Qu’est-ce que le dialogue entre les religions ? Jean Mouttapa répond tout d’abord, dans son ouvrage Religions en dialogue, par des propositions négatives.
Le dialogue n’est pas un « discours creux et interminable » ; il n’est pas un syncrétisme facile mais reconnaît et respecte les divergences et la pluralité du monde ; il n’est pas une fascination pour les pouvoirs extraordinaires, les événements miraculeux, qui ne sont pas essentiels à la vie spirituelle et pas pertinents par rapport aux échanges interculturels ; il n’attribue pas plus d’importance qu’elles n’en ont aux questions culturelles et institutionnelles. Le vrai dialogue des religions doit conduire à une conscience de la liberté et à une perspective transcendantale, et non être un « fatras dérisoire de banalités mécaniques et de lieux communs éthiques ».
Le problème au cœur de la question du dialogue des religions est la notion de vérité.
La religion a eu tendance à présenter et défendre sa vérité comme universelle et non comme relative. C’est le point d’achoppement de tout dialogue, religieux ou non. Il n’y a pas de dialogue quand on pense détenir la vérité et qu’il s’agit uniquement de faire en sorte que l’autre l’admette.
Cela rejoint une critique faite par Jean Mouttapa sur la démarche de l’Eglise catholique en matière de dialogue interreligieux, à la suite du Concile Vatican II et de la déclaration Nostra Ætate (A notre époque) : s’il y est reconnu que toutes les religions essaient de répondre aux mêmes questions fondamentales et qu’une collaboration entre elles peut être fructueuse, le caractère missionnaire de cette démarche d’ouverture reste déterminant. Pour l’auteur, le dialogue est instrumentalisé pour la conversion.
De plus, pour rendre le dialogue possible, l’histoire et la science religieuse sont essentielles, même si elles ne sont pas l’objet direct du dialogue. A cette occasion, l’auteur soulève un problème dans l’islam, qui est souvent évoqué quand il s’agit d’analyser la position de cette religion par rapport à divers thèmes et questions sur l’être humain et sur la société : la rigidité du Coran, l’impossibilité d’interpréter le texte, la « servilité par rapport aux sources » (J. Berque).
« Rêver l’autre, c’est le nier ». Avec cette phrase, Jean Mouttapa critique ce qu’il nomme « un certain orientalisme » : certains auteurs comme Mircea Eliade ou Alain Daniélou ont éprouvé une fascination pour l’Inde et le système des castes considéré comme d’ordre naturel, oublié par les occidentaux, fascination pour l’inégalité des races et haine de la modernité. Or il y a eu des contestations du système de castes, par le bouddhisme ou par les bhakti. Cette attitude ne peut être bénéfique au dialogue culturel car l’autre n’est pas reconnu dans sa dynamique propre.
Jean Mouttapa présente une galerie de personnalités qui l’intéressent par rapport à la question du dialogue des religions : le poète Daniel Pons, auteur de Le Fou et le Créateur, pour qui le dialogue, c’est s’entêter avec le cœur, Jiddu Krishnamurti, qui a refusé l’autorité dans la religion (il était vu comme un messie par la Société théosophique en Inde) mais a cherché le dialogue, la discussion, partout dans le monde, Martin Buber, sioniste défenseur du dialogue entre juifs et arabes, Louis Massignon, qui a œuvré pour le rapprochement islamo-chrétien, Thomas Merton, moine engagé qui s’intéresse notamment aux religions orientales, Karlfried Dürckheim, qui veut lier les méthodes orientales d’ascèse spirituelle et la psychologie occidentale. A propos de K.Dürckheim, Jean Mouttapa regrette que son engagement pour le nazisme n’ait pas été reconnu par lui comme une faute et non une simple erreur. Pour Jean Mouttapa, il faut retrouver le sens biblique de la responsabilité et non confondre, comme il pense que cela a été le cas pour K.Dürckheim, l’esprit taoïste avec le désengagement, la démission, la relativisation de toutes les valeurs.
Le silence et le baiser sont les deux derniers développements du livre de Jean Mouttapa. Pour lui les institutions religieuses parlent souvent trop vite et trop, de choses qui ne les concernent pas forcément. Le dialogue des religions serait aussi facilité par cette maxime, « le silence est d’or ». Enfin il fait l’éloge du baiser, l’amitié et l’amour n’appelant aucune preuve, aucune comparaison.
Une question qui est juste abordée en introduction par Jean Mouttapa, et qui mériterait peut-être plus de développements, est celle de l’intégrisme religieux et des sectes. Pour l’auteur, le dialogue est impossible dans ces deux cas de figure car, pour l’intégrisme, les différences de discours sont considérées comme incompatibles, et pour les sectes toute altérité disparaît.
Libro
MOUTTAPA Jean, Religions en dialogue. Paris : Albin Michel, 2002. Collection Espaces libres. 310 p.
Développement et Civilisations - Centre international Lebret-Irfed - 49 rue de la Glacière, 75013 Paris, FRANCE - Tel 33 (0) 1 47 07 10 07 - Francia - www.lebret-irfed.org - contact (@) lebret-irfed.org