09 / 2007
Les perspectives mondiales
On dispose à la fois d’images prospectives diversifiées et de prévisions à l’horizon 2030 ou 2050, de la contribution potentielle des énergies renouvelables au bilan énergétique mondial, élaborées par différents organismes : GIEC, IIASA, AIE (1), etc. Malgré leur diversité, elles montrent toutes l’importance qu’accordent les énergéticiens à la contribution de ces énergies à long terme. C’est le cas par exemple pour les prévisions de l’AIE comme le montre le tableau ci-dessous.
Contribution des différentes sources d’énergie primaire à l’approvisionnement mondial dans le scénario de référence de l’Agence Internationale de l’Énergie
Monde Mtep | 2004 | 2015 | 2015/2004 | 2030 | 2030/2004 |
Energies fossiles | 9010 | 11430 | + 27 % | 13880 | + 54 % |
Energie nucléaire | 710 | 810 | + 11 % | 860 | + 21 % |
Energies renouvelables | 1480 | 1830 | + 24 % | 2355 | + 59 % |
dont Hydraulique | 240 | 320 | + 33 % | 410 | + 71 % |
dont Biomasse | 1180 | 1375 | + 16,5 % | 1645 | + 39 % |
dont autres renouvelables | 60 | 135 | + 225 % | 300 | + 500 % |
Total approvisionnement | 11200 | 14070 | + 25,6 % | 17095 | + 53 % |
Source : Energy Outlook 2006
On y remarquera en particulier la multiplication par 5 de la contribution des « autres renouvelables », solaire, éolien, géothermie, mais aussi une forte augmentation du recours à la biomasse et à l’hydraulique. Malgré cette croissance, les énergies renouvelables progressent peu en part du bilan primaire mondial de 13,2 à 13,8 %.
Energies renouvelables : répartition régionale d’approvisionnement primaire du scénario de référence de l’AIE
E primaire Mtep | 2004 | 2015 | 2015/2004 | 2030 | Δ 2030/2004 | 2030/2004 |
Pays en développement | 1097 | 1287 | + 17 % | 1581 | 484 | + 44 % |
Economies en transition | 44 | 52 | + 18 % | 71 | 27 | + 61 % |
Pays industriels | 339 | 491 | + 45 % | 703 | 364 | + 207 % |
dont UE | 114 | 178 | + 56 % | 261 | 147 | + 229 % |
Les chiffres de ce tableau montrent l’importance de la prévision de croissance des renouvelables dans les pays industrialisés et plus encore en Europe (plus de 200 % contre 44 % pour les pays en développement). Mais cette analyse doit être relativisée par deux considérations :
En valeur absolue, avec 484 Mtep de croissance des renouvelables, l’effort demandé aux pays en développement est très nettement supérieur à celui demandé aux pays industrialisés, et celui demandé aux économies en transition, pourtant bien dotées en ressources renouvelables, est ridicule.
Alors que la proportion d’énergies renouvelables n’atteint que 13 % en 2030 pour l’Union Européenne (contre 6,8 % en 2004), et reste totalement négligeable pour les économies en transition (5 % en 2030) elle est encore de 18,3 % en 2030 dans les pays en développement (contre 24,6 % en 2004).
Les perspectives françaises
Plusieurs études récentes permettent de montrer la diversité des approches concernant les perspectives à moyen et long terme de consommation et d’approvisionnement de la France. Parmi ces études, celle effectuée très récemment par Enerdata pour le Comité d’analyse stratégique «F4 POLES» (2), et celle de l’association Négawatt (3) éclairent les divergences, mais aussi les convergences entre des analyses a priori très antinomiques.
Toutes deux se fixent l’objectif d’une division par 4 des émissions de GES en 2050. En termes d’approvisionnement, le scénario du CAS s’appuie largement sur le nucléaire alors que le scénario Négawatt s‘appuie sur les renouvelables et de façon transitoire sur le gaz naturel.
On y a ajouté un scénario dit «tendanciel» censé représenter l’évolution énergétique en poursuivant les politiques actuelles.
France : approvisionnement d’énergie primaire dans divers scénarios
E primaire Mtep | Combustibles Solides | Pétrole | Gaz | Nucléaire | Electricité renouvelable | ENR | Total | Total ENR |
Tendanciel 2020 | 20,5 | 96,1 | 59,6 | 108,9 | 8,3 | 16,9 | 310,3 | 25,2 |
F4 POLES 2020 | 12,2 | 67,2 | 35,1 | 105 | 8,8 | 23,6 | 251,9 | 32,4 |
Négawatt 2020 | 5,7 | 52 | 40 | 54,6 | 12,9 | 21,8 | 187 | 34,7 |
Tendanciel 2030 | 23,2 | 92,4 | 63,3 | 116,5 | 9,9 | 22,3 | 327,6 | 32,2 |
F4 POLES 2030 | 9,4 | 47,4 | 29,9 | 114,1 | 11,4 | 31,8 | 244 | 43,2 |
Négawatt 2030 | 3,2 | 37,2 | 37 | 23,2 | 18,9 | 29,8 | 149,3 | 48,7 |
Rappel 2006 | 12,4 | 91,8 | 40,3 | 112 | 5,6 | 13,1 | 275,3 | 18,7 |
France : consommation d’énergie finale dans divers scénarios
On constate une étonnante convergence entre les images prospectives de la consommation finale d’énergie totale en 2020 et 2030 des deux scénarios F4 POLES et Négawatt. Elles sont pratiquement identiques et révèlent la même priorité d’économie d’énergie par rapport au scénario tendanciel (26 % d’économie en 2020, 40 % en 2030).
Les deux scénarios divergent par contre profondément sur deux points principaux : l’intensité du recours à l’électricité et la nature des sources primaires de production de cette électricité. Dans F4 POLES, la part de la consommation finale d’électricité croît de 23 % en 2006 à 31 % en 2020 et 39 % en 2030. Dans le scénario Négawatt, cette part augmente beaucoup plus modestement de 23 % en 2006 à 25 % en 2020 et 28 % en 2030.
En ce qui concerne la nature des moyens de production, le contraste est encore plus saisissant. Le scénario F4POLES continue à reposer très majoritairement sur le nucléaire pour la production d’électricité (400 TWh en 2020 et 440 en 2030), et marginalement sur les renouvelables (100 TWh en 2020 et 130 TWh en 2030). Au contraire le scénario Négawatt affiche à la fois une progression rapide du recours à l’électricité renouvelable (150 TWh en 2020, 220 TWh en 2030), une régression rapide du nucléaire qui passe de 420 TWh en 2006 à 210 TWh en 2020 et à 90 TWh en 2030. Le complément d’électricité nécessaire est assuré de façon transitoire par le gaz naturel (75 TWh en 2020 et 110 TWh en 2030) en attendant le déploiement complet des renouvelables.
Ces divergences importantes sur l’électricité expliquent très largement les très gros écarts qu’on observe sur les consommations d’énergie primaire : 187 Mtep en 2020 pour Négawatt contre 252 pour F4 POLES et 149 Mtep en 2030 pour Négawatt contre 244 pour F4 POLES.
Le système électrique très intensif et très centralisé que propose F4 POLES, à partir de très gros sites nucléaires, avec les pertes de chaleur considérables que cela entraîne, conduit à une dégradation constante de l’efficacité Énergie finale/Énergie primaire déjà médiocre (59 % en 2006, 52 % en 2020, 48 % en 2030).
Par contre le recours aux renouvelables et la décentralisation qui y est associée, en permettant un recours plus intensif aux cogénérations permet au scénario Negawatt d’afficher une amélioration très sensible de l’efficacité Énergie primaire/Énergie finale sur la période (72 % en 2020 et 78 % en 2030).
Les deux images proposées sont donc très contrastées. A partir de la même exigence de maîtrise de la demande d’énergie et de respect des consignes de réduction des émissions de GES en 2050, l’image que livre F4 POLES est celle d’un système énergétique continuant à évoluer rapidement vers le tout électrique, très majoritairement nucléaire, très centralisé, dont le rendement global se dégrade rapidement.
Négawatt livre au contraire l’image d’un système énergétique qui tente de modérer la progression du recours à l’électricité et de permettre la sortie du nucléaire grâce aux renouvelables et transitoirement au gaz naturel tout en respectant plus rapidement les consignes de décroissance des émissions de gaz à effet de serre (4).
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