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diálogos, propuestas, historias para una Ciudadanía Mundial

Défendre la terre grâce à des cartes

La cartographie, un outil pour défendre les terres des communautés indiennes en Amérique centrale

Francisco J. CHAPELA

07 / 1995

Les territoires indigènes des forêts du Honduras, de même que dans de nombreux autres endroits, étaient considérés comme des terres vacantes.

Les leaders indigènes et les activistes culturels du Nord-Ouest du Honduras décidèrent de remédier à l’« invisibilité » politique de la région des Miskitos, en cartographiant avec beaucoup d’attention comment et où vivaient les tribus Garifuna, Pesch, Miskitos et Tawahka Sumu. Ils conçurent un projet destiné à soutenir les indigènes dans la création d’un registre-cadastre détaillé et graphique des lieux où ils vivent. Bien que les cartes d’utilisation du sol ne définissent pas des frontières à proprement parler, ils permettent cependant d’établir qui occupe telle parcelle de terrain et comment ce quelqu’un l’utilise, et ce faisant démontrent qu’elle n’est pas disponible.

Le projet fut mis en œuvre par le groupe indigène miskito MASTA y MOPAWI (ce qui signifie « développement de la Mosquitia », la région de la côte des Mosquitos), qui est une organisation de développement privée, qui travaille avec les groupes indigènes dans leurs efforts de légalisation depuis 1987. Le processus de cartographie a consisté en plusieurs ateliers, reconnaissances de terrain concernant l’utilisation du sol, et enfin en un forum national pour présenter les résultats. Il a été répliqué dans la région du Darién au Panama, où vivent les tribus Emberá, Wounaan et Kuna. Le processus du Panama a bénéficié d’un leadership plus fort, et a été coordonné par un conseil indigène intertribal et par l’ONG CEASPA (Centro de Estudios y Acción Social Panameño), en utilisant la même méthodologie qu’au Honduras.

Au début des projets au Honduras et au Panama, les participants se réunirent pour discuter du processus. Un géographe culturel de l’Université du Kansas, Peter Herlihy, qui avait déjà largement étudié les deux zones, a rempli le rôle de coordinateur de la cartographie. Il divisa la région en zones de quelques fractions de kilomètres carrés, afin qu’elles puissent être couvertes par un seul « explorateur » en quelques semaines. Ce furent les leaders indigènes qui sélectionnèrent les explorateurs indigènes. Ils choisirent des personnes qui avaient une connaissance profonde de la zone, et qui pouvaient parler et écrire en espagnol. Ensuite les coordinateurs travaillèrent avec eux pour définir des critères d’utilisation du sol, de collecte et de gestion de l’information.

Après avoir collecté l’information dans toutes les familles, les explorateurs se réunirent à nouveau avec les cartographes pour organiser, clarifier et analyser l’information. En la comparant avec des photographies aériennes et les plans gouvernementaux, l’information recueillie par les explorateurs fut traduite en une carte au 1/150 000e.

Au cours de cette démarche de comparaison entre les schémas issus du travail des explorateurs avec les photographies aériennes et les documents officiels, les cartographes eurent plusieurs surprises. La première fut que les schémas des explorateurs présentaient des proportions généralement exactes. Une autre fut que les cartes du gouvernement recelaient de nombreuses inexactitudes. L’équipe de cartographie se rendit compte que les zones les mieux conservées correspondaient aux territoires occupés par les indigènes. Mais l’aspect de loin le plus important de ce projet fut que les cartes indigènes fournissaient la première image authentique d’où vivaient les indigènes et de comment ils utilisaient ces terres. « Personne ne sait ce qui se passe là où vivent les indigènes, dit Herlihy, mais au moins nous disposons désormais d’une première image du territoire qu’ils utilisent. »

Au cours d’un troisième atelier, les explorateurs agrégèrent leurs cartes sous la supervision de l’équipe de Herlihy, afin d’obtenir une carte finale révisée à l’échelle 1/250 000e. Cette carte maître servit de base aux présentations publiques faites à Panamá et Tegucigalpa.

Ces forums donnèrent aux indigènes une première opportunité de présenter leurs opinions et leurs découvertes relatives aux schèmes d’occupation du sol, à la localisation des écosystèmes et de la faune, aux menaces qui pèsent sur la vie sylvestre. Assistèrent à ces présentations des agents du gouvernement, des ONG locales et internationales, d’autres groupes indigènes et des conservationistes. En centrant ces forums sur des cartes scientifiques et des évaluations techniques, les indigènes ont construit une base crédible et parlante pour lancer des campagnes politiques sur divers thèmes, parmi lesquels la légalisation des terres communes sur lesquelles ils vivent, l’arrêt des empiètements des colonisateurs et des compagnies multinationales, la résolution du problème des relations entre territoires indigènes et zones nationales protégées.

Au-delà, sur la côte caraïbe, un Conseil culturel maya de Toledo est en cours de création, qui vise à œuvrer à la formation d’un territoire maya. Au Nicaragua, les Miskitos proposent que soit établie une « zone protégée » qui les assure du contrôle des ressources naturelles de la région. Au Costa Rica, les Bribri et les Cabécar forment des « conseils d’anciens » pour diriger la Réserve de La Amistad, près de Talamanca. Subissant la pression toujours plus forte des scies électriques qui s’attaquent à leurs territoires et leurs forêts, la majorité de ces groupes s’est formée au cours de ces 5 ou 10 dernières années.

Heureusement, les groupes conservationistes ont commencé à comprendre que la réalisation de leur désir de voir conservées les quelques dernières reliques de la forêt tropicale dépend de l’appui de leurs habitants. Notamment parce qu’il n’est pas possible de décider quelles forêts protéger en priorité sans savoir qui les habite et comment ces populations la gèrent. En toute logique, la première étape doit être celle de la cartographie.

Les cartographes des Instituts hondurien et panaméen de géographie qui collaborèrent à l’agrégation des cartes déclarèrent que la carte indigène de la Mosquitia était meilleure que tout ce qu’ils auraient pu produire.

La cartographie des territoires indigènes démolit le mythe colonialiste selon lequel ces terres sont inhabitées ou dégradées. Les zones de forêts, de savane ou les zones humides qui demeurent à ce jour coïncident quasi exactement avec les territoires indigènes. Le poids politique de ce processus de cartographie a renforcé la prise de conscience des indigènes, en leur donnant à voir le territoire commun qu’ils partagent avec d’autres indigènes et en les motivant à revendiquer la protection légale que ces territoires méritent.

Palabras claves

pueblos indígenas, valorización de conocimientos tradicionales, ordenamiento territorial, territorio nacional, protección ambiental, protección de los bosques


, Honduras, Panamá, América Central

dosier

Pueblos indigenas

Notas

Fiche originale en espagnol : Defendiendo la tierra con mapas. Traduction : Olivier Petitjean.

Fuente

Artículos y dossiers

DENNISTON, Derek, Worldwatch Institute, “Defending the Land with Maps” in World Watch, Jan-Fév. 1994.

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