04 / 1994
Dans sa proclamation depuis la forêt de Lacandon, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)a dénoncé «les tentatives de salir les objectifs légitimes de [sa]lutte, en la qualifiant de narcotrafic, narco-guérilla, banditisme et autres termes qu’utilisent [ses]ennemis.» Les services officiels, mais aussi certains observateurs indépendants, se sont en effet interrogés sur l’origine des armements modernes et des appareilsde communication sophistiqués qu’auraient utilisé certains chefs zapatistes. On a fait remarquer que les cultures de pavot le long de la frontière entre le Chiapas et le Guatemala sont en pleine expansion, et que les saisies d’opiacés dans la région y représentent 97% de celles qui sont effectuées dans tout le pays. On estime par ailleurs que, sur l’ensemble des vols chargés de cocaïne qui partent d’Amérique du Sud, 43% passent par l’Amérique centrale. Une grande partie débarquent leur marchandise au Guatemala où, selon la DEA, un stock permanent de 50 tonnes de cocaïne en moyenne attend d’être transporté au Mexique par voie terrestre, fluviale ou maritime. De ce fait, le Chiapas est devenu une véritable route des drogues. C’est également dans le «corridor» Guatemala-Chiapas que le «Chapo» Guzman, un des chefs du cartel de Sinaloa qui en avait fait son principal terrain d’opérations, a été arrêté au mois de juin. En dehors de ce contexte, le fait principal demeure que ce sont avant tout les conditions de marginalisation de la paysannerie dans cette zone qui ont permis à l’EZLN de recruter. Son armement, en majorité de bric et de broc, aurait été complété, au fil de ses dix années d’implantation, par des achats auprès des autres guérillas d’Amérique centrale. Cependant, les services secrets des pays de la région, la CIA et la DEA collaborent également avec les narcos pour déjouer les activités des mouvements «subversifs» dans la région. En mai 1993, 3 000 soldats de l’armée mexicaine avaient été envoyés dans la zone de l’actuelle rébellion, et n’auraient officiellement rien perçu de ce qui se préparait. Il semble bien, en conséquence, que l’on a voulu à Mexico «couvrir la marmite» jusqu’à la signature du Traité de libre commerce (ALENA). Il restera à savoir quel fut l’élément déterminant dans l’incapacité des autorités locales à mesurer la pression qui a fini par faire sauter ce couvercle : la cécité politique face à la montée des frustrations chez des populations indigènes méprisées et confinées dans une extrême pauvreté, ou la volonté de ne pas gêner un narcotrafic qui n’a pu proliférer dans cette zone sans protections ni corruption.
guerrilla warfare, ethnic conflict, drug trafficking, role of the State, opium, trafficker, cocaine
, Mexico, Guatemala, Chiapas
Le rôle de la drogue dans la région du conflit est une illustration des liens qui existent entre guerre et drogue, en particulier dans le tiers monde. Comme c’est le cas, non seulement en Amérique latine (Pérou, Colombie), mais également au Moyen Orient (Liban)ou en Asie du Sud-Ouest (Pakistan), tout autant que les groupes rebelles, ce sont les armées officielles ou les services secrets qui sont directement impliqués dans la trafic de drogues.
NATURE = ENQUETE
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WALLON, Alain, OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES
OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - France