Textes et photographies sur la jeunesse urbaine en France, entre exclusion et création
03 / 2001
Alain Vulbeau nous parle de la jeunesse que l’on trouve soit désespérée, soit désespérante.
Les « problèmes » forment la trame de la question juvénile. Mais l’auteur nous démontre que pour que les figures de la jeunesse émergent dans l’espace public, il est nécessaire de mesurer à quel point elles ont été radiées du quotidien et du symbolique.
La jeunesse a été mise « hors du jeu »: hors du jeu économique, hors du jeu civique, hors du jeu de la quotidienneté. Le terme de hors-jeu renvoie à la faute commise et sanctionnée.Cette situation est encore plus grave pour ceux qui sont le plus en difficulté.
Ce n’est pas seulement une mise sur la touche de la société: souvent des jeunes sont menacés de tomber dans un trou noir: relégation, abandon, oubli.
Ce non-sens se trouve dans la transformation du travail, mais pour ce qui est de la France, dans un choix politique de faire porter sur les jeunes les frais de cette transition.
Cette catégorie est actuellement la plus touchée par le chômage, la précarité et la flexibilité.
Différentes politiques ont contribué à faire naître un acteur particulier: le jeune des cités. Cette figure n’est pas seulement négative. On a vu apparaître plus discrètement « le bon jeune des cités »: le grand frère, le rappeur. Ces figures ont été produites par la transformation des conditions d’insertion des jeunes.
Les pouvoirs publics ont trop souvent raisonné en termes de complément de formation ou de périodes intermédiaires. Les entreprises ont profité des financements sans faire aboutir les projets. Les jeunes ne semblaient donc pas prêts à rentrer dans le système économique. Et ainsi est née l’idée d’une insuffisance du jeune qui empêchait son insertion. En plus, pour certains, se rajoutaient des lacunes sur le plan de la socialisation. D’où la complainte de"la perte des repères ». De plus la montée de la problématique sécuritaire et répressive, a renforcé le sentiment qu’il y avait un lien entre dangerosité des jeunes et inaptitude à l’insertion.
Alain Vulbeau pense qu’il faut réfléchir aux spécificités de la situation des jeunes sans oublier de connecter leurs problèmes à ceux des autres catégories sociales.
On doute des compétences des jeunes à être des acteurs pertinents tout en leur imposant d’intervenir et de se mobiliser sur leurs propres situations. Il y a une demande sociale d’intervention des jeunes, mais le climat sécuritaire ambiant produit une déligitimation de leurs capacités à prendre en charge leur sortie de la précarité.
Toutes ces difficultés sont traditionnellement prises en charge par les travailleurs sociaux. Il y a même une généralisation de la qualité de travailleurs sociaux (bénévoles associatifs, multiples petits boulots du social, nouveaux postes d’encadrement). Dans un certain renouvellement du travail social, on voit qu’il y a des jeunes censés avoir des qualités suffisantes pour intervenir sur d’autres jeunes alors que ces médiateurs sont des mêmes quartiers, dans des situations identiques à celles des jeunes à « problèmes ». Mais « le grand frère », « le graffeur », le « jeune citoyen » restent au stade de l’expérimentation. Leurs compétences sont reconnues mais ne sont dans aucun statut. Elles ne pourront l’être que par l’entrée dans les métiers de l’animation et du sport.
Les décideurs sont prêts à engranger les bénéfices politiques d’un apaisement des tensions locales grâce aux jeunes, mais à condition de ne pas changer l’image de la jeunesse qui reste dangereuse, insécurisante, civiquement et civilement immature. A une époque où l’on déplore la montée des incivilités, il serait nécessaire d’être plus attentif à des changements qui posent d’une façon apaisée les questions de lien social.
En effet, de multiples expérimentations sociales ont lieu dans des lieux divers. Chaque expérimentation sociale permet de poursuivre plusieurs objectifs: participation des habitants à la démocratie locale, convivialité des relations dans les quartiers, production de services collectifs.
Le caractère spécifique de l’expérimentation est l’évolution permanente, ce qui débouche rarement sur un modèle unique que l’on peut reproduire en série.
Pour faciliter la reconnaissance de ces expérimentations, on s’intéressera à la relation des jeunes avec l’espace public. Ce dernier peut être multiforme, mais il porte à chaque fois sur le manque et la recherche de parole. L’espace public devrait montrer sa capacité d’insertion. Malgré quelques recherches sociologiques, l’espace public reste « impensé » par les politiques publiques.
S’intéresser à l’espace public, c’est reconnaitre la jeunesse comme acteur collectif, succeptible d’opinions et de confrontation. Mais comment cette jeunesse peut-elle exister, être reconnue,s’engager, survivre dans un milieu qui ne lui dit pas clairement si elle existe socialement ou non ?
Tout le monde semble chercher la jeunesse: le photographe Yve Flatard, lui, l’a trouvée. Tout près, dans les cités, à nos portes. Il a su révéler des jeunes énergiques et fragiles, déterminés et précaires.
Tous ses reportages montrent comment des projets permettent de sortir de l’impasse, prouver sa valeur et entrer dans l’espace public. Tous ces jeunes sont là, de notre monde. Ils montrent leur vitalité, leur force de création, leur capacité à vivre positivement.
Ce qui compte n’est pas toujours le but final, mais c’est le fait que les jeunes aient pu construire leurs projets, s’y épanouir, travailler collectivement, s’engager. On ressent la richesse de leur diversité, de leur détermination et de leur devenir.
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, France
Quand, pour certains, jeune rime avec délinquance, il est intéressant d’apprendre qu’il existe en banlieue, dans des cités, des jeunes qui s’activent, qui s’organisent, qui montent des projets ! !
Book
VULBEAU, Alain, FLATARD, Yves, Vital Cités, Castor&Pollux, 2000 (France), 100 p.
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