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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Les Marxistes à la reconquête des ouvriers et du mouvement syndical

Maude SIRE

11 / 2002

L’Empire soviétique a entraîné dans sa chute le puissant Parti Communiste de Russie et tout le système hiérarchique concomitant. En particulier les représentants des travailleurs, les syndicats n’ont pas récupéré leurs forces. En Russie, les organes de représentation des travailleurs sont les mêmes que du temps du communisme d’état. Les ouvriers ne leur accordent que peu de crédit tant les méthodes, les dirigeants, et les idées n’ont pas vraiment évolués. La Russie se trouve donc confrontée à un déficit flagrant de structures syndicales modernes capables de répondre aux attentes des ouvriers et de négocier avec le patronat et le gouvernement. D’autre part, les droits des syndicalistes ne sont pas respectés et bien souvent ceux-ci sont victimes d’une répression systématique.

L’organisation Alternatives Russie a été fondée fin 2000 par les créateurs de la Plateforme Marxisme et transformation, le courant socialiste réformateur du Parti Communiste Soviétique. Les principes fondateurs de cette organisation sont la défense de la démocratie et du socialisme. Ouverte à toute sorte de public elle regroupe des étudiants, universitaires, travailleurs, artistes. En opposition avec les structures du Parti communiste, il n’y a pas de « Comité de Direction », ni carte de membres, mais des co-animateurs. Basée à Moscou l’Association a des correspondants dans toute la Russie. Alternatives Russie organise des conférences mensuelles auxquelles participent une centaine de personnes sur des thématiques variées comme la démocratie en Russie, les variantes économiques, la lutte contre la mondialisation, les syndicats etc. Un journal et des livres reprennent les principaux travaux des groupes de réflexion. Depuis cinq ans l’Université des jeunes socialistes offre un espace de discussion aux étudiants sur les propositions socialistes et marxistes.

Concernant le travail avec le milieu syndical, Alternative Russie a développé plusieurs outils. Partant du constat que les organisations syndicales héritées de l’Union Soviétique ne sont pas représentatives des travailleurs, l’association propose des outils de réflexion et d’organisation. Le réseau de correspondant en province prospecte dans les entreprises locales pour détecter les situations problématiques. Face à l’attitude souvent hostile des chefs d’entreprise et des syndicats maisons, Liudmilla Boulavka a développé une approche spécifique. Tout d’abord elle obtient un entretien avec le Directeur de l’usine et lui demande de manière officielle à rencontrer les syndicats. Lors de la rencontre avec les syndicats, elle demande à organiser une rencontre avec les travailleurs. Enfin, elle présente Alternatives Russie aux travailleurs, et repère les personnes dynamiques qui souhaitent s’investir pour faire évoluer la situation sociale dans l’entreprise. Les « activistes » sont alors officiellement invités, via la direction de l’usine, à participer à un séminaire à Moscou. La direction prévenue officiellement ne peut pas refuser. Mme Boulavka a ainsi visité plus de 40 usines en 2 ans. Dans de rares cas, ce sont les directeurs d’usines qui ont fait appel à Alternatives Russie pour mettre en place une représentation syndicale et constituer un espace de dialogue structuré avec leurs employés.

Les séminaires organisés à Moscou se déroulent sur deux jours et regroupent des travailleurs et des syndicalistes. Les objectifs sont de développer une prise de conscience des stratégies et du contexte, de la possibilité d’organiser les luttes syndicales, de mettre en place une réflexion et des échanges avec la base (ie les ouvriers) et aussi avec les universitaires membres d’Alternatives Russie. Des séminaires en régions ont aussi été organisés à Oufa, Novossibirsk, Saint Pétersbourg et Sébastopol.

Le séminaire se déroule en quatre étapes. D’abord un atelier où les participants analysent leur situation, puis une présentation sociologique du monde du travail, des conseils individuels sont aussi prodigués par une équipe de juristes, sociologues et économistes pour venir en aide aux syndicalistes et les aider à formuler leurs revendications. Enfin, à l’issue du séminaire un bulletin résumant les résultats des travaux de réflexion est publié. Des consultations juridiques hebdomadaires sont proposées pour répondre aux questions urgentes des syndicalistes.

Un exemple concret des actions de soutien mises en place par Alternatives Russie. Des syndicalistes indépendants soutenus par Alternatives Russie étaient engagés dans un mouvement de grève dans l’usine d’assemblage des sous marins nucléaires de Vladivostok. Après plusieurs mois de mouvement social très dur, les syndicalistes ont fait l’objet de harcèlements et de menaces. Depuis un forum international en Grèce, les représentants d’Alternatives Russie ont fait circuler une pétition de soutien aux grévistes, laquelle a été faxée depuis la Grèce directement à Vladivostovk. L’éclairage international donné au conflit a permis de desserrer l’étau autour des syndicalistes.

Il est paradoxal de constater qu’après 70 ans de mise en avant de l’ouvrier et des « soviets » sensés défendre leurs droits, la libéralisation des échanges et la privatisation des outils de production a complètement balayé toute réflexion sur le droit social et le droit du travail. Les syndicalistes indépendants sont peu nombreux et ne bénéficient d’aucun soutien. Les représentants syndicaux ne sont pas considérés comme des partenaires sociaux mais plutôt comme des gêneurs pour la production. Héritière des penseurs réformateurs marxistes, Alternatives Russie s’efforce de proposer des outils de réflexions théoriques et pratiques pour venir en aide aux syndicalistes indépendants. Cette action est orientée ultra gauche mais offre un espace d’expression et une aide juridique pour des personnes impliquées dans la défense des droits des travailleurs. Elle reflète les difficultés de la société russe pour prendre en considération la protection sociale et la législation du travail. Face à une économie où les règles du marché s’expriment sans retenue, l’organisation de la lutte syndicale est une bataille de longue haleine, qui pâtit encore de la mauvaise réputation des syndicats de l’époque soviétique.

Key words

trade union, citizenship education, right to work, socialism, world wide extension, popular education


, Russia

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Alternatives Russie est une structure particulière. Ses animateurs se défendent d’être un parti politique, préférant être une pépinière d’idées de la gauche sociale. Leur détermination a réussi à réintroduire sur ondes et parfois à la télé des débats sur le travail et les syndicats. Ils font partie de réseaux internationaux de la « gauche social et démocrate » avec lesquels ils participent à des conférences internationales, tel le forum social européen de Florence (novembre 2002). Les membres d’Alternatives Russie essayent d’adapter le courant de pensée marxiste réformateur tel qu’il était défendu au sein du PC soviétique à la nouvelle donne en Russie, en particulier les impératifs de l’économie de marché.

Notes

Cet entretien a été réalisé lors du Forum Social Européen, rassemblement anti-mondialiste qui s’est tenu à Florence, en Italie, du 6 au 10 novembre 2002. Ce forum avait réuni plusieurs délégations d’acteurs sociaux (associations, syndicats, partis et mouvements politiques) de différents pays d’Europe.

Contact : Alternatives Russia, Trekhprudni 6/46, 103001 Moscow, Russie - Tél: 7 095 299 7739 - Fax: 7 095 292 9676 - www.alternativy.ru - dhrr@online.ru.

Alexander Bouzgalin, Président, Andrei Kolganov, Liudmilla Boulavka

Source

Interview

Entretien avec Liudmilla BOULAVKA

Association France Oural - 14, rue des Tapisseries, 75017 Paris, FRANCE - Tél : +33 (0)1 46 22 55 18 / +33 (0)9 51 33 55 18 - Fax : +33 (0)9 56 33 55 18 - France - www.france-oural.org - franural (@) free.fr

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