07 / 2005
La capitale de l’Union indienne attendait. Elle attendait que l’Etat voisin d’Uttar Pradesh accepte de lui envoyer de l’eau vers l’usine de traitement de Sonia Vihar flambant neuf, construite par la société Suez- Degrémont. Le Premier ministre en personne est intervenu dans cette affaire pour tenter de forcer la main aux dirigeants de l’Uttar Pradesh, lesquels disent que les agriculteurs et les citoyens de chez eux devraient pouvoir se servir en premier lieu. Ils ajoutent que, en matière d’approvisionnement en eau, Delhi est déjà bien gâtée.
Au Rajasthan, dans le district de Tonk, des agriculteurs protestaient contre un barrage dont l’eau, disaient-ils, va être accaparée par les villes de la région. Ils manifestent sur une grande route, la police ouvre le feu et il y a des morts. Ces deux sujets ont des aspects communs. Ils illustrent ce que va être la question de l’eau dans ce pays. Il ne s’agit pas de problèmes locaux. Ils vont au contraire s’étendre à tout le pays. Dans les villes en pleine croissance et qui vont chercher leur eau de plus en plus loin pour satisfaire leurs besoins et aussi soigner leur confort, dans les villages et les exploitations qui voient passer des conduites transportant vers d’autres destinataires de l’eau dont ils ont grand besoin. Les troubles de l’ordre public provoqués par la pénurie d’eau sont l’expression d’une colère latente, d’une tension permanente. Il est grand temps de procéder à un état des lieux, d’estimer nos besoins, d’élaborer des stratégies fondées sur le principe de rareté de l’eau, même si ici ou là, à tel ou tel moment, elle peut être abondante. Il est temps qu’on apprenne, il est temps que l’on change de mentalité. Que faire dans les conditions présentes ?
Premièrement, chaque ville devra supprimer les pertes. Pour cela il faudra impérativement améliorer les performances des services de distribution de l’eau, récupérer le coût des services rendus et surtout convenir que le meilleur moyen de traiter les fuites c’est encore de réduire la longueur des canalisations. Il est évidemment préférable de collecter l’eau localement, de la distribuer localement, de l’épurer localement. Ce n’est pas impossible. Chaque ville doit gérer avec le plus grand soin ses ressources souterraines en prenant les mesures appropriées pour réalimenter ces ressources. C’est seulement après avoir tiré le meilleur parti de ses ressources locales qu’une ville peut se tourner vers l’extérieur. Deuxièmement, les villes devront informer, sensibiliser la population afin de réduire la consommation domestique et industrielle. En Australie, un pays riche où il n’y a pas beaucoup d’eau, un projet de loi prévoit d’imposer des normes plus strictes pour l’équipement ménager. Chez nous en Inde la chasse d’eau engloutit plus d’eau que partout ailleurs dans le monde. L’Inde est peut-être un pays riche ! Troisièmement, les villes devront bien comprendre les problèmes de l’assainissement et se tourner vers le recyclage des eaux usées, jusqu’à les rendre consommables à nouveau. C’est ce qu’ils font à Singapour. Ou bien séparer les effluents ménagers des effluents industriels pour faire en sorte que ce qui est relativement moins toxique puisse être épuré afin de recharger les réserves souterraines ou irriguer les champs. Jaipur pourrait faire ça. Ça se fait bien en Israël.
Pour en arriver là, il faudrait que les esprits changent. Le plus gênant c’est cette mentalité qui fait que l’idée de frugalité est associée à pauvreté, et on n’a pas envie d’admettre que l’Inde est pauvre. Le leader politique qui parle de préserver la ressource passera pour un partisan des « tickets de rationnement », pour un chantre de la pénurie. Alors nos élus « vont de l’avant » et rêvent de grandes conduites pleines d’eau. C’est ce dont rêve la population, disent-ils. A cette allure, les fiers à bras de la politique finiront peut-être par assécher le pays.
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, India
« Économie politique de la défécation » (Notre Terre n°23, sept. 2007)
Traduction en français : Gildas Le Bihan (CRISLA)
CRISLA, Notre Terre n° 23, septembre 2007. Sélection d’articles de Down To Earth, revue indienne écologiste et scientifique, publiée par CSE à New Delhi.
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