2002
Red de Apoyo por la Justicia y la Paz (Réseau d’Appui à la Justice et à la Paix) est une organisation non-gouvernementale de défense des droits humains au sein de laquelle nous accompagnons depuis 17 ans les victimes d’abus policiers et militaires ainsi que leurs familles. Dans le cadre du programme "la communauté découvre ses droits", nous avons mis en place des comités locaux des droits humains, proposant une formation aux dirigeants communautaires, accompagnant ainsi le processus de renforcement des organisations locales qui assurent la promotion et la défense des droits humains. Certains des membres de ces organisations ont participé à la session de formation des promoteurs communautaires en droits humains, avec des modules à la fois théoriques et pratiques. Les dirigeants communautaires, après avoir participé à 12 ateliers, ont pu construire un projet dans lequel ils devaient intégrer à leurs pratiques une perspective relative aux droits humains.
A partir de ce programme, nous avons fait le pari qu’il était possible de changer le droit en un outil effectif permettant aux populations les plus pauvres de formuler leurs principales revendications.
Ce processus a permis que le droit soit repensé, qu’il cesse de n’être qu’une accumulation de lois abstraites et incompréhensibles au service des intérêts des autres, pour être perçu comme un outil concret pour l’exercice de la citoyenneté. Cela a également permis que l’exercice du droit ne soit plus un élément supplémentaire d’exclusion politique et sociale mais devienne une opportunité pour former une nouvelle conscience publique.
Grâce à ce processus d’accompagnement, 5 comités sont nés, chacun ayant des caractéristiques particulières en fonction des réalités auxquelles ils prétendent répondre. Je vais décrire ici une partie des avancées qu’ont obtenues 2 de ces comités.
Le comité des droits humains de la Guajira, formé en grande partie par des membres de l’ethnie Wayúu, développe son travail à la frontière nord occidentale du Venezuela (frontière avec la Colombie). Cette zone est marquée par des difficultés liées à la carence des services minimum nécessaires à une vie décente et à l’absence d’institutions de l’Etat. Dans ce contexte, les membres de ce comité, dont les objectifs sont la défense et la promotion des droits civils et des droits sociaux, développent un travail de médiation entre les différentes communautés, en reprenant l’image du "palabrero". Le "palabrero" est une figure du droit indigène qui réalise un travail de médiation et d’arbitrage. Il s’agit normalement d’une personne adulte, reconnue par la communauté qui le nomme. Les membres du comité, dont aucun n’est avocat, ont mis en place, à partir de leur expérience, une pratique de droit qui intègre cette figure propre à la culture Wayúu, tout en utilisant les institutions vénézuéliennes. Ainsi, ils accompagnent les communautés dans leur travail de dénonciation devant les instances gouvernementales. Le comité s’occupe d’environ 4 plaintes par semaine, soit pour essayer de mettre en place une conciliation entre les parties au conflit, soit pour porter la plainte devant les instances gouvernementales. Actuellement, le comité s’occupe de trois cas soumis au Procureur de la République dans lesquels sont impliqués des membres des corps de sécurité de l’Etat, deux d’entre eux pour torture ou mauvais traitement et un pour homicide. Le comité est devenu une référence dans la promotion et la défense des droits humains dans cette zone, notamment parce que dans le cadre d’un programme hebdomadaire, il réalise des actions d’éducation dans le domaine juridique et qu’il rend publiques les dénonciations des communautés. Il organise des ateliers dans les écoles, en expliquant notamment la nouvelle loi de protection de l’enfant et de l’adolescent. En reconnaissance du travail que mène le comité, son coordinateur a été désigné comme membre principal du "Conseil des droits" au niveau municipal.
Le comité de défense des droits humains de Yaracuy fonctionne dans une région du centre du pays. Il est formé de 15 membres des familles des victimes d’abus policiers et militaires. Aucun de ses membres n’est avocat. Ce comité a comme principal objectif de servir d’espace d’organisation aux familles des victimes des exécutions perpétrées par la police de l’Etat de Yaracuy. Il évite ainsi que les actions de défense soient menées de manière isolée et désarticulée, et facilite tout à la fois la formation et la discussion sur les processus judiciaires liés à chacun des cas. Grâce à ce travail permanent de dénonciation publique exercé par le comité et au suivi des dossiers, 23 fonctionnaires de police ont été jugés et emprisonnés, dont le chef de la brigade spéciale de la police d’Etat. Le travail effectué dans la rue, les visites rendues aux organisations gouvernementales et aux médias ont apporté au comité une certaine reconnaissance de la part de la population et des autorités. Il est notamment devenu une instance de référence à laquelle le Défenseur du Peuple (institution publique de médiation) n’hésite pas à soumettre de nouvelles demandes.
Convaincus qu’il n’est pas possible de parler de construction citoyenne si les populations les plus pauvres ne peuvent pas faire valoir leurs droits devant les instances compétentes ; convaincus également qu’une communauté se trouve dans une position plus vulnérable face à de possibles violations de ses droits fondamentaux si elle n’est pas un minimum formée et organisée ; convaincus enfin que pour construire une véritable démocratie, il est nécessaire que les secteurs les plus défavorisés puissent participer activement à la construction des agendas politiques locaux, les membres de la Red de Apoyo ont fait le pari de soutenir l’organisation locale des populations dans le domaine des droits humains, en essayant que ces secteurs populaires se convertissent en véritables sujets de droit et sujets du droit. De cette manière, nous visons l’exercice d’une réelle citoyenneté par des populations généralement exclues.
capacitación jurídica, sensibilización al derecho, mediación
, Venezuela
Pratiques du droit, productions de droit : initiatives populaires, 2003
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