01 / 2007
A Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, l’association Parousia regroupe des personnes handicapées et se mobilise pour que ces dernières aient une place à part entière dans la société congolaise. Actions de sensibilisation pour lutter contre les préjugés qui entourent les personnes handicapées, luttes sur des problèmes très concrets comme l’accès aux transports, mobilisations collectives pour que les personnes handicapées puissent participer à la vie publique, autant d’actions qui visent à faire appliquer ou évoluer le droit congolais dans un sens plus favorable à ces dernières.
Sensibiliser les acteurs pour que les droits des personnes handicapées soient appliqués
Suite à un an de mobilisation orchestrée par l’association, le gouverneur de Kinshasa a fini par promulguer une circulaire entérinant le principe de la gratuité des transports en commun pour les personnes handicapées en 2004. Cependant, aucune mesure compensatoire n’ayant été prise par les pouvoirs publics pour dédommager les entreprises de transports en commun, les chauffeurs refusent souvent de faire monter des handicapés dans leurs véhicules, considérant qu’ils représentent un important manque à gagner.
Les membres de l’association Parousia ont décidé de lancer une campagne de sensibilisation à destination des chauffeurs et des usagers des transports en commun. Il s’agissait tout d’abord d’informer l’ensemble de la population de Kinshasa de l’existence de la circulaire accordant la gratuité des transports en commun aux handicapés. Au-delà, l’objectif de la campagne était de faire prendre conscience aux transporteurs comme à l’ensemble de la population, que ce type de mesure ne saurait être considéré comme un privilège indu mais comme un droit spécifique, légitimement accordé à une catégorie de la population qui rencontre de nombreuses difficultés dans la vie quotidienne, notamment lorsqu’il s’agit de se déplacer.
Participer à la production d’un droit prenant en compte la situation des personnes handicapées
Parousia a mis en Ĺ“uvre à partir de la fin 2004 une série d’actions destinées à intégrer la question des droits et de la place des personnes handicapées dans les textes de lois fondateurs du nouveau régime. Des actions de sensibilisation ont été organisées à l’attention des parlementaires, afin que la législation prenne en compte les droits spécifiques des handicapés et le devoir de protection que doit remplir l’État à leur égard. L’association a tout d’abord engagé des échanges informels avec certains d’entre eux, pour évaluer leur degré de sensibilisation par rapport à la question. Afin d’intensifier la pression sur le Parlement, il s’est ensuite avéré nécessaire de cibler le travail de sensibilisation sur les conseillers juridiques de cette institution, acteurs stratégiques de la chaîne de production du droit au niveau national. Une proposition de loi a également été formulée et intégrée dans un mémorandum qui fut adressé aux différentes autorités. Une pétition avec proposition d’enrichissement de certains articles du projet de Constitution de la 3ème République a enfin été introduite auprès des autorités de transition.
Le mouvement souhaitait notamment que l’article stipulant que la personne avec handicap a droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec ses besoins physiques, intellectuels et moraux soit modifié et qu’y soit inscrite l’obligation pour l’État de garantir la participation de ces personnes à la vie publique.
Lors de l’examen par le Sénat de cette disposition, une manifestation pacifique a été organisée devant le Palais du Peuple, afin de faire pression sur les sénateurs. La discipline et le calme de cette mobilisation de plusieurs centaines de personnes ont impressionné positivement les parlementaires, qui ont accepté de recevoir une délégation de manifestants. Cela a également influé l’opinion publique, qui perçoit en général les personnes vivant avec handicap comme une population incapable de s’organiser. Le succès de la mobilisation s’est finalement traduit par l’enrichissement de la Constitution qui prévoit désormais que “L’État a le devoir de promouvoir la présence de la personne avec handicap au sein des institutions nationales, provinciales et locales”.
Le travail quotidien qu’elles réalisent auprès des populations font des associations comme Parousia des observatrices privilégiées de dysfonctionnements bien souvent attribuables à des dispositions législatives lacunaires. Au-delà des dénonciations des aberrations du système législatif qui s’en suivent, ces associations disposent aussi souvent des compétences et du recul suffisants pour analyser les textes et proposer des amendements.
L’État de droit doit refléter par ses normes les valeurs poursuivies par le plus grand nombre. Conscients de cet impératif démocratique, les organisations qui mènent des actions de plaidoyer cherchent toujours à y associer la population. Il s’agit, au moment de présenter ces propositions de modification, d’enrichissement ou de suppression d’une loi, de démontrer qu’elles ne sont pas le fruit d’analyses de spécialistes désincarnés, mais qu’au contraire, elles reflètent les attentes et les besoins de la population. C’est seulement dans ces conditions que les organisations peuvent espérer changer le rapport de forces entre la société civile et les instances gouvernementales, et parvenir à faire adopter des dispositions en faveur des droits des plus démunis.
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, República Democrática del Congo
Contact : parousia_ong AT yahoo.fr
Entretien avec Martin Lusambila, secrétaire général de Parousia, novembre 2006
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