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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Des goûts et des valeurs

Ce qui préoccupe les habitants de la planète : enquête sur l’unité et la diversité culturelles

Pierre Yves GUIHENEUF

01 / 2002

Autour d’André Lévesque, le Centre d’études et de recherches sociologiques (CERS), association de chercheurs indépendants, expérimente des méthodes permettant à des partenaires partageant des vues différentes de conduire des projets communs. Il s’intéresse à ce qui, au-delà des différences, réunit les hommes. A l’issue de séminaires organisés en France à partir de problèmes quotidiens, il a dégagé des couples de concepts opposés, à partir desquels s’articule la pensée : être/avoir, liberté/contrainte, un/multiple, bien/mal, moi/autre, etc. Ces dualités sont connues de la philosophie depuis des siècles, mais ces couples présentent-ils un caractère d’universalité ? Ces "carrefours" qui structurent les choix individuels et sous-tendent les valeurs fondamentales de chacun sont-ils les mêmes dans différentes cultures ? Pour répondre à cette question, des séminaires ont été organisés en 1995 et 1996 en Inde, au Brésil, au Burkina Faso, au Japon et en Chine.

La démarche est la suivante : un petit groupe de volontaires est invité à réfléchir à partir des problèmes quotidiens ou de questions fondamentales, d’abord en les formulant sous forme de questions, puis en associant chacun d’eux à des couples de mots résumant la tension en jeu. Par exemple, la question : "Comment arriver au dialogue avec les autres ? " renvoie à la dualité "moi/l’autre".

En Inde, des dualités comme liberté/contrainte, bien/mal ou mobile/immobile sont aussi communes aux autres pays, mais des spécificités apparaissent qui renvoient à la structure de la société, notamment aux castes : holisme/individualisme, égalité/hiérarchie. Au Brésil, les spécificités renvoient à la montée de l’individualisme et de la violence. Au Burkina Faso, outre les dualismes "universels", sont apparues des questions sur les modèles de développement et sur les rapports entre politique et morale. Les Chinois, maîtres dans l’art d’opposer les contraires, ont pourtant établis des couples "décalés" par rapport aux autres pays (pouvoir/argent, guerre/paix) et proposent des manières de les articuler différentes des Occidentaux, ce qui semble marquer de fortes différences dans les façons de penser. Au Japon, les discussions sont marquées par la place de l’individu dans la société.

En résumé, deux valeurs sont affirmées par tous : la suprématie du bien sur le mal et de la justice sur l’injustice. Mais que met-on derrière ces termes ? Il n’existe pas véritablement de valeurs universelles, mais "des relations universelles, des dualités qui représentent deux possibilités pour deux actualisations différentes dans des valeurs ou des priorités contrastées". Il y a des différences entre les sociétés, mais elles brodent sur un fond commun.

Key words

cultural pluralism, system of values, research, cultural development, sociology


, Brazil, Burkina Faso, India, China, Japan,

Comments

Cet exercice intellectuel pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. On est d’abord frappé par l’importance du dispositif mis en place et - au final - par le fait qu’il débouche sur des propos assez convenus (un fond commun réunit tous les hommes, leurs différences les enrichissent) et peu de pistes opérationnelles.

Il faut dire que le dispositif méthodologique comporte des biais importants, notamment à cause de l’arbitraire du choix des participants (pourquoi avoir sollicité des étudiants au Japon et des paysans au Burkina et non pas l’inverse ? ) et le choix des séminaires au cours desquels on crée une situation expérimentale quelque peu artificielle (pourquoi ne pas s’intéresser aux thèmes abordés dans la presse, la littérature ou le droit et aux façons de les traiter ? Pourquoi ne pas évoquer d’expériences de relations inter-culturelles, de transferts de savoirs, de personnes bi-culturelles ? ). Enfin, le fait que l’interprétation des résultats soit faite par des Occidentaux et ne résulte que peu d’une démarche collective pose des questions sur les présupposés qui guident leur analyse.

Finalement, deux interrogations principales naissent de la lecture de cet ouvrage :

1) est-il bien raisonnable d’utiliser une méthode visant à dépasser des conflits et à trouver des "principes supérieurs" qui réconcilient des personnes vivant des situations similaires, pour dégager des valeurs ou des modes de pensée communs à des sociétés ? Autrement dit, peut-on confier à une démarche de concertation et d’animation de groupes comme il en existe bien d’autres la tâche délicate de dégager des vérités philosophiques ? On se demande si la question initiale était bien à la portée du dispositif choisi.

2) d’où nous vient cette fascination de l’universel et à quoi renvoie-t-elle dans notre propre histoire et dans notre culture ? N’y a-t-il pas d’autres moyens de réfléchir plus simplement et plus efficacement sur le "comment faire ensemble" que de chercher un plus petit dénominateur commun qui apparaît, au terme de cette enquête, comme particulièrement réduit et bien abstrait ?

Source

Book

LEVESQUE, Georges, Des goûts et des valeurs, C.L. Mayer in. Dossier pour un débat, 1999 (FRANCE), 93, 130 p.

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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