a déjà été ” payée ” par l’indemnité pour dépréciation de surplus.

Les tréfonds : un nouveau marché ?

Par ailleurs, la révision du barème Lassalle est notamment motivée par l’intensification de l’utilisation du sous-sol par les acteurs privés. Il est vrai que la rareté de l’espace, la pression foncière et les règlements d’urbanisme vont dans ce sens : le seul respect du POS de la ville de Paris conduit à la construction de niveaux enterrés pour le stationnement lors des opérations de construction. Il existe un marché du tréfonds bâti : le mètre carré de sous-sol se négocie au tiers du prix du mètre carré en surface (13). Mais existe-t-il un marché du tréfonds non bâti ? Les informations dont nous disposons nous conduisent à répondre par la négative : dans le secteur privé, l’utilisation du sous-sol découle encore de celle du sol et nous n’avons pas connaissance de transactions portant sur le tréfonds et seulement lui. Si tel était le cas, la question se poserait d’ailleurs de la pertinence d’une méthode qui déduit la valeur du sous-sol de celle de la surface. Mais nous n’en sommes pas encore là et finalement, l’indemnisation du tréfonds se fonde sur un marché fictif.

Dans l’état actuel des choses, on peut s’inquiéter du coût que ces opérations représentent pour la collectivité. Avant la révision du barème Lassalle, les coûts d’expropriation (totale ou en tréfonds) de la ligne EOLE étaient évalués à 600 millions de francs par la SNCF, soit 10 % du coût total du projet (14). Quel est le résultat final ? Certes, les ouvrages sont de plus en plus profonds, mais les gares, elles, doivent bien assurer la connexion avec la surface. Dans ce cas, les coûts tréfonciers deviennent plus que significatifs.

dosier

Economie foncière, évaluation de la valeur et valorisation des terrains

Comentarios

Sabine Barles, laboratoire Théorie des Mutations Urbaines (UMR CNRS ), n°85.

Notas

1J. Lassalle, Rapport d’expertise, cour d’appel de Paris, Chambre des appels d’expropriation, arrêts du 21 janv. 1972 et du 29 mars 1972, RATP contre L. Bayle, 25 mars 1973.
2J. Brégeon, P. Duffaut, V. Voisembert, ” Les aspects juridiques de l’aménagement du sous-sol “, M. Legrand (éd.), Collectivités territoriales et utilisation du sous-sol, Rotterdam, Balkema, 1988, p. 28.
3Lassalle, op. cit.
4Revue d’information foncières et domaniales, avr. 1980.
5G. Funes, ” L’expropriation en tréfonds dans la région parisienne, les modalités d’indemnisation “, Legrand (éd.), op. cit., p. 37.
6Ibid.
7P. Guillermain, P. Demanche, Avis sur la méthode d’évaluation de la valeur du tréfonds (faux titre), Tribunal de grande instance de Paris, Chambre des expropriations, avr. 1995.
8L’actualité juridique - propriété immobilière, 10 mars 1996, p. 216-220.
9A. Lévy, ” L’estimation de la valeur du tréfonds “, L’actualité juridique-propriété immobilière, 10 mars 1996, p. 191.
10F. Robine, Observations à formuler sur l’évolution récente en matière de fixation des indemnités d’expropriation en tréfonds à Paris, avis, 18 mai 1993.
11P. Léon-Dufour, ” Les parcs GTM,1er réseau français de parcs de stationnement : 25 ans d’expérience et de développement “, Legrand (éd.), op. cit., p. 145.
12Lévy, op. cit., p. 191.
13Robine, op. cit.
14G. Laplace, ” Les aspects fonciers d’un grand projet souterrain : EOLE “, Barles (éd.), Espace et urbanisme souterrains/ Underground Space and urban Planning, Actes de la 6e conférence internationale, Paris, 26-29 sept. 1995, Champs, Laboratoire TMU/GDR Sol urbain, 1995, p. 471.
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