Le tourisme équitable est un thème brûlant car sa mise en place et ses modalités restent encore très problématiques
08 / 2002
Alors que le tourisme est aujourd’hui la plus grande activité mondiale (avec 700 millions de voyageurs en 2000, il a généré 476 milliards de dollars US), il est longtemps resté oublié des conférences internationales (il n’a pas été abordé au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992). Le tourisme pourrait permettre des échanges positifs de savoirs et de développer l’interculturalité grâce à des rencontres entre des personnes de différentes cultures. On constate pourtant que ce n’est pas souvent le cas.
Certains pays du Sud ont fait du tourisme une stratégie de développement et une source de devises. Cependant, on constate un déséquilibre dans les relations entre visiteurs du Nord et "visités" du Sud, dû à la différence de pouvoir d’achat, à la méconnaissance des cultures et des réalités locales, ou à peu de volonté d’adaptation.
Quels sont les effets du tourisme sur les populations locales et leur environnement ?
Dora Valayer, présidente de l’association française Transverses, dont l’objet est l’information et la responsabilisation du tourisme, envisage ses aspect néfastes à différents niveaux :
Les effets du tourisme sur l’environnement sont considérables, que ce soit à cause des transports aériens, d’une utilisation abusive de l’eau (déjà si rare), des pesticides utilisés (pour les terrains de golf par exemple), du dégazage des bateaux de croisière, etc.
On assiste aussi à de nombreuses expropriations sous prétexte que les familles vivant là depuis des générations n’ont pas de titres de propriété.
Dora Valayer n’oublie pas de citer les mauvaises conditions de travail, la montée des prix ou la prostitution grandissante, auxquelles les populations locales sont confrontées.
C’est la diversité culturelle et les équilibres sociaux et naturels souvent fragiles que le tourisme risque de mettre à mal, si les pratiques continuent dans ce sens. La prise de conscience des dangers du tourisme est récente. Elle naît il y a vingt ans, suite à des initiatives des pays du Nord de l’Europe (Allemagne, Suisse allemande, Belgique flamande, Angleterre...) et par des rencontres entre les conseilles oecuméniques des églises de Genève et de celles des pays de Sud qui expliquent leur désarroi et ajoutent, sur le point de craquer : "Ne vous étonnez pas si nous prenons les armes, on n’en peut plus...".
Lors d’une rencontre à Bangkok, la Coalition Oecuménique sur le Tourisme du Tiers Monde (ECTWT) est mise en place sous forme d’ateliers informels, afin d’analyser le tourisme du point de vue des personnes du Tiers Monde. Il en résulte que "Le tourisme tel qu’il est pratiqué dans la plupart des régions du Tiers monde a causé plus de ravages que d’avantages apportés".
Naît ensuite le Tourism European Network (TEN) qui se charge d’une part d’alerter les grands organismes mondiaux (ONU, etc..) et d’autre part de faciliter la diffusion de l’information entre les membres du réseau.
C’est l’Angleterre qui fut la première à aborder le thème du "tourisme équitable" par le biais d’un organisme qui lance une recherche et organise une conférence sur ce thème.
Pour Dora, le tourisme possède des spécificités qui rendent problématique son intégration dans la logique du commerce équitable. Tout d’abord, c’est un bien intangible, son suivi est alors plus difficile à assurer que dans le cas de produits du commerce équitable. Il n’est pas garanti à 100 pour cent," acheter un voyage, c’est acheter un engagement", or les promesses ne sont pas toujours tenues. Elle insiste sur le fait que "les consommateurs de voyages touristiques n’ont pas les repères personnels et médiatiques qu’ils possèdent dans leur pays". En vacances, ils mettent de côté leurs responsabilités professionnelles, sociales et politiques.
Face à cette complexe réalité, les organismes et acteurs du commerce équitable réfléchissent à des moyens éventuels d’élargir la définition de ce type de commerce au tourisme. Pour les raisons évoquées, Dora Valayer reste sceptique sur la possibilité de définir un tourisme équitable.
De ce point de vue, le rôle premier de ces organismes est d’une part de fournir au touriste, avant qu’il ne parte, les repères manquants ; et d’autre part de donner aux pays d’accueil la formation et l’information nécessaires afin qu’ils s’organisent et mettent en place eux mêmes les régulations qui leur semblent adaptées. Les organismes spécialisés (agences de voyages, ONG’s, ...) doivent être des facilitateurs et non les instigateurs d’un type de tourisme qui leur semblerait meilleur.
Actuellement il n’existe pas d’agence indépendante qui se chargerait d’attribuer des labels aux agences respectant les conditions mises en place par l’Organisation Mondiale du Tourisme. Ce sont les agences de voyage qui s’autolabellisent. Dans ce cas, comment vérifier si les engagements sont honorés ?
Selon Dora, il faudrait mettre en place des partenariats entre les tours opérateurs du Nord et les réseaux de commerce équitable déjà existants dans les pays de destination touristique, car les spécificités du tourisme le rendent dépendant de l’équité déjà mise en place. Pour certifier un tourisme "équitable", il est nécessaire de mettre en place des organismes spécialisés et indépendants n’organisant pas de voyage (l’indépendance est une condition indispensable dans un souci de réelle objectivité du contrôle).
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, , France
Il n’y a pas si longtemps, le tourisme ne faisait pas partie des thèmes "sérieux" qu’on abordait dans les textes concernant le développement durable. Une Conférence Mondiale du Tourisme Durable avait pourtant eu lieu en 1995, qui avait donné naissance à une Charte du Tourisme Durable. Aujourd’hui, ce thème a sa place dans les discussions grâce à la mobilisation d’organismes crées à cet effet. En témoigne la présence d’un texte de préparation sur le tourisme qui a été présenté à Johannesburg pour le Sommet Mondial du Développement Durable (septembre 2002).
En Europe, le tourisme responsable se développe avec l’arrivée du tourisme rural et les relations positives avec les comités d’entreprise. Cet attrait pour ce nouveau type de tourisme pourrait permettre à des régions riches culturellement et naturellement, mais pauvres en touristes, de faire découvrir leur culture et leurs traditions à des personnes responsables et prêtes à respecter des critères préalables d’équité.
L’UNAT a publié récemment un guide "D’autres voyages, du tourisme à l’échange" qui propose des adresses et une définition de pas moins de huit formes différentes de tourisme, que le voyageur moyen a du mal à distinguer (tourisme alternatif, intégré, solidaire, durable, équitable, écotourisme, etc.).
Contact : Dora Valayer, Transverses, 7 rue Heyrault, 92100 Boulogne, France Tél/fax : 01 49 10 90 84
Pour plus d’information sur le chantier sur le commerce équitable : http://fairtrade.socioeco.org
Pour plus d’information sur l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire, consulter : http://fairtrade.socioeco.org
Entretien avec VALAYER, Dora
Interview
Alliance pour un Monde Responsable, Pluriel et Solidaire (Pôle Socio-Economie Solidaire) - www.alliance21.org, http://fairtrade.socioeco.org - pwj (@) alliance21.org