La construction européenne racontée aux Chinois
Yu SHUO, YÉ Huang, Jean-Paul DELATTRE
2007
À l’occasion du premier forum Chine-Europe qui s’est tenu à Nansha, près de Canton, en octobre 2005, des acteurs et grands témoins de la construction européenne la racontent aux Chinois, et confrontent leurs visions à celle, chinoise, des relations sino-européennes. Rien ne vaut en effet l’effet miroir d’une autre civilisation pour chercher à transmettre ce que l’Europe a de singulier et ce que son histoire comporte d’enseignements universels. Il était urgent, aussi, à l’heure de la morosité européenne, à l’heure où le désenchantement submerge l’enthousiasme fondateur, de restituer cette épopée au public européen lui-même.
L’ouvrage « L’Europe, c’est pas du chinois ! » est téléchargeable en ligne, sur le site des ECLM.
Introduction
Pourquoi publier L’Europe, c’est pas du chinois ?
Pierre Calame - directeur général de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme
« Faire de la paix une épopée.» S’il est un slogan à l’ordre du jour, c’est bien celui-ci. Rien de plus ravageur que le proverbe « les peuples heureux n’ont pas d’histoire », car c’est réduire la marche tâtonnante de l’humanité vers son unité au claquement des bottes et des étendards, au flamboiement des incendies, aux sanglants faits d’armes.
La construction européenne, sans doute le plus grand accomplissement des Temps modernes, est le fruit d’une longue histoire faite d’élans visionnaires, d’intuitions fulgurantes, mais aussi et le plus souvent de compromis laborieux, besogneux, boiteux, obtenus à l’arraché, par lassitude parfois plutôt que par passion. C’est ça l’épopée de la paix.
De la réconciliation franco-allemande à la réunification de l’Europe, de la reconstruction d’après-guerre à la recherche d’un développement durable, du dépassement des nationalismes à la recherche d’une gouvernance mondiale trouvant un équilibre dynamique entre unité et diversité, de la confrontation des modèles antagonistes à l’émergence d’un modèle social européen, de la loi du plus fort à la suprématie du droit c’est bien cinquante ans de l’histoire d’un continent sorti meurtri et divisé de deux conflits suicidaires. Tout cela, il faut le raconter pour contribuer à écrire l’histoire du monde de ces cinquante prochaines années.
Les analyses et les livres savants sur l’Europe ne manquent pas. Mais ils sont en général écrits par des observateurs. Pour redonner à l’Europe ce parfum d’épopée qui lui fait défaut aujourd’hui et la rend insipide – comme si à trop goûter la paix nous en avions perdu la saveur –, nous avons choisi de donner la parole à des acteurs de la construction européenne afin qu’ils racontent le meilleur de leur expérience et de leurs analyses à un public chinois averti et passionné. Ces acteurs ont montré que « l’Europe, ce n’est pas du chinois », que derrière la complexité, parfois, de l’histoire et du fonctionnement de l’Europe, il y avait quelques enjeux majeurs et quelques convictions simples. Le public chinois réuni à Nansha nous a offert son regard, car rien ne vaut l’effet miroir d’une autre civilisation pour nous arracher à l’évidence née de l’habitude et nous obliger à chercher et transmettre, dans la touffeur des faits et des événements, ce que l’Europe a de singulier et ce que son histoire comporte d’enseignements universels.
N’était-il pas urgent, à l’heure de la morosité européenne, au moment où le désenchantement submerge l’enthousiasme fondateur, de revisiter cette épopée sous le regard extérieur de nos amis chinois afin d’en restituer toute la richesse au public européen lui-même ? C’est tout le sens des textes qui constituent le coeur de cet ouvrage et forment la retranscription des échanges qui eurent lieu lors du premier Forum Chine-Europe qui s’est tenu à Nansha, près de Guangzhou (Canton), en octobre 2005.
Un Forum Chine-Europe peut en cacher un autre…
Ce Forum, nous l’avions construit dans la durée comme un moyen de compréhension profonde entre deux grandes civilisations, préalable à une coopération sans arrière-pensée dont dépend pour une large part l’avenir de notre planète. Chacun avait le temps de se raconter à l’autre pour partager ses apprentissages, ses passions, ses valeurs, ses intuitions et ses doutes.
Les échanges ont été animés et s’ils ont multiplié les références à la Chine, la construction européenne constitua en permanence le point de départ des discussions. C’est cette dissymétrie qui a fait l’originalité et la richesse du Forum, qui l’a ancré, d’entrée de jeu, dans la durée. Nous étions en effet à mille lieues d’un Forum interuniversitaire où chacun, en présentant ses analyses et en les confrontant à celles des autres, ne fait, au fond, que son métier. À Nansha, les acteurs de la construction européenne prirent la parole avec la volonté de partager le meilleur de ce qu’ils avaient appris de leurs propres expériences. Tous, malgré un agenda particulièrement chargé, avaient accepté les fatigues de ce long voyage et le sacrifice d’une semaine de leur temps pour, tout simplement, partager. À n’en pas douter, ce désir profond de transmission et de partage a fait le succès du Forum, son authenticité.
C’est dans cet esprit, nous l’espérons, que se tiendra le deuxième Forum puisque cette rencontre de Nansha inaugurait le premier acte de rencontres biennales entre l’Europe et la Chine. Ainsi, en octobre 2007, c’est en Europe, à Bruxelles, que des acteurs de premier plan de la construction de la Chine contemporaine, dont les réussites et les contradictions donnent le vertige en Chine même et suscitent à l’extérieur admiration et inquiétude, viendront se raconter à un public européen. Ils y rencontreront, sans aucun doute, l’attention soutenue et l’amicale exigence qu’ont rencontrées en Chine les participants européens au premier Forum pour en faire un moment tout aussi fort, où l’une des civilisations se dévoile à l’autre et en reçoit l’écho.
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, Europa, Asia, China
L’ouvrage « L’Europe, c’est pas du chinois ! »
Yu Shuo, Huang Yé, Jean-Paul Delattre. L’Europe, c’est pas du chinois !. Paris : ECLM (Editions Charles Léopold Mayer), 2007. 335 p. ISBN 978-2-84377-131-6. 21€