De l’écoute à la décision ?
03 / 2000
Du salon de la maison à la salle du conseil, c’est une démarche d’écoute de la parole des gens destinée à enrichir la participation des habitants dans les comités de quartier et à nourrir les décisions des conseils municipaux ou du conseil syndical. Cette démarche repose sur une conviction très forte. Elle se méfie des certitudes, des réponses connues avant même les questions, des questions formulées avant même les rencontres. L’humilité, la modestie en sont le guide car elles supposent un mode de pensée souple et complexe, qui redoute les systèmes trop simples, pétris de certitudes et de perspectives trop claires. Elle est plus incertaine, moins polémique, moins doctrinale. D’une certaine façon "plus rien ne va de soi". La fin des grands récits politiques, urbains, culturels, sociaux ouvre des espaces où la vie peut se faire entendre. C’est une chance à saisir.
Comment cette démarche répond donc à la question du passage de l’écoute à la décision ?
Méfions-nous des réponses univoques. Admettons que les pistes sont multiples. Indiquons-en quelques-unes pour ne pas conclure et laisser la recherche ouverte.
Le diagnostic lui-même est nourri de cette parole d’habitants : l’évaluation du sentiment d’insécurité, les préconisations sont pour une part importante le fruit de cette écoute.
Le contrat local de sécurité, son esprit, les fiches actions, élaborés par des professionnels liés à la démarche d’écoute, traduiront dans les faits l’esprit de participation qui s’est dégagé de ces rencontres.
La relation aux élus est multiforme : chaque compte rendu de rencontres à domicile (50 fois 6 pages en moyenne) a été lu par les maires des dix communes. De même le diagnostic qui consacre 60 pages sur 500 à l’analyse de cette parole.
Des réunions d’échanges ont eu et auront lieu entre des membres des tandems et des élus.
Un "cahier" restituant cette "parole d’habitants" est en chantier avec deux auteurs chargés de "lire" ces comptes rendus. Ce cahier, premier d’une série qui accompagnera chaque démarche d’écoute, sera donné aux habitants qui ont participé à ces soirées ainsi qu’à tous ceux, élus et professionnels, qui "font" la ville, soit à peu près 5 000 personnes. Il s’agit de valoriser cette parole nouvelle et de la faire "travailler" autrement.
Une télévision locale verra le jour le 1er janvier 2001. Cette parole d’habitants, au sens multiple, en sera le principe. Il s’agira d’un moment important pour la démarche car chaque foyer sera câblé gratuitement, c’est-à-dire plus de 30 000 familles.
Lors de ces rencontres, des liens se créent entre voisins qui pour beaucoup ne se connaissaient pas ou très peu. Des individualités se révèlent alors qui peuvent renouveler la vitalité des comités de quartier. C’est pourquoi il est important qu’un agent de chaque commune soit présent dans les tandems.
Dans chaque commune, des réunions ont eu lieu dans des lieux publics proches des quartiers. Ces réunions avaient pour objet principal de restituer aux habitants la forme selon laquelle leurs propos avaient été traités dans le diagnostic. Tous les professionnels ont relevé des retours extrêmement riches : "climat chaleureux, réconfortant" ; "les gens présents expriment leur satisfaction, notent l’honnêteté et le respect du contrat" ; "votre crédibilité a augmenté de 150 pour cent" ; "les habitants se déclarent tous très, très satisfaits qu’il y ait eu ce retour". Souvent les sujets ont été approfondis et en particulier sur la part qui peut être prise par les habitants sur le sentiment d’insécurité.
democracy, inhabitant consultation, participation of inhabitants, public safety, State and civil society, relationship between citizens and elected representative
, France, Sénart
La difficulté est de "faire passer la parole libre dans le moule de la décision". Les élus ont été demandeurs car ils étaient familiarisés avec la démarche et faisaient confiance à Alain Grasset, ce qui ne veut pas dire qu’ils adhèrent complètement aux conclusions du diagnostic et acceptent la restitution aux habitants (7 sur 10 ont accepté l’idée des "cahiers").
La question posée par ce type de large consultation est de savoir comment "intermédier" la parole recueillie, pour les élus notamment, car le risque d’interprétation démagogique existe. Mais on en a besoin car "les comités de quartier sont parfois moins représentatifs que le conseil municipal".
La recherche de solutions suppose d’abord d’être à l’écoute alors que maintenant tout est professionnalisé (A. Grasset cite l’exemple du doublement du budget de la culture, vieille revendication qui n’a pas pour autant contribué à "démocratiser" la culture). Parfois des solutions existent depuis longtemps mises en place par les gens de manière informelle, il s’agit alors de le savoir et d’être attentif pour trouver de nouveaux relais en cas de départ. Ainsi, "c’est moins pour des raisons démocratiques que pour des raisons d’efficacité de la vie politico-administrative que l’on consulte. Plus on consulte, moins on demande de moyens, à Sénart par exemple, les gens ne souhaitent pas d’effectifs policiers supplémentaires.
Cette fiche complète celle intitulée : Démocratie locale, l’exemple de Sénart (France) Du salon à la salle du conseil, écouter les ’gens de la moyenne’. On peut voir également la fiche sur démocratie locale et sécurité à Sénart (cette démarche appliquée au diagnostic local de sécurité).
Alain Grasset, Directeur de la médiation urbaine au syndicat d’agglomération nouvelle de Sénart-ville-nouvelle.
Le texte de cette fiche est établi à partir d’un article paru dans "les cahiers du DSU", n° 26 et du compte rendu de réunion des animateurs de prévention de la délinquance et des animateurs de contrats locaux de sécurité, 20 décembre 1999. CR¨DSU, Françoise Malbosc et Lucinda Dos Santos.
Interview ; Articles and files
GRASSET, Alain, CR¨DSU, De la "participation des habitants" au débat public. Refonder la démocratie. , CR¨DSU in. Les cahiers du DSU, 2000/03 (France), n° 26
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