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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Intermédiation sociale et construction institutionnelle

Démarche du programme d’approvisionnement en eau des quartiers populaires de Port-au-Prince, en Haïti

Elisabeth PAQUOT

02 / 2002

Ce texte restitue à travers le succès d’un projet d’approvisionnement en eau des quartiers populaires de Port-au-Prince, les méthodologies techniques et d’animation rigoureuses qui ont permis une construction institutionnelle performante, pouvant guider d’autres actions de ce type.

Le GRET a engagé une série de travaux de capitalisation sur ce projet selon une méthodologie "d’ingénierie sociale" mettant en pratique des principes qui accompagnent la définition des choix techniques, la réalisation des travaux et leur suivi, la constitution puis l’autonomisation de comités indispensables à la construction institutionnelle et à l’intermédiation sociale.

L’intervention s’est fondée sur les principes suivants :

-La création d’une communication transparente en établissant des rapports et des dialogue fluides, en assurant une présence effective dans les quartiers tout en imposant une logique de résultats ;

-La mobilisation des acteurs locaux à partir de leurs propres intérêts en s’appuyant sur une méthodologie de confrontation afin d’éviter tout accaparement du programme ;

-Le développement d’une éthique de travail avec le service public, dans un souci de transfert progressif de la maîtrise d’ouvrage et de la coordination vers l’Etat; ceci, dans un cadre global d’intervention et de réglementation. L’opérateur intervient comme prestataire de services, à la disposition du service public afin d’établir un climat global de confiance et de concertation ;

-La proposition de choix techniques et organisationnels tenant compte des aspirations sociales, des capacités locales et des contraintes techniques, et de la concertation avec la population des quartiers ;

-La redistribution des richesses et le partage des pouvoirs en construisant et en consolidant les convergences d’intérêts pour la pérennité du service.

La phase initiale d’intervention implique que l’ONG se substitue en premier lieu à l’ensemble des partenaires et occupe l’espace institutionnel (maître d’ouvre d’ouvrage, maître d’ouvre technique, encadrement et contrôle des comités, gestion de financements, caution morale). Puis, celle-ci constitue une équipe d’animation afin de former le comité d’appui et de lancer rapidement le projet. Cette démarche demande cependant un savoir-faire certain et une exigence pour le recrutement et la formation des animateurs locaux dont le rôle est crucial et dont la cohésion et le professionnalisme permettent d’éviter les écueils affectifs, l’appropriation, et la rétention d’informations. Leur fonction est unique (celle de contrôleur et non d’encadrement), contractuelle et bien délimitée. Le comité d’appui est formé de leaders de quartiers pouvant débattre des choix techniques et organisationnels et capables de lancer les travaux. Il organise par la suite, la mise en place d’un comité de gestion élu; l’objectif étant de pouvoir atteindre rapidement une phase concrète de développement du projet.

La création en seconde phase d’un comité de gestion légitime, à autonomie renforcée, permet d’assurer un service, de garantir une gestion rigoureuse et responsable devant les usagers qui l’ont élu. Ce comité deviendra l’interface des négociations entre groupes sociaux et de la relation contractuelle avec les autres institutions : la société gérant le service de l’eau (CAMEP), les sociétés privées et l’Etat.

L’ONG agit comme prestataire de services au début de son intervention (méthodologie, financements...), mais en aucun cas elle ne doit envisager de se psotionner dans la durée et de s’installer ; l’ONG n’ayant de toute façon aucune légitimité locale. Par ailleurs, elle ne doit pas chercher à toujours apporter quelque chose mais plutôt jouer la médiation de façon à favoriser l’épanouissement des potentialités locales et le transfert des compétences. Une fois son rôle de médiateur terminé, l’ONG peut disparaître car elle a créé des situations contractuelles fortes. Cependant des objectifs de retrait rapide, de " biodégradabilité " de l’ONG, ainsi que des blocages résultant des conflits entre les forces en place, eux-mêmes renforcés par l’absence d’un Etat assurant un minimum de services et de régulation sociale, peuvent entraver la volonté de construction institutionnelle. Aussi, l’apport de l’ONG doit permettre de réguler les conflits (de pouvoir, de légitimité, de gestion, et d’image) durant chacune des phases, et permettre de renforcer la capacité de négociation des organisations pouvant dialoguer ou se confronter à l’Etat sans que l’expatrié et l’ONG d’intermédiation constituent, dans la durée, un intermédiaire ou un filtre indispensable. La finalité n’est cependant pas de désengager systématiquement l’opérateur. La fonction de médiation sociale et de gestion reste une préoccupation majeure. L’ONG ne travaille donc pas uniquement sur le transfert de compétences, mais simultanément sur la suppression des dépendances, afin que les comités apprennent à assumer eux-mêmes la fonction de médiation. Il faut donc mettre en place un ensemble d’outils de régulation et des garde-fous qui assureront une transparence et une stabilité (affichage de prix, diffusion des factures, rapports de gestion...) et qui permettront d’éviter le maximum de problèmes de gestion. En outre, si la médiation s’avère nécessaire dans la durée, son coût doit être évalué puis budgétisé et le principe de sa prise en charge doit être évoqué et partagé avec les différents partenaires : les usagers, la société gérante, et les comités.

Une perspective de privatisation n’est pas indispensable pour réussir ce genre de projet. Le statut de la structure gestionnaire importe peu, du moment que la capacité de contrôle et de régulation est assurée. Dans certains pays comme Haïti, où l’Etat est trop faible et les associations d’usagers inexistantes, la création d’ingénierie sociale s’avère intéressante et confirme l’intérêt du secteur privé à organiser l’implication et le travail de la population dans les secteurs non urbanisés.

L’objectif principal de cette méthode vise à ce que les populations réussissent à se prendre en charge, gèrent leurs conflits et leurs partenariats, et obtiennent un accès aux services dans des conditions acceptables.

Key words

access to water, water policy, public service, collective equipement, urban management


, Haiti, Port au Prince

Notes

Entretien avec Anne Sophie Boisgallais

Source

Internal document

BRAILOWSKY, Alexandre, Gret, Direction scientifique, Intermédiation sociale et construction institutionnelle, GRET , 2000/08 (France), Document de travail n°15, 34 pages

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