09 / 2007
Rapide historique
L’idée d’utiliser le «gaz à l’eau» issu de la gazeification de la lignocellulose du bois est ancienne : c’est le gazogène de la seconde guerre mondiale. La transformation de ce gaz en carburant (essence; méthanol, éthanol, diesel) a fait l’objet de recherches dans les années 80. Ces recherches se sont intensifiées au tournant des années 2000 avec l’envolée des coûts du pétrole et les craintes d’une concurrence des agrocarburants de première génération avec les usages alimentaires de la biomasse.
État de l’art
On estime que 5 % (1) au moins de la production totale de biomasse mondiale pourraient être mobilisables pour la production d’énergie soit un total de 13,5 milliards (Mds) de tonnes de matières premières disponibles, près de 6 Mds de tep d’énergie primaire. Seul 1/5 de ce potentiel est actuellement exploité, dont la majeure partie sous forme de bois énergie (80 %) et une part minime pour le transport (1 % en 2005).
Quantités de biomasse énergétique dans le Monde
Quantités de biomasse | |
Produits forestiers | 2,36 Gt |
Produits agricoles non alimentaires | 5,33 Gt |
Résidus de culture | 3,5 Gt |
Résidus d’industrie du bois | 2,1 Gt |
Autres résidus (graisses animales…) | 0,19 Gt |
Total | 13,5 Gt |
Source IFP
Grâce à la mise en culture des terres à potentialités agricoles, l’exploitation des résidus ainsi que l’augmentation attendue des rendements dans les pays en voie de développement, ce potentiel pourrait croître pour atteindre environ 18 Mds de tonnes de biomasse en 2050 (2) (soit, environ 9 Gtep en énergie primaire). Dans ses dernières estimations, l’AIE n’envisage qu’un taux de substitution de 4 et 7 % de carburants pétroliers par des carburants d’origine végétale à l’horizon 2030, si on en reste aux agrocarburants de 1ère génération. La mise en place des filières de seconde génération permettrait d’augmenter très fortement cette part. La matière lignocellulosique (bois, paille) est principalement constituée des trois polymères de la paroi cellulaire végétale : la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. Ceux-ci sont présents en proportions variables selon la plante considérée (cf. tableau 1).
Tableau 1. Composition de la biomasse lignocellulosique
Biomasse | Lignine (%) | Cellulose (%) | Hémicellulose (%) |
Bois tendre | 27-30 | 35-42 | 20-30 |
Bois dur | 20-25 | 40-50 | 20-25 |
Paille de blé | 15-20 | 30-43 | 20-27 |
D’autres éléments minoritaires (inorganiques, silice, etc.) complètent cette composition dans des proportions de 5 à 15 %.
Ces trois polymères sont étroitement associés entre eux dans les différentes couches de la paroi végétales formant ainsi une matrice rigide difficile à déstructurer. Deux filières de biocarburants de 2e génération sont essentiellement envisagées aujourd’hui : une voie visant la production de carburant gazole et de kérosène (la filière BtL) ; une voie visant la production d’éthanol.
La filière BtL « Biomass to Liquid »
C’est une voie dite «thermochimique» qui comporte trois grandes étapes : le conditionnement de la biomasse, la gazéification et le traitement du gaz de synthèse, et la synthèse du carburant. Certaines de ces opérations ont déjà été éprouvées dans un contexte industriel dans des projets utilisant comme matière première du gaz naturel (GtL) ou du charbon (CtL). Cette dernière filière a en particulier été utilisée pour contourner les difficultés d’approvisionnement en pétrole pendant la seconde guerre mondiale en Allemagne ou durant l’embargo du régime de l’apartheid en Afrique du Sud.
Le conditionnement a pour objectif de transformer la ressource végétale en un matériau homogène et injectable dans un gazéifieur par deux voies principales, la pyrolyse et la torréfaction. La gazéification, opération thermique en présence d’un réactif gazeux (vapeur d’eau, oxygène), produit un gaz dit de synthèse contenant principalement de l’hydrogène et du monoxyde de carbone, plus des impuretés carbonées ou inorganiques et d’autres gaz. C’est le mélange qui est aujourd’hui utilisé industriellement en combustion dans les centrales électriques au charbon (ou IGCC : Integrated Gaseification Combined Cycle) et qui le fût autrefois également pour la traction automobile, le fameux gazogène. Pour produire du carburant liquide, les contraintes sur la composition du gaz de synthèse sont plus exigeantes que pour la combustion directe : la gazéification de la biomasse se fait donc à très haute température (1200 °C à 1300 °C) et est suivie de différentes étapes de purification du gaz de synthèse. Au cours de ces opérations, il faut apporter de la chaleur en brûlant une partie de la biomasse d’où le faible rendement en masse du procédé (< 20 %).
Aucune technologie spécifique de gazéification de la biomasse n’est aujourd’hui arrivée au stade industriel. Les solutions proposées sont en fait issues des technologies utilisées pour le gaz naturel, le charbon ou le pétrole. La réaction de synthèse Fischer-Tropsch permet ensuite de produire de l’essence, du gazole et du kérosène à partir du gaz de synthèse.
La production d’éthanol
Les différentes étapes conduisant à la production d’éthanol à partir de matériaux lignocellulosiques sont proches de celles pratiquées sur le maïs ou le blé : préparation de la matière première, conversion de la cellulose en glucose (sucre), fermentation des sucres en éthanol, distillation et purification finale de l’éthanol. Seules les deux premières étapes sont spécifiques à cette filière dite de 2e génération.
Pour préparer la matière première il existe deux solutions : l’explosion à la vapeur ou la cuisson en présence d’acide dilué, pour déstructurer la matière lignocellulosique et permettre l’accès aux parties «sucrées» de la biomasse qui sont les seules à pouvoir être transformées en éthanol.
La conversion de la cellulose en glucose consiste à casser les molécules de cellulose en glucose à l’aide d’enzymes (hydrolyse enzymatique). Le glucose produit peut ensuite être converti par fermentation en éthanol (3). Dans ces procédés, la lignine reste un déchet fatal qu’on a tout intérêt à valoriser. On peut l’utiliser pour alimenter une unité de cogénération à même de fournir la chaleur nécessaire à la distillation et de l’électricité à exporter. Typiquement pour une unité de 200000 t/an d’éthanol, de l’ordre de quelques dizaines de MW électriques pourraient être produits.
Coûts
Un des objectifs majeurs des travaux actuels est la réduction des coûts de production, aujourd’hui de l’ordre de 1 €/l équivalent pétrole pour les deux filières, à 0,40 €/l équivalent pétrole pour l’éthanol et 0,70 €/l pour la filière BtL à l’horizon 2010-2015 et à plus long terme, 0,50 €/l équivalent pétrole (4). Ces coûts n’apparaissent pas fondamentalement différents de ceux atteints aujourd’hui par les filières de 1ère génération. L’apport de ces nouvelles filières de biocarburants se situe donc surtout au niveau des volumes de produits qui pourraient être générés sans créer de concurrence avec des besoins alimentaires.
Émissions de gaz à effet de serre
Bien que techniquement prometteurs en raison de leur potentiel planétaire global, il y a encore trop peu d’études complètes sur les cycles de production des agrocarburants de deuxième génération pour avancer des chiffres de réduction des émissions de CO2. Cependant, leur économie énergétique est a priori plus favorable que celle des agrocarburants de première génération parce qu’ils utilisent la totalité du carbone récolté «plante entière» et pas seulement la partie contenue dans la partie actuellement utilisée en première génération (graine, betterave, etc.). On peut espérer un gain d’émission d’un facteur deux à trois sur le simple ratio du carbone réellement mobilisé par rapport au carbone capturé dans la plante par photosynthèse.
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