09 / 2005
Devant la complexité du tableau des matières et des risques, il n’est pas facile de définir des indicateurs quantitatifs pour discriminer les stratégies envisagées.
D’une part, bien que couramment employés, certains indicateurs donnent une vision d’ensemble déformée. Ainsi les volumes de déchets, indicateur pertinent pour l’industriel qui réduit les coûts en minimisant l’emprise des colis, n’ont que peu de rapport direct avec leur nocivité : par exemple le compactage des déchets de moyenne activité, tel qu’il est mis en œuvre à La Hague, ne réduit en rien leur inventaire radioactif. De même la radiotoxicité des déchets, qui mesure une dangerosité intrinsèque mais ne rend pas compte des conditions potentielles d’exposition, est faussement représentative des risques associés.
D’autre part, les caractéristiques des matières évoluant dans le temps, l’évaluation du bilan des déchets et de sa réduction peut différer selon l’échelle de temps privilégiée.
Les indicateurs du bilan des matières
Dans la perspective d’une indication sur la réduction de l’inventaire des déchets à long terme, le critère de base doit être celui des quantités de matière en jeu. C’est le plus simple, et le plus fidèle à la réalité physique. On doit donc considérer les stocks et les flux, à un instant donné, d’une solution de gestion envisagée, en termes de tonnage des principales matières ou catégories de matières pertinentes pour le bilan des déchets hautement actifs à vie longue :
Les matières nucléaires, uranium (U) et surtout plutonium (Pu). Ce dernier, par son statut ambivalent de ressource énergétique non conventionnelle ou de matière hautement toxique, est bien sûr central dans les comparaisons ;
Les actinides mineurs (AM), tels que neptunium, américium et curium, éléments lourds générés par l’irradiation de l’uranium et du plutonium dans le combustible irradié (en fonction donc du type de combustible utilisé) ;
L’ensemble des produits de fission (PF) générés par la réaction de fission, en particulier les produits de fission à vie longue. Ils ne jouent pas un rôle essentiel dans la radiotoxicité à long terme, mais sont déterminants pour le dégagement thermique (un colis vitrifié présente ainsi à sa sortie de chaîne une puissance thermique de 2000 W environ). Leur bilan dépend en premier lieu du rendement des réacteurs, et non des choix de combustible. Les quantités de produits de fission générées sont en effet directement proportionnelles à l’énergie thermique produite par fission du combustible. Rapportées à l’énergie électrique produite, leur quantité est d’autant plus faible que le rendement de conversion de la chaleur en électricité est élevé dans le réacteur.
Les indicateurs du statut des matières
Les stratégies envisagées pour la gestion des déchets à long terme conduisent, notamment pour celles qui déploient des filières visant à en réduire l’inventaire final, à une répartition très différente des matières considérées entre des stocks de statut distinct. Il faut de ce point de vue distinguer les matières qui sont considérées comme sorties du cycle, dans des entreposages en attente de stockage définitif en l’état, et celles qui restent dans le cycle, dans les réacteurs, les usines ou dans des entreposages en attente de reprise.
C’est le cas en particulier du plutonium, dès lors qu’une stratégie de retraitement est mise en œuvre, et des actinides mineurs dans d’éventuelles stratégies de transmutation à plus long terme. De fait, de telles stratégies nécessitent la circulation de flux importants de matières dont une partie ne peut pas être éliminée lorsque le système s’arrête, mais qui n’apparaît pas dans le bilan des déchets à un stade intermédiaire.
En plus des indicateurs sur les matières ci-dessus, il est utile de rendre compte spécifiquement des stocks de combustible irradié, en distinguant les cas du combustible à l’uranium et du combustible mixte uranium-plutonium pour tenir compte de leurs caractéristiques respectives (par exemple, le dégagement thermique beaucoup plus important des combustibles MOX irradiés).
Les indicateurs des déchets secondaires
Dans la perspective de la gestion à long terme des déchets radioactifs, l’attention se concentre sur les plus « forts » d’entre eux, les déchets hautement radioactifs à vie longue et l’inventaire des matières qu’ils contiennent. Les différentes opérations associées à l’utilisation et au traitement du combustible génèrent cependant, par irradiation de matériaux et surtout par contamination, d’importantes quantités de déchets moins radioactifs mais également à vie longue. Ces déchets secondaires posent des problèmes spécifiques et pas nécessairement plus simples de maîtrise des risques et leur inventaire ne peut être indifférent.
Il est très dangereux, comme le propose l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques [OPECST, 2005] d’isoler la réflexion sur les déchets hautement radioactifs de considérations sur les déchets de moyenne activité à vie longue. En effet, l’inventaire de ces derniers est très directement déterminé par les options retenues pour la gestion des déchets haute activité.
Ainsi, le retraitement des combustibles irradiés, tout en permettant la réutilisation éventuelle de l’uranium et du plutonium et en concentrant les actinides mineurs et les produits de fission dans les colis vitrifiés, conduit à des « pertes en ligne » de ces matières qui génèrent autant de déchets moyenne activité : coques et embouts du combustible conditionnés et entreposés en l’état, résidus de dissolution des matières contenues dans le combustible usé, filtres, etc. Il faudrait d’ailleurs ajouter à ces catégories de déchets solides les importants rejets gazeux et liquides de La Hague, dont l’émission « évite » autant de déchets.
La mise en œuvre d’options plus ambitieuses de réutilisation du plutonium (recyclage dans un parc de réacteurs à neutrons rapides) ou l’élimination des actinides mineurs se traduirait inévitablement par un accroissement des quantités de déchets moyenne activité à vie longue générées.
Comme pour les déchets hautement actifs, les indicateurs les plus neutres pour l’évaluation et la comparaison des options devraient porter sur le contenu en matières radioactives des déchets moyennement actifs à vie longue. On lui préfère toutefois généralement par commodité des estimations globales sur le volume de ces déchets.
Il faut noter enfin que, bien que n’étant pas pris en compte pour la gestion à très long terme des déchets, l’inventaire des déchets faible activité augmente également dans les options multipliant les opérations sur les produits liés aux combustibles.
desecho radiactivo, tratamiento de desechos
Les déchets nucléaires (HS Global Chance, septembre 2005)
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