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Les femmes du Nord du Brésil luttent pour conserver l’accès aux arbres de babassu

Vanessa GAUTHIER

01 / 2008

Au Brésil, les femmes de quatre états du Nord fabriquent et vendent des produits dérivés de la noix d’un arbre indigène appelé le « babassu », afin de pourvoir aux besoins familiaux. Mais cet arbre n’est actuellement que difficilement accessible pour elles, car, elles ne peuvent prouver qu’elles sont les propriétaires ancestrales des terres où cet arbre est cultivé. Il faut ajouter à cela qu’il est menacé de disparaître. Ainsi, la sécurité alimentaire de leur famille est mise en danger ainsi que leur indépendance économique.

Le babassu, une ressource naturelle qui est la base du travail de nombreuses femmes

Au Brésil, malgré des avancées importantes ces dernières années, la pauvreté reste un problème majeur. On estime en effet à 7 millions le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Les femmes sont particulièrement touchées, étant donné qu’elles ont un revenu qui équivaut en moyenne à 60 % de celui des hommes.

Au Nord du Brésil, dans quatre Etats différents, elles sont environ 350 000 à gagner leur vie modestement grâce à un arbre appelé le babassu. Ce palmier a constitué pour plusieurs générations le moyen de survie principal de nombreuses familles. Les femmes appelées des « briseuses de noix » ramassent les noix des arbres, les cassent et en extraient les amandes avec lesquelles elles fabriquent différents produits. Les femmes de ces régions en ont fait une spécialité, un domaine de compétence particulier très apprécié dans le domaine des cosmétiques et de l’alimentation notamment. La farine de babassu est par exemple utilisée dans certaines cantines brésiliennes et est reconnue pour ses apports en fer et en calcium. Cette ressource leur permet de pourvoir à leurs besoins fondamentaux et à ceux de leurs familles.

Une première mobilisation qui a abouti à une loi

La plupart des plantations d’arbres de babassu se trouvent dans des zones entourées de terrains privés. Les grands propriétaires terriens, encouragés par les politiques de privatisation des terres, ont commencé par expulser les familles paysannes qui ne pouvaient prouver que les terres leur appartenaient. Les femmes ne pouvaient de ce fait pas accéder à cette ressource naturelle qu’elles cultivent traditionnellement.

Les champs de babassu ont ainsi été bien souvent rasés pour être remplacés par du bétail et les conflits avec les propriétaires terriens ont été très importants. Avec l’élection de Lula en 2002 et avec son projet de réforme agraire, les espérances pour les « briseuses de noix » étaient très fortes. Il a aussi annoncé des objectifs fondamentaux dont en 2003 le programme « faim zéro » qui prévoit entre autres des mesures de protection spécifiques pour les populations rurales et encourage un système de production adapté aux conditions locales. Malheureusement, ces projets n’ont pas eu les résultats escomptés. Les statistiques de 2004 estiment que 14 millions de personnes souffrent encore de malnutrition. Le problème de l’accès pour les femmes aux champs de babassu est aussi resté entier malgré les annonces de réformes.

La disparition de l’arbre de babassu aurait en effet pour les femmes de graves conséquences. Cela précariserait leur situation et elles seraient alors forcées de chercher du travail qu’elles ne pourraient souvent trouver que dans l’économie informelle, sans protection. C’est pourquoi les femmes « briseuses de noix » ont commencé à s’organiser en coopératives pour mieux faire valoir leur droits et pour valoriser leur marchandise.

Grâce à leur combat, une législation régionale a été mise en place en 2003 : la « Lei do Babaçu Livre » ou « loi du babassu libre ». Cette loi interdit de couper les arbres de babassu ou d’utiliser des produits nocifs dessus. Elle permet en outre aux femmes qui exploitent les noix de babassu de les ramasser dans des propriétés privées. La loi prévoit également de créer des réserves protégées de champs de babassu libres d’accès pour les femmes qui vivent de cette culture spécifique. Cette mobilisation a donc entrouvert la porte à une reconnaissance pour ces femmes de leur droit à accéder à une ressource naturelle présente sur les terres de leurs ancêtres. On notera tout de même que le contrôle de la terre et le droit foncier plein et entier n’est pas pour autant accordé.

Les nouvelles menaces qui pèsent sur les « briseuses de noix »

La loi relative au babassu est actuellement active dans différentes municipalités mais manque d’efficacité. Elle devrait, selon les « briseuses de noix » être appliquée effectivement et de façon généralisée à tout le territoire brésilien. Il faut pour cela qu’elle soit approuvée par le gouvernement fédéral.

Par ailleurs, de nouvelles menaces apparaissent, en particulier l’expansion des plantations de soja et l’utilisation des coquilles de noix de babassu qui, brûlées, servent de charbon végétal. Etant donné que les coquilles de noix prennent plus de valeur que les amandes, les femmes sont une fois de plus mises à l’écart du marché et leur activité économique se trouve alors en danger. « Tout le monde est au chômage dans les endroits où les babassus sont brûlés. Seules six personnes engagées pour les récolter et les brûler ont du travail » témoigne Domingas Fátima Freitas, une briseuse de noix de l’Etat du Piauí.

Le manque d’accès à la terre et l’impossibilité pour ces femmes de maintenir une activité économique indépendante et traditionnelle sont des exemples typiques qui pourraient pousser ces dernières à accepter des emplois précaires ne garantissant aucune protection de leurs droits.

Le tableau n’est pas pour autant noir. Malgré les menaces qui pèsent sur leurs droits et notamment sur leur droit à l’alimentation et à l’emploi, les femmes « briseuses de noix » sont aujourd’hui de mieux en mieux organisées et, elles sont soutenues par l’association ActionAid.

Elles ont notamment été 300 à participer au lancement de la campagne HungerFREE initiée par ActionAid en se rendant au Parlement à Brasilia en juillet 2007 pour discuter du projet de loi. Elles ont revendiqué ainsi leur droit de vivre sur la terre de leurs ancêtres et d’y cultiver le babassu.

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