Le cas de l’Amérique latine
10 / 2001
Cette approche est accompagnée par une analyse critique du mode de développement mis en avant dans les pays de l’Amérique latine, du mode d’exploitation des ressources naturelles imposé par les pays colonisateurs, du génocide, de la dévalorisation des cultures indigènes.
Au Brésil, l’Education à l’Environnement est considérée par un grand nombre d’éducateurs comme une éducation politique visant à une participation citoyenne à la recherche de solutions aux problèmes écologiques locaux, régionaux et mondiaux. Cette approche va de pair avec la tentative de la nouvelle génération d’intellectuels à dépasser l’ambiguïté dans leur rapport aux métropoles culturelles, politiques et économiques et dans leurs positions nationalistes, pour se situer face aux défis actuels : la mondialisation, les problèmes écologiques et les revendications des communautés indigènes.
Dans la période initiale du mouvement écologique en Amérique latine, on présentait toujours des arguments en faveur d’une participation du citoyen. L’idée était associée à la revendication démocratique, surtout dans les pays soumis à un régime militaire, dont les politiques de développement étaient élaborées et mises en oeuvre par des technocrates. Aujourd’hui, cet argument n’est plus limité à des groupes s’opposant à des dictatures, et la participation des citoyens ne saurait être issue de politiques populistes ou de politiques visant à transférer les responsabilités de l’Etat vers le peuple. La participation du citoyen est comprise comme étant l’action autonome des individus et de groupes au niveau national et mondial.
Le point de départ de cette approche qui, au Brésil, a reçu diverses interprétations, est que l’éducation à l’environnement ne doit pas perdre de vue les défis complexes (politiques, écologiques, sociaux, économiques) qui se présentent à court, à moyen ou à long terme. Quant aux valeurs de l’autonomie, de la citoyenneté et de la justice sociale, elles sont considérées comme des principes de base de l’éducation. Il ne s’agit pas d’objectifs à atteindre dans un avenir éloigné ; elles doivent être construites quotidiennement à l’intérieur des relations pédagogiques, mais aussi affectives et sociales.
L’autonomie caractérise une personne qui a une conscience claire de sa spécificité dans une société collective. Pour l’auteur, l’éducation, qu’elle soit formelle, informelle ou environnementale, n’est achevée que lorsque la personne qui apprend peut, à des moments clés de sa vie, être autonome, indépendant, exercer une action et exprimer une pensée unique et singulière. Or, cette approche est peu intégrée et développée dans les principales institutions éducationnelles, et tous ceux qui participent au processus éducatif ne sont pas des adeptes de ce principe.
La citoyenneté occupe une place importante dans les débats sur l’éducation au Brésil. Lorsqu’on parle de citoyenneté, on s’efforce de placer l’être humain dans la sphère politique, contrairement à d’autres points de vue mis en avant par les médias qui considèrent parfois le citoyen comme un "contribuable" ou, dans d’autres circonstances, comme un "consommateur". Les citoyens sont plus que de simples consommateurs (et plus que la somme de leurs droits et obligations liés aux produits qu’ils achètent) ou des contribuables (et plus que la somme des leurs droits et devoirs liés aux impôts qu’ils paient).
On ne peut évoquer la citoyenneté sans penser à l’école, dans le sens du projet pédagogique, politique et philosophique, où les étudiants reçoivent une formation apte à leur permettre de relever les défis politiques et écologiques de notre temps.
L’idée de citoyenneté, fondée sur l’égalité politique parmi tous les membres d’une nation, s’est enrichie de l’exigence au droit à la différence, qui résulte d’une participation politique sans cesse croissante de groupes sociaux qui se sont organisés sur la base de propositions spécifiques et ont rompu avec l’hégémonie du discours unique (homosexuels, noirs, femmes, peuples indigènes, jeunes, personnes âgées, etc.).
Dans l’exigence permanente d’une citoyenneté locale et immédiate, on devrait intégrer la perspective d’une citoyenneté plus abstraite, plus extensive et plus dispersée : l’idée d’une citoyenneté planétaire. Nous avons besoin d’élargir les frontières et limites réelles et imaginaires du champ spécifique de notre intervention et de notre responsabilité globales. Dans un tel contexte à la fois mondial et local, l’éducation à l’environnement exige que on élargisse le sens de la citoyenneté, ainsi que les limites immédiates de l’action et de la participation politiques.
La question de la justice sociale est une question d’actualité dans une société comme celle du Brésil, caractérisée par d’énormes différences sociales, économiques et culturelles. Cette société ne deviendra juste que s’il y a une distribution équitable des produits sociaux et culturels qu’elle produit. Cela signifie qu’on devrait considérer ceux qui sont "différents" comme tels et non comme des "égaux". Une société juste prendrait en compte les différences économiques et sociales réelles entre ceux qui ont accompli un second cycle de scolarité et donnerait la priorité à ceux qui sont dans des conditions sociales défavorisées, ou leur réserverait un certain nombre de bourses, afin que l’université gratuite et publique devienne un atout commun à tous. Cet exemple sera controversé, comme presque toutes les positions qui soutiennent que l’uniformisation et la distribution équitable des biens sociaux sont nécessaires pour mettre en ouvre et préserver la justice sociale.
L’idée de la justice sociale apparaît également dans la définition du développement durable, qui exprime implicitement un souci de justice et d’éthique pour les générations actuelles et à venir. Mais le terme de "développement durable" est devenu banal et sa signification profonde n’est pas claire pour la grande majorité de la population mondiale. La justice sociale n’est pas un simple problème national ou local, elle devrait être située dans le monde globalisé où tous les rapports ont des résultats et des conséquences spécifiques dans différentes régions du monde. En ce sens, les diverses actions visant à atteindre une durabilité mondiale ne relèveront les défis politiques et écologiques de notre époque que s’ils incluent l’exigence de la justice sociale dans leur argumentation.
On insiste aussi sur le fait que la quête de l’autonomie et de la justice sociale, dans un espace à la fois mondial et local, à travers le développement d’une pensée et d’une action politique spécifique, constitue en même temps un combat contre la pensée monolithique, homogène, conformiste et néocolonialiste qui est redevenue dominante de nos jours. Il reste bien du travail à accomplir pour mettre en oeuvre une éducation à l’environnement qui privilégierait les trois éléments inséparables d’autonomie, de citoyenneté et de justice sociale. Une telle éducation devrait élargir de plus en plus ses arguments et ses pratiques, pour contribuer à la construction d’une société durable.
environmental education, methodology, autonomy, citizenship, pedagogy
, Brazil
Fiche rédigée par Yolanda Ziaka sur la base des articles de Marcos Reigota cités ci-dessus, également publiés dans le livre Une Education à l’Environnement pour le 21e siècle, (2000, Editions Charles Léopold Mayer en français, et Polis-RIEE en anglais) et dans le bulletin "Dialogues pour l’Education à l’Environnement".
Book
REIGOTA, Marcos, "Global Ecology and Environmental Education in Latin America", in Environmental Training, Vol. 5, N° 11, UNEP, Mexico., 1994; 1998, "Environmental Education : Autonomy, Citizenship and Social Justice", in Environmental Training, Vol.10, N°22, UNEP, Mexico.
POLIS-RIEE (Réseau international en Education à l'Environnement) - BP4, 84100 Ermoupolis, GRECE - Tel.: 30 / 22810 / 87804 - Fax : 30-281-87840 - Greece - polis (@) otenet.gr