Otacilio Liz e Silva est un ouvrier qui travaille dans la construction civile. Il est né à Casa de Pedra, dans le district de Painel - commune de Lages dans l’état de Santa Catarina. Il est marié et père de trois enfants. Au début des années 80, il participe aux activités de l’organisation pastorale ouvrière dans la commune de Lagès. En 1985 et 1986 il devient le coordinateur de ce mouvement. C’est également en 86 qu’il commence à militer dans un parti politique, devenant d’ailleurs le président du Parti des travailleurs (PT)de la commune. En 1987, il contribue à fonder l’"Operaria Construçao Civil", une petite entreprise de construction qui fonctionne en auto-gestion. Jusqu’en 1990, Otacilio se consacre avec ténacité à la présidence du PT, présentant sa candidature aux postes de conseiller municipal et de député tout en essayant de construire un parti différent de ceux existant déjà au Brésil. "Tacilinho", comme il est connu dans son quartier, a été aussi l’un des responsables de l’opposition syndicale de sa catégorie professionnelle ainsi que président de l’association des habitants du quartier Vila Mariza où il a vécu jusqu’en septembre 1991.
En septembre 1991, Otacilio décide d’aller habiter dans la capitale de l’état, comme de nombreux ouvriers de sa connaissance, afin de tenter sa chance dans un centre où il y a peut-être plus de possibilités de trouver un emploi. En effet, comme il le dit lui-même, "les entreprise n’embauchent pas ceux qui sont des militants politiques." Le manque d’opportunités professionnelles allié au manque de reconnaissance par "certains de ses camarades" du travail qu’il accomplissait dans le parti a provoqué la décision d’Otacilio de s’éloigner de la région où il est né et où il a grandi. Il s’est mis alors à chercher dans son travail de maçon l’inspiration et une source de réflexions sur sa vie et sur ses activités militantes et politiques. Ce fut dans ce contexte que nous avons interviewé Otavio Liz e Silva, maçon-intellectuel qui a beaucoup de choses à dire.
A propos de la relation qui existe entre travailleur intellectuel et travailleur manuel, Otacilio affirme: "Il n’est pas facile pour un travailleur manuel d’être reconnu et de faire valoir sa pensée, car les préjugés de la société et même de beaucoup de militants de gauche sont très forts à son égard. Losqu’un ouvrier se met politiquement en avant, il y a toujours quelqu’un pour lui demander par qui il s’est fait faire un lavage de cerveau. Quand un ouvrier fait une réflexion, on dit souvent qu’il a été influencé par un intellectuel. Lorsqu’un untellectuel et un ouvrier discutent entre eux, on dit toujours que c’est l’intellectuel qui influence l’ouvrier et jamais le contraire. C’est un manque de respect et une preuve de discrimination. Même Lula souffre de ces préjugés. Pendant la campagne présidentielle, de nombreuses personnes affirmaient qu’elles ne voteraient pas pour un analphabète."
Selon Otacilio, lorsqu’un travailleur manuel se lance dans des activités sociales et politiques, il doit d’abord combattre et vaincre le sentiment d’infériorité que la société lui impose. "La plupart du temps, il a de bonnes idées mais il ne sait pas comment les exprimer correctement et il attend que quelqu’un le fasse pour lui. Quand, il existe à l’intérieur d’un parti une lutte pour le pouvoir, l’opinion de l’intellectuel l’emporte sur celle de l’ouvrier. Même quand il s’agit d’un ouvrier ayant de l’expérience en politique et s’exprimant correctement, il a quand même le dessous par rapport à l’intellectuel. En effet, non seulement celui-ci a l’avantage de bien écrire et de connaître d’autres intellectuels, mais il possède en outre un statut social d’universitaire que n’a pas l’ouvrier".
Otacilio étend son affirmation à tout type de travail d’éducation populaire: "Quand un agronome parle à un agriculteur, le fait qu’il ait un doctorat pèse dans la balance. Quand un prêtre parle à une communauté catholique, il faut qu’il sache qu’il ne parle pas en son nom propre mais au nom de Dieu. Cela pèse très lourd".
En discutant avec Otacilio pour savoir quelle serait la meilleure manière pour un éducateur populaire de traiter les différences entre travailleurs intellectuels et manuels, nous nous sommes rendu compte qu’il valait mieux mettre en évidence les différences entre les deux catégories plutôt que de les cacher. Le véritable éducateur populaire n’est pas celui qui cache sa culture ni son statut social à ceux qui reçoivent son enseignement, mais celui qui les expose de manière à ce que ses élèves rompent avec leur statut et dépassent l’éducateur lui-même". "Cette manière suicidaire d’agir de l’éducateur est une bonne chose. C’est aussi ce que moi je pense et c’est cette méthode que je vais employer", conclut Otacilio.
popular education, communication
, Brazil, Santa Catarina
Fiche originale en portugais, MFN 2458
Interview
VIEIRA DE SOUZA, Marcio, DIALOGO-CULTURA E COMUNICACAO (BRESIL)
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