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A Santa Teresa, Rio de Janeiro : des tambours pour la paix

Lea TIRIBA

02 / 2003

Voici l’histoire d’une mobilisation citoyenne qui a abouti à la réalisation d’un rituel de Tambours pour la Paix, au quartier de Santa Teresa, à Rio de Janeiro, Brésil.

Santa Teresa est un quartier localisé sur les montagnes qui séparent les zones Nord et Sud de la municipalité de Rio de Janeiro. C’est peut-être à cause de sa localisation qu’il a des traits d’une ville de province, où les personnes se connaissent, se communiquent et pour qui c’est un orgueil d’appartenir à une communauté qui désire préserver ses conditions et son style de vie.

Grâce à la lutte historique de ses habitants, le quartier est le seul endroit du Brésil où le tramway non seulement continue à circuler mais constitue le principal moyen de transport : c’est sans doute le point le plus fort de convergence de l’identité de ses habitants.

Jadis un quartier noble, Santa Teresa reflète, dans sa population, un portrait de la distribution de la richesse au Brésil. Une grande partie de ses habitants vit dans treize favelas (bidonvilles) accrochées aux flancs de ses montagnes, aujourd’hui des points disputés par les trafiquants de drogue. A cause de sa localisation stratégique, le renforcement du tissu social - au travers de l’amélioration des conditions matérielles (travail, éducation et culture, santé) et de la création de liens solidaires entre tous ses habitants - est fondamental pour le futur de la ville.

Le quartier, contrairement aux autres, conserve encore une végétation abondante. Une de ses richesses est la Forêt de la Tijuca, la plus grande forêt urbaine de la Terre. A part les favelas, il n’y a pratiquement que de vieilles maisons ou de petits édifices. Pour conserver ce milieu, ses habitants ont lutté pour que le quartier soit inscrit dans le Patrimoine Historique et pour qu’il soit déclaré " zone de préservation environnementale ". Cet ensemble de caractéristiques sociales, environnementales et culturelles favorise la manifestation de " Tambours pour la Paix ", un mouvement lié à l’Alliance pour un Monde Responsable, Pluriel et Solidaire.

Dire publiquement ce qui doit être dit

L’idée est née parmi nos enfants et nos amis, à partir du désir ou du besoin d’attirer l’attention des personnes face à l’absurdité de la guerre. Lorsque nous avons commencé à planifier la manifestation, nous ne savions pas encore que le Forum Social Mondial de Porto Alegre avait déclaré le 15 février 2003 comme une journée internationale contre la guerre. La manifestation eut lieu le 14 février, en fin d’après-midi. Tout s’est fait à partir de l’énergie de certains habitants, de l’enthousiasme des musiciens, du support de l’Association d’Habitants de Santa Teresa, de la mise à disposition de l’école publique, qui a ouvert un espace et un temps pour que les enfants parlent de la guerre et dessinent des affiches qui ont été collées sur les murs.

Il est 17 heures 30 sur le Largo do Guimarães. Le tramway qui emmènera les manifestants à travers le quartier attend, immobile, qu’on y mette les premières affiches, produites ici même, au milieu de la rue. Il s’agit de restes de boîtes en carton où trois enfants des écoles du quartier ont dessiné et écrit : "Non à Sadam Hussein, oui au peuple d’Irak. Dites non à l’impérialisme des Etats-Unis en Irak. Notre guerre est contre la faim !"

Le microphone est mis à disposition de tous ceux qui veulent parler. Bientôt, quelques personnes s’approchent, prennent du courage : des jeunes de 15, 16 ans ; des messieurs, des dames, un touriste, les membres de l’association d’habitants, des musiciens, tous veulent exprimer leur rejet à la guerre, par des poèmes ou la lecture de textes pacifistes. L’importance de cet acte est d’être un moment pour marquer une présence, tout simplement d’être une opportunité, ouverte à tout le monde, de dire publiquement ce qui doit être dit. Prouver que les personnes peuvent se réunir, s’organiser pour protester, communiquer des idées, diffuser des utopies, dire sa parole... Le plus important ce sont les énergies que ces mouvements éveillent.

Pendant près de deux heures, les gens s’expriment les uns après les autres et, lorsque la nuit tombe, les tambours commencent à gronder. Des tambours du Maranhão, du Pernambuco et de Rio de Janeiro accompagnent les participants, qui chantent une mélodie créée sur place, par l’un des musiciens. Après, silence total pour la lecture d’un Manifeste de Santa Teresa pour la Paix. Et, finalement, les gens continuent joyeusement à traverser le quartier sur le tramway pour porter au reste du quartier, sous forme de chant, leur message de paix.

Tout ceci eut lieu grâce à la bonne volonté de beaucoup de personnes : le dessinateur qui a créé l’affiche, les jeunes qui se sont chargés de diffuser l’événement par Internet, les habitants qui ont assumé des tâches de toutes sortes, des amis d’autres quartiers qui ont donné les informations à la presse et les amies de l’Alliance qui font partie du mouvement Tambours pour la Paix à São Paulo. Notre rituel de Tambours a été important par sa singularité, sa valeur symbolique, par les énergies qu’il a mobilisées, les connexions qu’il a rendues possibles, les espoirs qu’il a fait renaître.

Nous ne sommes pas capables d’arrêter la guerre mais, ici, dans notre quartier, nous avons déjà avancé, avec ce petit acte, en direction de la paix !

Key words

peace culture, peace education, popular mobilization


, Brazil

Notes

Léa Tiriba anime le réseau "humanité enfant", associé à Dph et membre de l’Alliance pour un Monde Pluriel, Responsable et Solidaire. Cette fiche fut produite pour le site web de Tambours pour la Paix, Rio de Janeiro/Brésil.

Source

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