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diálogos, propuestas, historias para una Ciudadanía Mundial

Migration et santé mentale : spécificités des dispositifs pour migrants

Un exemple de prise en charge groupale : le groupe mères – enfants

Géraldine Hatt, Marie Corinne Probst Favret

04 / 2010

Créée en 1993 à Lausanne par un groupe de médecins, psychologues et travailleurs sociaux, l’association Appartenances (active sur Lausanne, Vevey et Yverdon) s’est fixé pour mission de favoriser le mieux-être et l’autonomie des personnes venues d’ailleurs et de faciliter une intégration réciproque avec la société d’accueil dans un rapport d’équité. Appartenances s’adresse à des personnes migrantes en situation précaire. Peu importe le statut (demandeur d’asile, réfugié, travailleur immigré), la provenance (une soixantaine de nationalités), la religion, tous sont accueillis en tant que personne qui, à un moment donné de sa vie, a besoin de soins, de formation ou de soutien.

Le travail de l’association se répartit en quatre secteurs d’activité travaillant en étroite synergie : la Consultation Psychothérapeutique pour Migrants (CPM) propose une aide psychothérapeutique ou psychiatrique aux personnes présentant une souffrance psychique ; les Espaces sociaux offrent accueil, orientation et accompagnement psychosocial aux migrantes et migrants ; le Secteur interprétariat communautaire forme et engage des interprètes communautaires pour intervenir dans les domaines scolaire, social et de la santé ; le Secteur formation propose une variété de cours sur les questions liées aux migrations et à l’interculturalité.

I - L’origine du groupe mères-enfants au sein de la Consultation psychothérapeutique pour migrants CPM

Dans l’histoire de l’association Appartenances, il existe une constante, celle de réfléchir aux settings thérapeutiques susceptibles de répondre au mieux aux difficultés et à la souffrance psychique des migrants.

Ainsi, la CPM a développé divers types de prise en charge en groupes (groupe de «femmes bosniaques », groupe sur « le corps en question », groupe de « femmes migrantes », groupe de « victimes de torture », groupe de « jeunes migrantes »). Le groupe mères-enfants en fait partie.

Ce groupe psychothérapeutique s’est construit à partir de plusieurs constatations.

Notre expérience au sein d’Appartenances, depuis 16 ans, en particulier avec des mères migrantes et des enfants, nous a permis de mettre en évidence les difficultés spécifiques et les besoins des mères migrantes mais aussi de développer une réflexion par rapport aux dispositifs thérapeutiques. Il existe, en effet, une vulnérabilité spécifique aux mères dans une situation de migration et de transculturalité comme le décrivent les travaux de M.-R. Moro (Moro, 1994).

Ainsi, nous observons une vulnérabilité psychique spécifique durant la période pré et postnatale et lors des interactions précoces entre la mère et l’enfant. La mère accouche souvent seule dans un monde étranger. Elle doit s’ajuster à son bébé et devenir mère, sans l’apport affectif des autres femmes de sa famille, contrairement à l’usage dans les sociétés traditionnelles. Elle est privée d’une enveloppe relationnelle, sociale, mais aussi culturelle contenante. C’est à la fois l’absence de la famille d’origine mais aussi la perte du cadre culturel d’origine qui entraînent une carence d’étayage.

Par ailleurs, en situation transculturelle, nous notons un évolution des pratiques de maternage (manières de nourrir, endormir, parler, jouer) et dans le système de parenté large. Or ces pratiques sont en lien direct avec les représentations culturelles propres à chaque culture qui permettent de penser le monde, de le comprendre, de l’interpréter. Dans le lien mère-enfant, ces représentations concernent la façon de penser l’enfant (sa nature, son origine sur le plan ontologique) mais aussi la façon de penser la relation de la mère avec son enfant.

Ces pratiques persistent parfois ou elles disparaissent. Souvent, elles se métissent, combinant les valeurs de la société d’accueil et les valeurs traditionnelles. Lorsque ces représentations et ces rites culturels disparaissent au profit d’une acculturation forcée, nous observons alors un appauvrissement des gestes de maternage et de communication.

II - Descriptif du groupe

Le groupe mères-enfants est destiné aux mères migrantes accompagnées de leur enfant d’âge préscolaire (1 à 4 ans). Le groupe est constitué de deux sous-groupes, celui des mères et celui des enfants, ceci dans le même espace. Le groupe des mères est animé par deux psychologues. La présence d’interprètes permet d’assurer le déroulement du groupe en turc, serbo-croate et albanais. Le groupe est aussi fréquenté par des mères d’origine culturelle et linguistique diverse (latino-américaine, africaine, russe) mais parlant le français. Le sous-groupe des enfants est animé par une psychopédagogue ainsi qu’une stagiaire psychologue.

III - Indications

Nous pensons qu’une indication au groupe est pertinente dans les situations suivantes :

  • Mères en difficulté dans la relation avec leur enfant (ex. difficultés à poser des limites), mères démunies face aux difficultés propres à l’enfant (ex. troubles du sommeil, troubles de l’alimentation, comportements agressifs à l’égard d’autres enfants, etc.), mères psychiquement fragiles (angoisses, PTSD, estime de soi dévalorisée, doutes par rapport aux compétences maternelles).

  • Mères isolées sur un plan social, privées d’un environnement soutenant et sécurisant.

  • Il s’agit souvent de mères jeunes venues rejoindre leur mari en Suisse lors de mariages arrangés. Les familles d’origine sont souvent absentes. Ces mères sont soit isolées et pas du tout intégrées dans leur propre communauté, sans soutien de famille (absente ou en proie à des conflits ou des mésalliances), soit confinées dans leur communauté avec très peu de liens avec la société d’accueil. C’est au moment de l’entrée des enfants à l’école que les difficultés émergent (deuxième période de vulnérabilité). Ces mères sont souvent peu intégrées sur un plan social (langue, travail).

  • Enfants et mères présentant des troubles de la séparation. Dans le cadre du groupe, la séparation se fait en douceur grâce à l’existence des deux sous-groupes dans un même espace.

IV - Déroulement matricielle des séances du groupe

Une rencontre avec le thérapeute ou le référent de la mère permet une première prise de contact ainsi qu’une évaluation commune de la situation. Suite à ce premier contact, la patiente intègre le groupe avec son/ses enfant(s).

En cours de prise en charge groupale, un bilan est envisagé après les trois premiers mois, puis tout au long de la prise en charge s’il s’avère nécessaire pour l’une ou l’autre des personnes, le psychothérapeute ou référent individuel, la patiente ou les animateurs du groupe.

Le déroulement pratique du groupe s’effectue en cinq temps:

Temps 1 : après une première prise de contact, d’informations concernant par exemple les excusés ou la présentation de nouveaux participants, nous nous séparons en deux sous-groupes. Pendant que les enfants retrouvent la psychopédagogue et la psychologue stagiaire pour diverses activités ludiques, les femmes passent au temps 2.

Temps 2 : un rituel de début à travers un massage qui a comme objectif une certaine détente et un rôle de contenance.

Temps 3 : ce temps est fait d’une mise en commun, chaque mère donne librement des nouvelles de son enfant et d’elle-même dans la relation avec son enfant. Les autres mères réagissent, donnent leur avis, donnent des conseils, s’étonnent des différences culturelles. Si nous avons le temps, nous choisissons ensemble un thème que nous discuterons toutes ensemble.

Pendant ce temps, nos collègues jouent avec les enfants. En général il y a deux dynamiques en parallèle, celle du groupe de mères et celle du groupe d’enfants. Des interactions ont également lieu entre les enfants et les mères, par exemple un enfant qui vient pour se faire rassurer, cajoler, une crise de pleurs ou d’opposition, ou encore un enfant qui vient montrer ses productions en cherchant l’approbation de sa mère.

Dans l’ici et maintenant, nous allons relever des mouvements significatifs : partage émotionnel, progrès dans la séparation, communication, contenance quand une mère arrive à maintenir une limite et calmer son enfant après une crise.

Temps 4 : les deux sous-groupes se retrouvent ensemble. Le rituel de fin consiste en une couleur que chaque mère et chaque professionnelle (interprètes incluses) va choisir pour symboliser au travers d’un objet flottant comment chacune s’est sentie ce jour-là dans le groupe. C’est également l’occasion pour rendre compte à la mère du comportement de son enfant au sein du groupe, avec les autres enfants, par rapport aux activités et par rapport à la mère.

Temps 5 : le temps des au revoir jusqu’à la prochaine séance.

V - Conclusion

Ce type de dispositif pensé et mis en place par la CPM d’Appartenances a permis de répondre de manière adéquate à des difficultés rencontrées par certaines mères en situation d’exil.

Le groupe a rempli une fonction d’étayage pour les mères et leurs enfants. En effet, il a permis une reprise de confiance dans leur rôle de mère pour les femmes au travers du partage d’expérience commune et du soutien mutuel face aux difficultés rencontrées dans la migration (absence du tissu familial, effacement des repères culturels). Le groupe supplée en partie à ce contexte défaillant et apparaît pour les mères comme un miroir valorisant où elles se découvrent plus compétentes.

Par ailleurs, la localisation dans deux espaces différents, bien qu’au sein d’un même lieu, du groupe des mères et de celui des enfants favorise un processus de séparation douce en permettant des va-et-vient selon les besoins de l’enfant.

Depuis l’existence de ce groupe mères-enfants, nous avons constaté dans la majorité des situations une évolution rapide et positive de leur relation.

Palabras claves

migración, persona exiliada, familia, psicología, psicoterapia


, Suiza

Fuente

MORO M.R., Parents en exil, Psychopathologie et Migration, PUF, 1994.

Association Appartenances - Appartenances, rue des Terreaux 10, 1003 Lausanne, Suisse - Tél. +41 (0)21 341 12 50 - Fax: +41 (0)21 341 12 52 - www.appartenances.ch - info (@) appartenances.ch

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