Une analyse du point de vue de différentes traditions religieuses sur la femme
12 / 2006
L’ouvrage sur « La femme » des éditions de l’Atelier offre une analyse du point de vue de différentes traditions religieuses (le judaïsme, le christianisme, l’islam, l’Inde, le bouddhisme) sur la femme. Il nous enseigne que la femme a une place particulière dans les religions, que ce soit dans l’analyse des textes ou les traditions culturelles d’origine religieuse. Il y a des points communs entre les religions, la femme y étant considérée en partie comme une déesse ou un être admiré, comme la mère, l’origine du monde, et en partie comme inférieure ou subordonnée, dépendante de l’homme, ou marginalisée, notamment concernant le culte. La différence tient ensuite à la place qu’occupe la religion dans la culture et dans la société.
Ce livre est intéressant pour les informations qu’il donne sur l’histoire des religions et l’interprétation des écritures. Ainsi Philippe Haddad, qui traite le chapitre de la femme dans le judaïsme, présente une analyse de l’écriture hébraïque et notamment de la gamatria, qu’il appelle la numérologie juive : « (…) par son alphabet, l’hébreu conte et compte. La réalité dans sa complexité renvoie à un réseau. Tout est dans tout » ; les chapitres sur la femme en Inde et la femme et le bouddhisme contiennent aussi des informations intéressantes sur des cultures moins connues, et analysent des sources d’accès plus difficile.
L’ouvrage propose aussi une question d’actualité, les femmes sont-elles victimes des religions ?, qui évoque la question de l’émancipation des femmes dans la vie religieuse.
Enfin un forum entre les auteurs permet vraiment une démarche de dialogue, d’échange à partir de ces différentes analyses. A cette occasion, l’intervention de Vasundhara Filliozat sur l’Inde est assez surprenante. Elle traduit un certain rejet de l’Occident, une peur de la perte des références culturelles et des valeurs indiennes : « Notre corps n’est pas fait de la même manière. Les femmes indiennes en blue-jean, ça ne va pas du tout ! ». Elle préconise une préservation de chaque culture qui risque de rendre chacune d’elle cloisonnée et statique : « on peut écouter de la musique pop, mais sans l’introduire dans notre musique car ce mélange risque de la détruire » (p. 174). Dans le chapitre consacré à l’Inde, Vasundhara Filliozat considère d’ailleurs qu’il y a une césure entre avant et après la colonisation anglaise, qui est d’après elle responsable de la place inférieure de la femme, place qu’elle n’aurait pas du tout occupée auparavant. Il est dommage que cette thèse ne soit pas un peu plus étoffée car elle manque ici de fondement et donc de crédibilité.
Or le reproche que l’on pourrait faire à cet ouvrage, qui est censé ouvrir un dialogue entre différentes cultures religieuses, est de ne pas forcément prendre en compte dans l’analyse le rapport entre ces différentes cultures et/ou cultures religieuses, l’actualité de la question, notamment sous l’angle des échanges entre aires culturelles. Cet ouvrage propose une bonne synthèse pour une information de base sur le rapport des différentes religions à la femme, on apprend beaucoup de choses sur des détails du rite religieux ou de l’interprétation des écritures, mais il est dommage qu’il n’y ait pas une analyse de la religion comme construction historique et sociale qui expliquerait les implications actuelles du fait religieux sur la place de la femme dans l’église et la société, et le rapport entre les cultures à travers la question de la femme dans la religion. Les auteurs semblent avoir pris le parti de débattre sur les écritures, et il s’agit de déterminer dans quelle mesure elles sont trahies ou non dans l’interprétation qui en est faite par la société lorsque les femmes se retrouvent marginalisées ou subordonnées à l’homme. Les développements sur la femme mère/la femme impure, la femme imparfaite, la sphère privée réservée à la femme, où elle est à la fois maître et confinée sont tout à fait pertinents, mais ils sont plutôt de l’ordre du constat, une approche historique très descriptive qui peut servir de base à des lectures plus approfondies. Seul Malek Chebel évoque ce point de vue lorsqu’il traite de la question de l’émancipation de la tutelle des religieux dans l’islam. Pour lui, la condition de la femme est fonction de la religion, mais aussi de l’éducation, de l’économie, de la politique, et d’autres facteurs. Il souligne aussi que tout être humain, et pas seulement la femme, est soumis à ces facteurs d’influence. « La religion elle-même n’est ni libératrice, ni vraiment contraignante » (p. 145). Ce sont les hommes qui la rendent telle. Selon lui, l’évolution de la place de la femme dans la société passe par l’éducation et par le droit. Ce dernier point doit selon nous quand-même être relativisé : dans les sociétés musulmanes, le droit est en partie issu des textes religieux ou de leurs interprétations. Les règles religieuses sont des règles juridiques, et peuvent être défavorables à la femme. Cependant, des évolutions sont possibles.
Un événement récent rend bien compte des rapports entre la place de la femme, la religion et la culture. Il s’agit de la candidature de Kara Hasan Gulbeyaz, musulmane de la minorité pomaque, qui s’est présentée aux élections régionales grecques en octobre 2006. Cela a suscité un débat en Grèce, pays orthodoxe, et de vives réactions, qui ont conduit Kara Hasan Gulbeyaz à déclarer : «Je suis grecque, musulmane, femme, mère, avocate et militante au Pasok. Je suis étonnée de l’hystérie générale provoquée par cette annonce. J’aimerais qu’on m’interroge sur mon programme politique.»
mujer, religión y cultura, cultura religiosa, sociología de las religiones
Libro
Collectif, La femme. Paris : Editions de l’Atelier, 2002. Collection Ce qu’en disent les religions. 192 p.
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