Les rapports entre les originaires du village qui ont fait des études et les villageois
Gervais DASSIKOU, Christophe VADON
11 / 2001
Gervais Dassikou, sociologue, agent du service régional de l’hydraulique et dirigeant de l’Association pour le Développement de la Région de Perma (ADRP) explique ceci : " Ce que je retiens c’est qu’il n’y a plus aujourd’hui ce complexe entre ceux qui ont été à l’école et ceux qui sont restés au village. Cela n’existe plus car c’est des gens avec qui on est très à l’aise.
Il n’y a plus le complexe d’être paysan. Quand j’ai un problème à soumettre, ça passe très vite. Par exemple quand je demande à quelqu’un ce qu’on peut faire ensemble, je n’ai pas besoin de faire de grandes introductions car les choses passent très vite. Je crois que c’est ce qui est resté de ce militantisme des années 71. D’autres qui sont restés sur le terrain ont vécu certainement d’autres expériences avec des résultats plus ou moins concluants. Je ne saurais être précis là dessus, mais je crois qu’à la longue cette période a donné quelque chose de positif.
Maintenant quel que soit le niveau des individus, le courant passe très vite et on se retrouve facilement. Mais je suis convaincu que le passage révolutionnaire a été un petit frein à ce qui avait été entamé, c’est à dire l’intégration entre le milieu scolaire intellectuel et le milieu paysan. Notre problème, c’était que nous puissions nous organiser sans complexe parce que nous voulons lutter contre l’exode rural, c’est à dire freiner le départ des jeunes pour les zones plus urbanisées. C’est ainsi que nous avons décidé de nous organiser sur le plan local pour compenser, ce qu’ils cherchaient ailleurs c’est à dire des " équipements de première main ", comme des petits magasins dans le village pour qu’on ne soit pas obliger d’aller jusqu’à la ville pour acheter un bassin plastique ou une bicyclette. Mais pour s’équiper, il fallait avoir des moyens, il fallait produire, l’agriculture était une possibilité qu’il ne fallait pas négliger. Ce n’est pas parce qu’on est paysan, qu’on est voué à être pauvre. C’était un peu ça, le message au départ. Il y a eu donc l’interférence de la période révolutionnaire qui n’a pas été que négative. Elle a été une restructuration qui a cassé les anciennes formes d’organisations. Mais je ne saurai juger cette période parce que je n’étais pas là (j’étais au Sénégal). En d’autres termes nous avions eu l’ambition de faire en sorte que le milieu paysan reprenne confiance en lui et que les jeunes fassent quelque chose sur place. Naturellement c’était l’agriculture, l’élevage, l’artisanat. C’est ainsi que nous avons valorisé aussi l’alphabétisation. Voilà en gros nos axes de l’époque de 1971.
Il faut dire qu’entre temps il y a eu beaucoup de réalisations infrastructurelles. Prenons le cas PERMA : il y a eu le développement de certaines structures éducatives telles que la maison des soeurs religieuses. L’école s’est agrandie. Egalement l’association SFA (Solidarité France Afrique) a apporté des changements notables. Toutes ces infrastructures changent les mentalités des populations. Les gens avaient des ambitions, mais maintenant avec l’apport des moyens, ils ont pu réaliser leurs ambitions.
C’est ça qui a motivé mon action à moi. Je me suis dit : "Les gens s’intéressent au changement, il faut donc s’impliquer aussi". Prenons l’exemple de l’hydraulique où j’interviens en tant qu’agent de l’Etat, vous savez que c’est un problème fondamental. Tout à l’heure quelqu’un disait que le Bénin n’est pas un pays sahélien. Ce n’est que partiellement vrai car le Bénin se sahélise. Mais il ne faut pas attendre qu’il devienne saharien pour en parler. Donc le problème de l’eau devient crucial et je constate que la population en prend conscience. Ce que l’on doit à l’action des partenaires. Ils sont sur place et depuis quelques années et nous avons beaucoup d’ouvrages hydrauliques grâce aux uns et aux autres. Il y a d’autres secteurs comme la scolarisation, un secteur que nous avons considéré comme fondamental il y a 20 ans et qui nous reste encore aujourd’hui. Quant aux problèmes d’exode rural, ils n’interviennent plus comme primordiaux mais ils restent quand même. La région a eu la chance d’avoir rencontré des gens qui étaient décidés à impulser le changement dans un milieu africain qui en avait besoin. Je dis que c’est une chance parce qu’il y a d’autres localités, d’autres régions qui auraient pu recevoir la SFA. Il y a eu des réalisations importantes. Le volet agricole est là et à côté, il y a d’autres volets importants comme la santé. J’ai été très heureux de trouver à mon retour un réseau d’agents de santé au village qui travaillent bien malgré les difficultés. La scolarisation, si elle est bien organisée, répondra à nos ambitions dans le temps. Là également nos partenaires de la SFA se sont impliqués et si aujourd’hui on peut se vanter d’avoir un collège d’enseignement qui marche, je peux dire vraiment que c’est grâce à leur action car nous avons des écoles qui donnent de bons résultats. Ces secteurs que je viens de citer ne sont pas limitatifs. Même si c’est ceux-là qui sont formellement identifiés, l’action se mène à d’autres endroits aussi plus subtils. Je considère cela comme le résultat de leur présence sur place.
Ceci a bien sûr entraîné chez les populations la tendance à exploiter au maximum ce qui est mis à leur disposition même si parfois ce n’est pas judicieusement fait. Ainsi par exemple, on peut bien profiter des crédits de tel ou de tel pour réaliser ça, mais il faut des fois admettre qu’on n’est pas suffisamment organisé pour le faire. Il est vrai que ceci n’a pas été accompagné de la prise de conscience qui devait permettre d’organiser soi-même une action pour acquérir ce mieux être. Ce qui demande un accompagnement du point de vue "levée les consciences". A mon avis c’est fondamental. Le tout n’est pas de désirer le changement mais il faut savoir comment le mener. Donc on a créé une situation de désir de changement.
Ce que nous faisons pour avoir la confiance de la population ? Par exemple nous leur apprenons à gérer des structures. Nous considérons cela comme une de nos tâches primordiales et lorsque nous voyons qu’il y a des difficultés dans les structures que nous animons, nous intervenons en allant vers les populations pour les sensibiliser. Nous aimerions que d’ici quelques années elles comprennent le sens de la présence de nos partenaires et leur rôle. Mais il faut du temps pour sensibiliser. Si nos partenaires constatent qu’il y a une adhésion croissante des populations à ce qui se fait et aux actions initiées, je pense que cela créera la confiance. "
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, Benin, Perma
Notre interlocuteur parle de plusieurs choses : la fin des barrières qui existaient entre les paysans et ceux qui étaient allés à l’école. La restructuration des anciennes organisations, après la révolution. Le problème de l’eau et de l’exode rural. La motivation incomplète des gens de Perma pour prendre en mains des actions qui vont dans le sens de leur autonomie. Le rôle positif d’une ONG du Nord présente depuis longtemps dans la zone.
Voir les fiches GRAD extraites du même interview.
Entretien avec DASSIKOU, Gervais réalisé le 26 avril 1999 à Perma.
Interview
VADON, Christophe ; GUERIN, Jérémie
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