español   français   english   português

dph is part of the Coredem
www.coredem.info

dialogues, proposals, stories for global citizenship

Diagnostic local de sécurité : écouter et apporter la parole des habitants. L’exemple de Sénart (France)

Christine AULAGNER

05 / 2000

Le sentiment d’insécurité est un des éléments les plus difficiles à appréhender alors qu’il a une incidence capitale dans la perception et le fonctionnement d’un lieu de vie.

La ville nouvelle de Sénart regroupe dix communes situées sur deux départements. C’est une ville en développement, elle est passée en vint-cinq ans de 25 000 à 93 000 habitants et prévoit, dans les quinze prochaines années, un accroissement démographique de 60 000 habitants. Comme d’autres villes nouvelles elle signera un contrat de ville en 2000 et bientôt un contrat intercommunal de sécurité. Elle a mis en place une démarche originale afin de recueillir la parole des habitants à ce sujet. Alain Grasset, directeur général adjoint du SAN (syndicat d’agglomération de la ville nouvelle), a eu l’initiative de cette démarche pour compléter le diagnostic local élaboré par l’IHESI (Institut des hautes études sur la sécurité intérieure).

L’écoute des habitants pour compléter le diagnostic local de sécurité

L’IHESI a combiné trois types de sources : recueil et analyse des faits statistiques depuis trois ans, enquête auprès des agents de proximité et représentants des principales institutions de la ville (avec un taux de réponse important, 900 pour 2500 questionnaires envoyés), constitution de quatre groupes de travail réunissant divers corps de métier afin de pointer les principaux constats et relever des préconisations sur quatre thèmes : habitat, transport, gens du voyage et prévention. Bien qu’assez complète, cette méthode laisse peu de place à "la parole des habitants" et ne permet pas de mesurer de façon très fine la prégnance du sentiment d’insécurité dans les quartiers.

D’où l’idée de réunions d’appartements pour aller à la rencontre du sentiment personnel d’insécurité et inscrire dans le contrat local de sécurité (CLS) des préconisations adaptées aux attentes et besoins des habitants. Entre février et juin 1999, 500 habitants - y compris des jeunes âgées de 15 à 20 ans - ont été rencontrés et écoutés au cours d’une cinquantaine de réunions en soirée. Ces rencontres étaient animées par un tandem composé d’un membre du personnel du SAN et d’un membre de la commune, plusieurs réunions de préparation, de formation ont eu lieu avant. Au total, une trentaine de professionnels volontaires aux compétences très diverses, sans pourtant être spécialistes de l’écoute ou de la sécurité, ont suivi ces réunions. Introduisant chaque réunion, un film de 30 minutes, intitulé "les peurs qu’on a... ou pas", présentait des propos d’hommes et de femmes "comme tout le monde" et invitait à prolonger ces propos, à les enrichir. On est dans l’ordre de la parole personnelle, mais partagée collectivement. Après la présentation du film et du CLS, la parole circulait facilement, le tandem se chargeait de la prise de notes pour recueillir un maximum de paroles brutes afin de pouvoir les restituer ensuite. Ces réunions d’appartements ont toutes duré plus de 3 heures dans une ambiance très conviviale.

Après l’écoute, exploitation, restitution, valorisation

Le diagnostic local de sécurité consacre 60 pages, sur 600, à la parole des habitants.

Les habitants d’une même commune ayant participé aux réunions d’appartement seront invités à se retrouver, dans un lieu public cette fois-ci, pour prendre connaissance du diagnostic local de sécurité dans lequel les résultats des réunions d’appartement ont été traité. Après la signature du CLS, les élus organiseront des réunions publiques pour rendre compte de leur choix.

Enfin, un "cahier" sera publié et diffusé à tous les participants, pour que "cette parole travaille autrement". Deux auteurs sont chargés de valoriser la parole des habitants en utilisant le matériau des comptes rendus. Un soin particulier est apporté à la forme, un petit livre, le recueil de textes devant donner envie aux acteurs de le conserver, de le consulter régulièrement. Cette première réalisation va se répéter tous les ans, sur des thèmes différents, pendant des périodes de 6 mois à un an.

Cette démarche s’inscrit dans le champ plus large du développement de la ville. L’objectif est d’appliquer ce type de consultation chaque année sur des thèmes différents de la vie sociale et d’aboutir à la création d’une télévision locale fondée sur la parole des habitants. La démarche n’a pas pour objectif de remplacer les dispositifs permanents de consultation mais au contraire de les alimenter, par exemple les comités de quartier qui ont tendance à s’essouffler.

Une démarche transférable sous certaines conditions

  • Le sentiment d’insécurité semble beaucoup plus fort pour les professionnels que pour les habitants. Après avoir dépassé les lieux communs, les échanges avec les habitants font apparaître que pour eux l’insécurité n’est pas une préoccupation première malgré ce que pensent beaucoup d’élus. D’où l’intérêt de diversifier les lieux d’écoute, ce qui prend du temps et demande de la durée, des relais dans le tissu local et s’éloigne de la démarche d’étude.

  • On applique une telle méthode quel que soit le contexte de la ville, pense Alain Grasset. Il en a fait l’expérience dans d’autres communes, y compris dans des zones rurales. Il s’agit d’une technique d’écoute des habitants qui peut être appliquée pour recueillir des informations sur n’importe quel thème. Il est vrai cependant que les habitants de Sénart ont choisi d’habiter la ville et que le taux de rotation est assez faible. Une telle démarche serait peut-être plus complexe à mettre en place dans un quartier sensible.

  • Une démarche d’écoute permanente aurait pour avantage d’intégrer des fonctionnements spontanés mis en place entre les habitants tels que la surveillance des maisons pendant les vacances plutôt que de répondre systématiquement par des dispositifs professionnels. En ce qui concerne l’articulation avec le CLS.

  • Cette démarche aboutit finalement à une économie puisqu’elle demande peu de moyens supplémentaires et repose entièrement sur le volontariat des personnels : ce dispositif contraignant apparaît plus économique et efficace que bien d’autres types d’enquêtes.

  • Conditions de réussite.

Une confiance forte de la part des élus. L’ancienneté de la structure porteuse (le syndicat intercommunal), le fort étayage local et l’implication volontaire des agents administratifs sans lesquels les réunions d’appartement n’auraient pu aboutir(à noter qu’ils ont ainsi développé des méthodes de travail communes et collectives).

Key words

democracy, inhabitant consultation, participation of inhabitants, public safety, urban policy, relationship between citizens and elected representative


, France, Sénart

Comments

La démarche a permis de dépasser le registre des doléances ou des revendications auxquelles les élus sont habitués. Elle redonne la parole à la "majorité silencieuse". Cependant, l’interprétation de la parole des habitants peut être dangereuse, démagogique surtout lorsqu’il s’agit d’aborder des questions qui soulèvent des enjeux politiques aussi importants que ceux liés à la sécurité.

Notes

Sur la démarche : voir fiches intitulées : Démocratie locale. L’exemple de Sénart (France) n°137 et 138.

Entretien avec GRASSET, Alain

Source

Internal document ; Resource person

CR¨DSU, Compte rendu de la rencontre du 20 décembre 1999, animateurs de prévention de la délinquance, chargés de mission CLS, CR¨DSU, 2000/01 (France)

CR DSU (Centre de Ressources sur le Développement Social Urbain) - 4 rue de Narvik, BP 8054, 69351 Lyon cedex 08, FRANCE. Tél. 33 (0)4 78 77 01 43 - Fax 33 (0)4 78 77 51 79 - France - www.crdsu.org - crdsu (@) free.fr

legal mentions