12 / 2001
Comment bien réussir des relogements, surtout lorsqu’ils concernent 270 familles et doivent être bouclés dans des délais précis ? C’est la problématique qu’ont dû traiter l’Opac de Saint-Étienne et ses partenaires (ville, bailleurs, État) dès la décision prise en novembre 1997 de démolir les 450 logements du bâtiment A dénommé "muraille de Chine" dans le quartier de Montchovet. L’Opac a mis en place un dispositif d’accompagnement sur une durée de deux ans, avec un suivi personnalisé des familles. Un travail de longue haleine qui constitue un élément crucial dans la gestion des démolitions-reconstructions.
Bien réussir un relogement selon ces partenaires, cela veut dire respecter les désirs des habitants, les accompagner tout au long du processus de changement, "tout en respectant les impératifs liés aux équilibres de peuplement sur l’ensemble de la ville" d’après le service social de la ville. Selon le bailleur, cela demande d’établir une méthodologie car on n’est pas dans une problématique de relogement traditionnelle, en raison de son caractère massif mais plus encore imposé, sachant que certaines familles ne souhaitaient pas partir. Cette méthodologie est construite autour du "principe de réalité", à savoir la nécessité de trouver une solution acceptable par tous, aussi parce que la loi interdit l’expulsion au seul motif de la démolition. La méthodologie doit cependant être suffisamment souple pour s’adapter aux situations individuelles. Le suivi, l’explication prennent alors une place prépondérante.
Un processus en plusieurs phases
Le processus a été officiellement enclenché en décembre 1997 suite à un courrier du maire annonçant la démolition aux habitants, sans concertation préalable. Des rumeurs avaient cependant déjà circulé et au cours du premier semestre 1997, les demandes de mutation provenant des locataires ont été étudiées et satisfaites. Un diagnostic aussi complet que possible a été établi pour chaque famille par un référent (une des deux travailleuses sociales de l’Opac) afin de mieux connaître les familles et leurs attentes. Les premières rencontres ont consisté à informer et communiquer sur le processus de relogement et ses modalités. Ces entretiens sont l’occasion pour les travailleurs sociaux de repérer les familles ayant des difficultés de plusieurs ordres, par exemple pour déterminer les besoins en logements PLA-TS (prêt locatif aidé à caractère très social). Le service social départemental, la caisse d’allocations familiales et le bureau des travailleurs sociaux de la ville ont également mis à disposition du personnel pour certaines familles en fonction de critères précis (par exemple les ménages relogés dans des logements en PLA-TS étaient suivis par la direction de la protection sociale du conseil général). "L’accompagnement du changement ne concerne pas uniquement le logement, il doit être global", insiste Françoise Beuillard, travailleuse sociale de l’Opac. La situation est parfois compliquée pour les travailleurs sociaux, pris entre les contraintes de l’offre et du peuplement et les demandes des locataires.
Deuxième étape : des réunions bimensuelles au sein d’une commission de relogement, animée par le chef de projet du contrat de ville et composée de représentants de la ville, de l’Opac, de différents services de l’État (direction départementale des affaires sanitaires et sociales notamment), de la caisse d’allocations familiales, de la direction de la protection sociale, de deux représentants des locataires, etc. Le rôle de cette commission n’était pas de gérer les relogements, puisque l’Opac s’en chargeait, mais d’assurer un retour sur le déroulement du processus : discuter des cas particuliers et fixer les grandes orientations. "On y actait surtout les avancées, mais ça a été aussi l’occasion d’ échanges, de débats sur le relogement" témoigne F. Beuillard. Cela permettait également aux habitants de rester vigilants quant au bon déroulement du relogement, de signaler les dysfonctionnements (coupure du chauffage vers la fin, problèmes d’insécurité ) et de servir de relais vers l’ensemble des locataires.
Par la suite des entretiens individuels avec les différents membres de la famille, notamment les enfants dont le rôle est important dans l’acceptation du relogement, ont permis de construire un projet de relogement, précisant le type d’habitat recherché (individuel ou collectif), le secteur prisé, le mode de chauffage à privilégier et le souhait quant au voisinage proche. Suite à cela des propositions étaient faites en fonction de l’offre, à la fois dans le parc de l’Opac et dans celui d’autres bailleurs, y compris la ville. Il a fallu négocier avec les locataires, "on était obligé de leur expliquer qu’ils ne pourraient pas avoir le logement de leurs rêves", précise F. Beuillard, "notre rôle était d’écouter et de dialoguer pour faciliter l’acceptation du changement et montrer les points positifs de la situation à venir". Les loyers proposés étaient la plupart du temps identiques voire légèrement supérieurs. Les locataires visitaient ensuite le logement (parfois plusieurs) avant d’accepter et de signer un contrat de location. Une deuxième visite était alors organisée avec un technicien pour définir les travaux d’amélioration à entreprendre. Le déménagement, les frais d’installation (1000 F par ménage, soit 152,45 euros) et les travaux dans le logement ont été pris en charge par l’Opac. Tous les locataires avaient signé un contrat fin décembre 1999 : 52 pour cent des familles ont été relogées sur le quartier, dont 27 pour cent dans le même groupe ; 38 pour cent ont été relogées dans d’autres quartiers de Saint-Étienne, et 10 pour cent ont quitté la ville (sur leur demande). 80 pour cent des familles sont restées sur le parc HLM dont 67 pour cent dans le parc de l’Opac.
social escort, family, participation of inhabitants, social housing, rehabilitation of habitat
, France, Rhône-Alpes, Loire, Saint-Étienne
DES PISTES D’AMÉLIORATION
Les partenaires ont pris en compte les situations humaines de la manière la plus active possible, car en deux ans les familles ont évolué (décohabitations, etc.) et dans certains cas leurs aspirations ont changé. Il a fallu inventer, s’adapter et surtout gérer l’attente. Des liens parfois forts se sont noués entre certains habitants et les travailleuses sociales, et le suivi s’est dans certains cas prolongé six mois après le relogement. Dans son évaluation du dispositif d’accompagnement, l’Opac recommande cependant quelques améliorations : un premier temps collectif de discussion avec les habitants autour du relogement afin de clarifier les choses dès le départ; une plus grande association des autres travailleurs sociaux (Caf, etc.) dès le lancement du processus pour un diagnostic partagé. F. Beuillard évoque l’hypothèse qu’une cellule de relogement réunissant les travailleurs sociaux soit mise en place pour une analyse pratique des situations individuelles et surtout pour une prise de recul par rapport à ces situations. Tous ces éléments sont repris dans la méthodologie dont s’est doté l’Opac pour tenter de conceptualiser le relogement, point qui préoccupe aujourd’hui nombre de bailleurs.
Contact : Laurent Gagnaire, Directeur de l’OPAC de Saint-Étienne - Tél. : 33 (0)4-77-25-06-14 - laurent.gagnaire@opac-st-etienne.fr
Entretien avec GAGNAIRE, Laurent
Resource person ; Interview
PINEL, Violaine, De la politique de la ville au renouvellement urbain, CR¨DSU in. Les cahiers du DSU, 12/2001 (France), 31-32, 24-25
CR DSU (Centre de Ressources sur le Développement Social Urbain) - 4 rue de Narvik, BP 8054, 69351 Lyon cedex 08, FRANCE. Tél. 33 (0)4 78 77 01 43 - Fax 33 (0)4 78 77 51 79 - France - www.crdsu.org - crdsu (@) free.fr