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« Est-il réellement possible de stabiliser les cours des matières premières ? »

Interdépendance internationale, gouvernance mondiale et inefficacité de la régulation marchande

Aurore LALUCQ

04 / 2006

Bon nombre de pays dits en développement dépendent économiquement des revenus d’exportation d’une ou d’au mieux quelques matières premières. Cela va du pétrole, au sucre en passant par le cuivre, les bananes ou encore le cacao.

Or les cours de ces produits sont particulièrement instables, pour les raisons que l’on sait : difficulté d’adaptation de l’offre aux variations des prix, à la demande etc… Cette situation est aggravée depuis quelques dizaines d’années par la mise en place de produits de couverture calqués sur les produits financiers, qui au lieu de réguler le marché, l’ont particulièrement déstabilisé.

Dans ces conditions d’instabilité et d’imprévisibilité des revenus nationaux, il est particulièrement difficile d’envisager des politiques de long terme, et donc des politiques de développement.

Que faire alors ?

Durant les années soixante et soixante-dix, l’idée fut de tenter de stabiliser les cours via la mise en place d’accords de stabilisation par produit. Il s’agissait d’instaurer une fourchette de prix pour chaque produit maintenue par la variation de stocks. Par exemple, quand le prix était trop bas, les producteurs devaient réduire leur production, quand il était trop élevé, ils devaient vendre les stocks pour éviter une flambée des prix. La CNUCED avait ainsi pris la décision de mettre en place un mécanisme de ce type pour 18 produits.

Mais seul l’accord sur le caoutchouc parvint à être signé. En effet, chaque pays avait tendance à user de la stratégie du passager clandestin, chère à Mancur Olson. Par exemple, quand les cours flambaient plutôt que de chercher à les stabiliser en ayant recours à une régulation par les stocks certains pays accroissaient leur production dans l’espoir de vendre plus, et ce sans concertation. Il manquait en fait à ces pays une sorte d’arbitre comparable à l’Arabie Saoudite pour le pétrole, c’est à dire un pays détenant tellement de stock qu’aucune stratégie de passager clandestin ne peut avoir de conséquence sur le prix du marché.

Cependant, même l’OPEP ne parvient aujourd’hui plus à maîtriser réellement les prix du pétrole. Elle retrouve son rôle uniquement quand les prix augmentent et qu’elle peut décider alors d’accroître sa production. Quand les prix baissent, son pouvoir s’amenuise aussi...

En 1975, la CEE avait également mis en place ses propres organes de stabilisation ou plutôt de compensation : le « Stabex » et le « Sysmin » , tous deux censés compenser les pertes liées à la chute des cours. Mais ces deux systèmes n’ont aujourd’hui plus cours.

Il ne reste donc quasiment plus aucun accord de stabilisation des cours à ce jour.

Denis Clerc en conclut donc que fragilité, et l’instabilité des cours des matières premières n’a rien de conjoncturel, mais relève plutôt de l’impossibilité structurelle ou systémique.

L’expérience démontre en effet que, le prix ne semble pas être un mécanisme régulateur efficace, ni à court terme, ni à moyen terme, ni à long terme pour ce type de produit.

Pourtant une solution doit être trouvée :

  • Car il est nécessaire que les pays des Tiers-monde puissent compter sur des revenus nationaux plus stables,

  • Car c’est l’ensemble de la planète qui est dépendante de ce type de production,

  • Et enfin, car les exploitations de ressources naturelles ont des conséquences écologiques non négligeables autant à l’échelle locale que globale.

Il s’agit donc de repenser la régulation de ce type de bien, dans un contexte international interdépendant, peut-être en imaginant un cadre juridique, des règles de gouvernance spécifiques ou encore un autre régulateur des échanges.

Palabras claves

materias primas, regulación del comercio internacional, gobernanza

dosier

Économie, société et environnement : des éléments de réflexion pour une société durable

Fuente

Artículos y dossiers

CLERC Denis, L’échec de la stabilisation des cours, Alternatives économiques, n°236, mai 2005, p58-60

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