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Quand les villages se branchent au réseau électrique

Aditya BATRA

05 / 2010

Au Népal, au milieu du chaos des crises politiques, une révolution silencieuse se prépare. Dans les villages isolés de ce pays montagneux et pauvre en énergie les habitants exigent leur droit à l’électricité. Ils affirment que l’électricité est un bien national ; et que tout le monde doit y avoir droit.

Cela ne signifie pas que le Népal a suffisamment d’électricité pour tout le monde. Il est paralysé par des heures de coupure de courant. Mais la question est la suivante : s’il y en a, qui y a droit ? Seul le Népal urbain connecté au réseau ? Une notification a apporté une réponse.

Cette notification propose une méthode de distribution de l’énergie à la demande des communautés qui doivent partager la responsabilité de la gestion. Le nouveau dispositif est un avantage pour ce pays où les pertes de transmission sont élevées. Ce mouvement de consommateurs réorganise avec rapidité la manière dont l’électricité est distribuée et gérée à travers le Népal rural.

D’un groupement de mères à Pokhara nord à un groupement d’usagers forestiers à Bangesal en passant par la Thame Bijli Company qui a formé onze villageois comme spécialistes des lignes et chargés du relevé des compteurs, la population est en tête pour la gestion de l’électricité. Mais le défi vient juste de commencer. Le Népal a toujours faim d’électricité. Les grands projets qu’il a conçu sont toujours sur le papier. Les projets de production d’électricité du pays reviennent à leur point de départ. Il y a quelques années, le Népal était le rêve des donneurs en matière de micro-projets électriques (hydrauliques, solaires). Ils étaient, et sont, mis à l’essai avec des résultats mitigés. Mais la population voulait un système fiable et un droit égal à l’électricité produite par l’Etat.

Le mouvement pour le droit à l’électricité a étendu le réseau aux villages. Mais il risque de déplacer des micro-projets électriques tout en créant plus de coupures de courant que d’électricité. Le Népal peut-il intégrer les productions décentralisées et centralisées au réseau national ? Cette expérience à grande échelle apportera des leçons pour de nouvelles perspectives énergétiques.

Aditiya Batra a voyagé dans les villages du Népal et rencontré les personnes qui sont derrière cette idée et ce mouvement.

L’électrification communautaire de Balua

Il y a six ans les habitants de Balua en ont eu assez d’attendre que le réseau électrique atteigne leur village, situé à 50 km de Kathmandu. Ils ont été témoin de la lenteur à laquelle le service gouvernemental, la {Nepal Electricity Authority] (NEA), prolongeait le réseau au comité de développement du village voisin de Kharel Thok.

« Ça leur a pris 17 ans pour couvrir 400 habitations. Nous étions déterminés à éviter de tels délais », raconte Bhaira Pradas Sedhai, un habitant de Balua dans le district de Kavre. Le village avait absolument besoin d’électricité pour irriguer les célèbres champs d’ail de cette vallée fertile. Le réseau était à seulement 5 km de Paanchkhal. Ils savaient qu’ils pouvaient faire mieux.

Sedhai avait entendu parler d’un dispositif qui permettait d’accélérer le processus : une organisation reconnue officiellement pouvait étendre le réseau par ses propres moyens en contribuant aux coûts à hauteur de 20%. En 2004, avec plusieurs autres habitants, il a formé le Devbhumi Balua Samudayak Grameen Vidyutekaran Upbhogata Samiti (comité de consommateurs pour l’électrification rurale communautaire de Balua), fait une demande d’extension du réseau et mobilisé la communauté pour participer à 20% des coûts. Ils ont récolté 1.644.000 roupies népalaises sous forme de contribution des habitants, de prêts et de subventions des comités de développement du district et du village. Cela n’a pris que trois ans au comité de consommateurs pour électrifier les 400 habitations.

Le comité a été profondément impliqué pendant tout le processus. La construction a commencé après que la NEA, l’entrepreneur et le groupe de consommateurs aient signé un accord. L’entrepreneur a été payé en plusieurs fois, sur le modèle d’un plan de paiement de construction, soumis à l’approbation du groupement d’usagers. Celui-ci a étroitement surveillé le rythme du travail et la qualité des matériaux utilisés.

Indépendance énergétique

Au départ, la gestion du système semblait décourageante, dit Sedhai, président du comité. Cela signifiait de gérer les pôles et les lignes de transmission de 11 kVA, les installations électriques des maisons, les réparations et l’entretien des transformateurs (un de 50 kVA et trois de 100 kVA), d’installer les compteurs, de prendre en charge tout le panier des services aux clients comme le relevé des compteurs, la facturation, les réparations et les comptes. Tout cela au sein d’une communauté dépourvue de responsable qualifié ou d’ingénieur électrique.

Et pourtant, aujourd’hui, le comité a quatre employés, deux techniques (dont une femme formée aux installations électriques) qui ont appris sur le tas en travaillant avec l’entrepreneur, un comptable et une personne chargée des factures qui est aussi l’assistant du bureau.

Suppression des pertes

Une petite pièce en brique sert de bureau au comité. Les murs sont recouverts de noms de clients avec l’état de leurs paiements, d’un tableau avec la liste des membres du comité, des derniers comptes audités, des affiches sur les mesures de sécurité et des fils électriques emmêlés cloués au mur avec des notes griffonnées à la main collées dessous.

Ce crochet en métal auquel sont attachés des fils électriques est une « preuve » de l’outil ordinaire de la fraude à l’électricité. Les notes identifient le nom et le type de fraude du malfaiteur.

Les punitions varient de faible à exemplaire. Ainsi, un petit ou primo fraudeur s’en est tiré avec un avertissement tandis qu’une école a dû payer 1.100 roupies népalaises d’amende pour avoir utilisé une connexion sans compteur afin de faire marcher ses deux ordinateurs pendant deux jours. En aucun cas le comité n’acceptera de pertes. Le fraudeur doit payer la différence entre ce qui est inscrit au compteur général et les relevés cumulés des compteurs des maisons.

La honte est une dissuasion puissante. Prenez le cas du fraudeur Sangram Lama. « Il ne peut même plus passer devant ce bureau tellement il se sent coupable », dit Bhairab avec un large sourire. « Mais les règles sont les règles. Tant qu’il n’avoue pas et ne paie pas son amende, nous ne retirerons pas la notification de nos murs. »

Les pertes dues aux fraudeurs sont naturellement proches de zéro, en fort contraste avec les 12-15 % que la NEA subit du fait des défauts de paiement et des vols. Des études montrent que 1% de réduction des pertes du système équivaut à 7MW de capacité d’installation supplémentaire.

Le comité achète l’électricité à l’organisme gouvernemental au taux de 3,60 roupies par unité. La plus petite tranche qu’il fait payer pour une connexion est 80 roupies par mois pour 20 unités. Les tarifs décidés par le groupement d’usagers ne peuvent pas dépasser les tarifs nationaux de 6,70 roupies par unité jusqu’à 50 unités. Les consommateurs plus importants ont un compteur de la NEA qu’ils paient directement. L’électricité consommée à des fins commerciales implique un taux plus élevé. Certains gros consommateurs comme les agriculteurs qui font marcher des pompes pour l’irrigation ont droit à un traitement spécial.

Le comité conserve méticuleusement les registres tandis que tous les comptes sont publics et font l’objet d’un contrôle. En 2008-09, il a payé 491.507 roupies à la NEA et gagné 785.182 roupies sur la vente d’électricité. Après déduction des dépenses, les comptes du comité montrent un profit de 125.882 roupies, un dépôt en banque de 123.882 roupies et 2.000 roupies en liquide.

Ceci après avoir mis de côté 25.100 roupies pour une coopérative de développement rural à visées multiples afin de démarrer un service d’épargne et de crédit pour les membres et démarrer d’autres activités de développement. Il existe aussi un projet de conversion du comité en une coopérative une fois que les 200 foyers supplémentaires des villages voisins seront électrifiés. « Dans une coopérative il y a un sentiment de propriété car tous les membres partagent les profits tout en ayant également une responsabilité égale pour les travaux de développement », dit Bhairab. Une coopérative permet aussi de lancer plus facilement un système d’épargne-crédit afin d’orienter les fonds vers d’autres utilisations productives.

« Comme de la nourriture sans sel »

L’électrification rurale communautaire a un objectif particulier : catalyser la génération de revenus : « Sans utilisation finale productive, l’électricité est comme un plat sans sel », dit Bhairab.

A Devbhumi Balua, l’entrepreneuriat a étroitement suivi l’électrification. En trois ans, depuis que le réseau électrique a atteint la zone, six moulins à riz, huit ateliers de menuiserie, dix élevages de volaille et 22 pompes d’irrigation ou projets d’irrigation ont vu le jour. Cela fait donc sens de promouvoir la demande d’électricité de jour : les activités d’affaires paient plus cher et le surplus peut être investi dans d’autres activités génératrices de revenus. Le comité prévoit maintenant d’acheter des couvertures médicales et d’assurance-vie pour ses employés techniques.

Palabras claves

electricidad, desarrollo rural, sociedad civil, relaciones sector público sector privado


, Nepal

dosier

When villages plug in: Rural Electrification in Nepal

Notas

Lire l’original en anglais : When villages plug in

Traduction : Valérie FERNANDO

Lire les autres articles du dossier de Down To Earth :

Fuente

Artículos y dossiers

Aditya BATRA, « When villages plug in », in Down To Earth, 15 mai 2010

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