Les sans-abris rebatissent sur le même terrain en demandant des solutions alternatives
04 / 1993
LE CONTEXTE
Au Kenya, l’augmentation de la population, au rythme de 3,7% par an et le manque de terres cultivables provoquent la migration des habitants des campagnes vers les grandes villes où les capacités de logement sont insuffisantes.
Plus de la moitié des 1,5 millions d’habitants de Nairobi vivent dans une ceinture de bidonvilles, au sud-est et au nord du centre d’affaires, à Mathare Valley, Kibera, Korogocho et Muoroto, dans la pauvreté et le manque d’hygiène.
Pendant la saison des pluies, d’avril à août, ces quartiers miséreux ne se visitent qu’en véhicule tout terrain, les "rues" devenant des lacs de boue et de détritus. Il n’y a pas d’électricité ni d’eau courante, pas de tout à l’égout ni de collectes d’ordures. Installés illégalement sur des terrains privés ou appartenant à l’Etat, les squatters s’entassent par familles entières dans des baraques provisoires, construites avec des matériaux de récupération.
Le 25 mai 1990, environ 2000 squatters ont été expulsés violemment de leurs taudis dans le bidonville de Muoroto situé à environ 1 km du centre de Nairobi.
LES ACTEURS IMPLIQUES DANS LE PROCESSUS ET LEUR ROLE
L’action a commencé à 9 heures du matin lorsque un groupe de milices municipales accompagnées de policiers anti-émeute ont attaqué violemment le bidonville avec des bulldozers provoquant la mort de 7 personnes et une quarantaine de blessés. Selon les témoignages recueillis par la presse locale, les milices municipales ont fait irruption dans le bidonville alors que les enfants se préparaient pour l’école. Femmes et enfants ont été battus à coup de bâton, alors que les bulldozers défonçaient les baraques "illégales", sur le terrain. La police anti-émeute a par la suite été appelée en renfort, tirant des grenades lacrymogènes alors que les habitants se défendaient en lançant des pierres. Sept heures plus tard, environ 2000 squatters étaient sans-abri.
Les autorités locales (Nairobi City Commission, NCC)qui sont à l’origine de la décision d’expulsion et de démolition justifient leur action en affirmant que les occupants (pour la plupart marchands ambulants ou chômeurs)sont illégaux et que les échoppes n’ont pas non plus de licence. Elles affirment également que la zone est un repaire de voleurs et de pickpockets qui opèrent tous les jours dans la station de bus située à proximité.
Le motif réel de l’expulsion n’est pas très clair : selon certaines sources, les expulsions auraient été réalisées pour faciliter l’extension de la station de bus, selon d’autres, le terrain occupé par les squatters serait destiné à la réalisation d’un nouveau centre commercial.
L’opération de démolition du quartier de squatters a été supervisée par le Directeur de l’Inspection Municipale et un député de la ville. Cette opération semble être en contradiction avec une récente circulaire signée par différentes instances gouvernementales d’après laquelle le NCC ne peut réaliser de démolitions arbitraires sans avoir au préalable consulté les autres organismes (le MPs et l’administration de la Province de Nairobi).
La NCC affirme que les squatters de Muoroto ont été prévenus de l’expulsion quelques mois auparavant par une note officielle. Les habitants affirment que cette note était destinée seulement à quelques marchands illégaux.
REACTIONS DES DIFFERENTS SECTEURS
Plusieurs partis politiques ont réagi avec indignation contre les expulsions et surtout contre la manière de procéder qu’ils ont qualifiée de "sauvage".
Le ministre du gouvernement local a réaffirmé que les démolitions des "structures illégales" continueront et que le gouvernement ne va pas encourager les gens à s’installer n’importe où.
Le chef de l’Eglise Anglicane au Kenya, l’Archevêque Manasses Kuria, s’est quant à lui, demandé lors d’un sermon "comment notre pays peut supporter le spectacle d’enfants battus par des agents municipaux, des centaines de personnes qui dorment dehors dans le froid, parce que leurs maisons ont été détruites".
Dans une brève déclaration publiée de sa résidence de Nakuru, le Président Danile Arap Moi a condamné l’attitude "inhumaine" des milices municipales et ordonné des sanctions. Le président du NCC a affirmé, de son côté, qu’il n’avait pas donné l’ordre de démolition.
Les squatters expulsés ont commencé à reconstruire leurs abris aussitôt après l’opération. Beaucoup d’entre eux ont fait le serment de ne pas libérer les lieux tant qu’une solution alternative ne sera pas trouvée. Certains ont précisé qu’ils sont prêts à affronter une autre tentative d’expulsion.
ALTERNATIVES PROPOSEES
Le Maire de Nairobi a promis lors d’une visite aux victimes qui étaient en train de reconstruire leurs abris, qu’ils ne seront pas expulsés une autre fois jusqu’à ce qu’une alternative soit trouvée. La Mairie a ordonné d’évaluer les dommages subis par les victimes et de fournir un rapport permettant leur indemnisation.
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Les autorités locales (la NCC)semblent avoir procédé aux expulsions sans avoir consulté les autres instances dirigeantes et sans avoir non plus à aucun moment proposé une alternative ou un relogement aux familles expulsées.
Le caractère particulièrement violent des expulsions condamne les responsables d’autant plus que ce n’est pas la première expulsion qui a eu lieu à Nairobi. Déjà en novembre et décembre 1990, environ 44 000 personnes furent violemment expulsées de chez elles par des bulldozers. Ce sont les communautés Kibagare, Kaptagat Road, Gigiri, Kileleshewa et Kwambu qui furent alors les victimes de ces démolitions.
Ont été consultées les dépêches AFP de Mai 1990.
Articles and files
HIC=HABITAT INTERNATIONAL COALITION, S.N. in. THE WEEKLY REVIEW, 1990/06/01 (KENYA)
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