Au Sri Lanka, elles luttent contre la pêche à la dynamite
10 / 2005
Veenitha Kahingala est une ménagère de 35 ans qui habite dans un village de pêcheurs sur la côte sud du Sri Lanka. Elle a trois jeunes enfants, un garçon et deux filles. Le dernier n’a pas encore un an. Son mari pratique une pêche traditionnelle à petite échelle. Ils sont trois sur le bateau. Ils partent en mer tôt le matin et reviennent vers 9 h. Leurs revenus dépendent évidemment entièrement du volume des captures. Le propriétaire de l’embarcation prélève 50 pour cent de la recette nette, le reste étant réparti entre les trois matelots. Certains jours ils ont moins de 50 roupies (= 0,94 euro). Quand les prises sont très bonnes, ce qui est rare, ils arrivent à 500 roupies chacun.
Vineetha a dû faire face à de nombreuses difficultés au cours des dix dernières années du fait de la guerre civile. Et le petit bateau sur lequel travaille son mari est condamné à l’inactivité quand la mer est agitée pendant la saison de mousson qui dure pratiquement six mois. Avant la guerre civile, avec les autres pêcheurs de la région, il se rendait alors dans le nord et sur la côte est. A cause des hostilités, cela n’est plus possible, et la famille de Vineetha et beaucoup de communautés de pêcheurs souffrent de cette situation.
Vineetha raconte sa vie les larmes aux yeux. Avant, la production de la bonne saison suffisait pour subvenir aux besoins du ménage. Aujourd’hui aux problèmes de la guerre s’ajoutent d’autres difficultés provoquées par des gens riches et puissants, notamment la pêche avec des leurres lumineux et la pêche à la dynamite au sud-est du pays.
C’est surtout la pêche à la dynamite qui a entraîné l’état de dénuement actuel de Vineetha et sa famille. Ceux qui pratiquent cette méthode ne font pas dans le détail. Ils tuent tout, ramassent ce qu’ils peuvent et abandonnent le reste. Ce sont pour la plupart des travailleurs journaliers qui font partie des populations littorales et sont eux-mêmes très dépendants d’autres personnes, en particulier six gros manitous qui les protègent. Les petits pêcheurs ont bien du mal à travailler dans le secteur car ils reçoivent des menaces de mort de la part des dynamiteurs. Ceux-ci capturent beaucoup de poissons de sorte que les prix sur le marché local restent médiocres. Le pêcheur artisan traditionnel ne peut pas produire assez pour vivre normalement de sa pêche.
Ecoutons Vineetha. « Depuis que les dynamiteurs sont entrés en action, les familles d’ici ont faim. Je ne peux pas envoyer mon aîné à l’école parce qu’il n’a pas assez à manger, pas de chaussures, pas de sous pour acheter ses livres. Certains jours mon mari n’attrape rien, pas un poisson ! Cette année nous avons dû emprunter, à 20 pour cent le mois, auprès de ces gros commerçants qui protègent les dynamiteurs » . Vineetha souffre d’anémie ; elle ne peut même plus nourrir son dernier au sein. Elle reste pourtant une femme dynamique, une militante de premier rang à l’association Savistri (Femmes et développement alternatif) qui a mis en place en groupe d’épargne. Mais comme il n’y a pas de sous, il n’y a rien à épargner. Savistri et la Southern Fisheries Organization (SFO) essaient ensemble d’attirer l’attention sur les problèmes de cette population, avec l’assistance de NAFSO, qui fédère dix organisations de pêcheurs du littoral et de l’intérieur. Un groupe de théâtre de rue a été constitué pour que la population prenne mieux conscience de ses difficultés et réagisse. Des tournées ont également été organisées pour des membres de la presse afin que le public soit mieux informé de la situation.
Les femmes ont envoyé une pétition au ministère des pêches et à la Présidente de la République pour exiger un arrêt immédiat de la pêche à la dynamite. Le ministre des pêches a finalement pris des mesures en ce sens et la police a arrêté un certain nombre de dynamiteurs. Mais après le versement d’une petite amende, les autorités ont laissé partir ces gens avec leur bateau. Les dynamiteurs « font le cadeau » à la police et aux fonctionnaires, ils lancent des menaces de mort à l’encontre des militants de la SFO, et les petits pêcheurs traditionnels continuent à souffrir.
« Il faut absolument interdire cette méthode, il faut détruire le matériel » , tels sont les slogans du groupe dans lequel milite Vineetha. Et il faudrait aussi qu’ils soient repris par les consommateurs. C’est parce que leurs maris sont en danger de mort que les femmes se sont manifestées et qu’elles parlent publiquement.
L’histoire de Vineetha concerne également quelque 2 500 familles sur la côte sud du Sri Lanka. Le courage de ces femmes est exemplaire et cela démontre une fois de plus que les femmes sont bien présentes dans la vie économique et sociale du littoral.
pescador, pescador artesano, pesca tradicional, pesca, deterioro ambiental, gestión de recursos naturales, pobreza
, Sri Lanka
L’auteur de cet article est le coordinateur de NAFSO (National Fisheries Solidarity), Sri Lanka
Texte traduit en français par Gildas Le Bihan
Texte d’origine en anglais publié dans la revue Yemaya : KUMARA Herman, Les dynamiteurs. Yemaya n°3, ICSF, mars 2000 (INDE)
CRISLA (Centre d’Information de Réflexion et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique d’Asie et d’Amérique Latine) - 1 avenue de la Marne, 56100 Lorient, FRANCE - Tel : 08 70 22 89 64 - Tel/Fax : 02 97 64 64 32 - Francia - www.crisla.org - crisla (@) ritimo.org