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La société interculturelle : vivre la diversité humaine

Une lecture du livre de Gilles Verbunt

Claire BARTHÉLÉMY

12 / 2006

La société interculturelle de Gilles Verbunt est un ouvrage de base sur cette matière.

Partant du postulat, comme d’autres auteurs, que tout est culturel dans le comportement humain, il décrit l’évolution des cultures depuis les cultures ethniques, nationales, au monde global d’aujourd’hui, ce qui correspond à la thèse de Jacques Demorgon exposée dans son livre Complexité des cultures et de l’interculturel. L’auteur constate que les cultures sont aujourd’hui très mélangées, l’individu appartenant à différents groupes, collectivités, communautés. Il ajoute un élément intéressant sur les rapports entre les cultures qui en découlent : un groupe humain n’agissant pas seulement à l’instinct, il est possible de dépasser les déterminismes et de conduire des actions volontaristes, de développer des sentiments de solidarité et des expériences de convivialité entre les cultures. L’interculturel est l’interaction des groupes culturels et non leur juxtaposition ou leur assimilation. C’est un point qui me paraît essentiel.

Gilles Verbunt consacre d’ailleurs une partie de son ouvrage à la question de l’intégration de l’étranger dans une autre culture, à celle de la naturalisation et au biculturalisme (qui ne pose de problème qu’en rapport avec un milieu social défavorisé). Cette partie qu’il décrit lui-même comme plus politique est celle qui a le plus retenu mon attention.

La distinction entre les notions de nationalité et de citoyenneté pourrait contribuer à cette réflexion. Il existe deux versants à la notion de nation : sa définition politique, qui fait référence à la citoyenneté, et sa définition romantique (Volksgeist(1), qui fait référence à l’ethnie, à la nationalité. L’idée de citoyenneté est celle d’une « adhésion rationnelle à des principes » et non une « nationalité naturelle ». La nationalité représente elle l’appartenance à un peuple ayant certaines caractéristiques (langue, religion, …).

Une même personne peut être d’une nationalité différente de sa citoyenneté. C’est le cas concrètement en Espagne où la Constitution reconnaît les nationalités qui « composent » la nation espagnole (basque, catalane, galicienne). Le Plan Ibarretxe pour le Pays-Basque, sur le statut de cette Communauté Autonome espagnole, mettrait en place s’il est adopté une nationalité basque qui peut être obtenue même par la « diaspora ». Cette idée de cumul d’une nationalité et d’une citoyenneté est plus répandue en Europe de l’Est, et pourrait être le moyen d’éviter la juxtaposition ou l’assimilation des cultures, mais cette solution se limite, même si le domaine est large, à l’idée de peuple (avec ses caractéristiques linguistiques, historiques, religieuses,…) et ne peut pas rendre compte de toutes les dimensions culturelles d’un individu.

Gilles Verbunt est pour une relativisation de la nation, pour sa définition essentiellement politique, « une réflexion courageuse sur le sens de la nation dans le monde moderne » (p. 273) et pour une société interculturelle qui requiert des structures institutionnelles, étatiques souples, « où la négociation l’emporte sur les diktats ». Gilles Verbunt distingue deux modèles : la France jacobine et la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis du multiculturalisme.

Aucun de ces deux modèles ne lui convient, « en réalité, la société interculturelle n’a pas (encore) de modèle », mais pour moi il existe des voies alternatives, historiques ou en train de se développer : le droit de participation politique des minorités linguistiques ou nationales, le fédéralisme (et même le fédéralisme intégral de Proudhon qui touche à toutes les activités de la société dans sa complexité), le régionalisme institutionnel (qui met l’accent sur la participation et la négociation au sein des institutions nationales et territoriales, ces dernières ayant une base identitaire), l’Etat multinational (Karl Renner l’imagine pour l’Autriche-Hongrie, chaque nationalité est une corporation de droit public ayant des compétences en matière culturelle et personnelle notamment), la souveraineté culturelle (Kulturhoheit, une notion allemande), la décentralisation ethnique (Guy Héraud). Autant de solutions institutionnelles qu’il faudrait explorer aujourd’hui si l’on veut trouver un modèle pour la société interculturelle.

1 Voir notamment J.G. Fichte, Reden an die deutsche Nation (Discours à la nation allemande), 1807/1808.

Palabras claves

diálogo intercultural, comportamiento cultural, diversidad cultural

Fuente

Libro

VERBUNT Gilles, La société interculturelle : vivre la diversité humaine. Paris : Seuil, 2001. 281 p.

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