Témoignages de deux membres d’associations paysannes de la zone
Elie KIRMITA, Sébastien DJEDIE, MOYO
12 / 2001
a) Elie KIRMITA, délégué de l’Association des Organisations Paysannes de la Kabia (AOPK) exprime ceci : "Le projet pétrole est un projet très large. Je demanderai à mes frères paysans de ne pas considérer l’argent auquel ils sont en train d’aspirer comme une fin en soi. L’argent est quelque chose de volatil : on peut te donner un million mais si tu n’es pas organisé, si tu n’as pas prévu comment gérer cet argent, tu vas te retrouver les mains vides et l’action pour laquelle on t’a donné l’argent ne pourra pas être réalisée.
Quand on parle du projet pétrole, on parle du FACIL (Fonds d’Action Concerté d’Initiatives Locales), de l’argent donné. Cela concerne les gens qui vont être sur la route du pipe-line et qu’on va déménager. On va certainement leur remettre un petit quelque chose mais s’ils ne sont pas organisés, ils risquent de dépenser cet argent sans même construire un petit "boukarou" quelque part (une maison). Ils deviendront des simples délinquants qui viendront se déverser dans la ville. Mon conseil c’est qu’il faut d’abord que les futurs bénéficiaires de cet argent, que ce soit sous forme de crédits ou sous forme de subventions, s’organisent et prévoient de faire quelque chose avec cet argent, c’est le premier conseil que j’ai à donner.
Le deuxième conseil c’est que chacun ouvre un compte dans un Club d’Epargne et de Crédit (CEC) s’il y en a un, afin de gérer l’argent avec un objectif bien précis. Nous les Africains, en particulier nous les paysans tchadiens, nous ne sommes pas habitués à gérer de grosses sommes. Même si on vous débloque tout le fonds de la Banque Mondiale, si vous ne gérez pas avec beaucoup de soins, vous risquez de vous retrouver sans rien à la fin.
Ce que je pense des crédits ? On ne prend pas un crédit parce qu’il faut le prendre. Le montant du crédit est relatif aux besoins exprimés : si le besoin atteint 10 millions de FCFA (15 000 euros environ), on peut prendre 10 millions ; mais si on prend 10 millions seulement parce que l’argent est là, alors cela ne sert à rien.
Si on sait gérer, un petit crédit suffit. Ce ne sont pas les millionnaires qui mèneront le développement durable mais les bons gestionnaires. Ce n’est pas forcément un fonds important qui prouvera qu’on est en train de faire le développement. Evidemment, le développement n’exclut pas non plus d’avoir un gros fonds. Si, par exemple, je veux construire un grand bâtiment avec 2 millions cela ne suffira pas ; il faudra forcément que le montant que je demande atteigne le coût du bâtiment que je veux construire. Ce qui revient à dire qu’il faut d’abord exprimer le besoin, évaluer son coût, et par rapport à cela, demander un crédit.
b) Sébastien DJEDIE, coordinateur de l’EPOZOP et membre de l’Association Tchadienne pour la Non-Violence (ATNV), lui-aussi présent à la réunion, donne son avis sur les crédits accordés par la Banque Mondiale pour le projet pétrole : " Les bénéficiaires des crédits du FACIL n’ont pas de problèmes car traditionnellement, on leur donne des crédits à 50 % d’intérêt. Or, là les crédits sont à 15 % alors ils ne s’en trouvent que plus heureux. Si aujourd’hui on vous dit : "ce que vous avez payé 50 F. hier, vous le payez aujourd’hui 15 F.", vous n’allez pas vous révolter !
Le crédit que nous prenons pour le mil, c’est nous mêmes qui le gérons, nous savons à quelle période il faut vendre ce mil pour réaliser un bénéfice qui pourra couvrir l’intérêt que le projet a posé. Nous sommes indépendants. On peut dire que 15 % c’est trop, et réduire à 2 %, pourvu que le bailleur accepte aussi. L’intérêt est relatif à la situation sur le terrain. Par exemple, on ne va pas comparer l’intérêt que les gens de Gounou Gaya paient à l’ONG allemande GTZ avec l’intérêt du crédit que la Banque Mondiale nous donne pour le projet pétrole".
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, Chad, Moundou
La sous-préfecture de Gounou Gaya bénéficie d’un projet mis en place sur un crédit de la Banque Mondiale par le FACIL (Fonds d’Actions Concerté d’Initiatives Locales). Ce qui signifie que les villages vont pouvoir bénéficier de subventions et de dédommagements liés à la construction du pipe-line pétrolier (Sud du Tchad, port camerounais). Nos interlocuteurs s’adressent aux délégués des villages afin qu’ils s’organisent pour recevoir ces indemnités et qu’ils s’apprêtent à les gérer avec bon sens.
C’est au cours d’une rencontre d’échange entre les bibliothécaires ruraux à Moundou (Tchad) que ces propos ont été recueillis. Le FACIL est un projet lié au projet pétrole. De l’argent sera injecté dans la zone de Gounou Gaya pour les activités génératrices de revenu et des structures de base, à savoir la construction d’écoles, de centres de santé, de points d’eau notamment. Voir la fiche extraite du même interview concernant l’AOPK (Association des Organisations Paysanes de la Kabia).
Entretien avec KIRMITA, Elie et DJEDIE, Sébastien
Interview
MOYOMBAYE, Urbain ; GUERIN, Jérémie
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