Créée en 2002, l’ONG israélienne Zochrot sensibilise le public israélien à l’histoire de leur pays, plus précisément à celle qui commence en 1948 avec ce que les Palestiniens appellent la Nakba (la catastrophe) et dont les Israéliens n’ont que peu conscience. Dans cette partie sensible du monde, construire le dialogue interculturel passe d’abord par un travail de mémoire.
Pour la grande majorité des juifs israéliens, la population palestinienne a volontairement fui sa terre à l’appel de ses dirigeants en 1948. L’expulsion des quelques 800 000 Palestiniens est en effet ignorée du public. Elle n’est pas enseignée dans les écoles israéliennes où perdure le slogan « un peuple sans terre » pour une « terre sans peuple ».
En 1948, 450 villages palestiniens ont été détruits ou abandonnés. Même si leurs ruines sont partout visibles en Israël, les différents gouvernements israéliens refusent de reconnaître officiellement leur existence passée. Aujourd’hui, 20 % de la population israélienne est composée de Palestiniens, qui sont confrontés à une politique discriminatoire dans les domaines de l’emploi, de l’éducation supérieure et des politiques d’aménagement. Plus de la moitié des familles pauvres en Israël sont des familles palestiniennes.
Promouvoir une autre mémoire
Pour Zochrot (1), la vérité historique et la reconnaissance de la mémoire palestinienne sont des passages obligés vers une future réconciliation. En réaction à l’hégémonie du discours officiel, l’association veut promouvoir cette autre mémoire, enclencher un dialogue et secouer les consciences.
Son principal mode d’action est de se rendre directement dans les anciens villages palestiniens. Régulièrement l’association y organise des visites, pour les publics juif israélien et palestinien d’Israël. Elle signale par des panneaux les lieux qui étaient habités avant 1948 et raconte leur histoire. Le témoignage de cette vie antérieure est dit par ceux, maintenant citoyens d’Israël, qui vivaient autrefois sur place. Par ces récits, les visiteurs ont une idée concrète de la réalité du village avant sa destruction ou son abandon. En 2007, plus de 750 personnes ont participé à ces visites qui revêtent des significations différentes selon les participants. Pour les Palestiniens d’Israël, il s’agit souvent d’un retour à l’endroit où ils vivaient ; les juifs israéliens découvrent, quant à eux, un pan de mémoire jusque là enfouie.
Zochrot souhaite ainsi créer un espace, le temps d’une visite, dans lequel évoquer la Nakba. Le dialogue ne s’instaure toutefois pas sans difficulté avec les habitants des villages visités. En 2008, pour la première fois, une visite a dû être annulée suite aux refus des habitants d’Amka, un ancien village palestinien, d’accueillir l’association.
Sans aucun doute un changement
Pour Eitan Bronstein, le fondateur de Zochrot : « Dire que nous avons révolutionné l’opinion publique israélienne serait exagéré mais sans aucun doute il y a un changement, nous le sentons ». En février 2008, l’association a obtenu du Fonds national juif[>2] que soit mentionnée, dans le Parc du Canada, un des lieux de promenade les plus fréquentés sur la route de Jérusalem, la présence des villages palestiniens de Yallu et Imwas, détruits en 1967. {Zochrot est aussi en contact avec l’agence israélienne en charge des parcs et réserves naturelles pour que soit mentionnée la présence des villages palestiniens abandonnés ou détruits.
La conclusion du fondateur de Zochrot est simple : « Je suis certain qu’en l’absence de reconnaissance de ce qui s’est passé en 1948, en dehors du discours historique officiel, il ne sera pas possible de parler d’une véritable réconciliation entre Israéliens et Palestiniens et d’une vie en paix et sécurité} ».
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, Israel, Palestina
L’impossible dialogue des cultures ?
Altermondes n°16 - décembre 2008 > février 2009, www.altermondes.org
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