Pour de nouvelles formes de financement solidaire : l’expérience de France Active
01 / 2002
N° 1 français de l’électroménager reconditionné, le Groupe Envie emploie 478 personnes dans une trentaine d’entreprises qui récupèrent, remettent en état et revendent des réfrigérateurs, des machines à laver et des cuisinières. M. Chauvin, après avoir travaillé une quinzaine d’années dans le bâtiment et connu une période de chômage, s’est lancé dans l’élevage et la préparation d’escargots qu’il commercialise chez lui, sur les marchés et auprès des commerçants spécialisés de sa région. Constantin Azoumé, jeune toulousain d’origine béninoise, a créé Antéa, une centrale d’appel téléphonique qui a démarré son activité avec 15 salariés en 1996 et en emploie 120 cinq ans plus tard.
Le point commun de ces entreprises ne réside pas seulement dans leur dynamisme. Elles ont toutes été créées par des personnes en difficulté grâce à une aide financière et un appui de l’association France Active. Ce ne sont que quelques exemples des histoires à succès citées dans ce livre et qui partagent pour la plupart une autre caractéristique : employer des personnes rejettées par le marché du travail, à l’image du groupe Envie dont 390 employés (sur 478 au total) étaient en insertion en 2000.
France Active n’est pas un donateur, même si l’association fait largement appel à des bénévoles : elle facilite l’accès des créateurs d’entreprises à des financements conventionnels, aux aides publiques ou à des prêts d’organismes solidaires, notamment en offrant sa garantie. Elle opère la jonction entre des banquiers trop méfiants et des créateurs souvent talentueux mais inhibés et allergiques au port de la cravate. Elle aide chaque candidat à la création d’entreprise à réfléchir son projet, à le consolider et à le présenter. Une fois le projet validé, les échecs sont limités : de l’ordre de 20 pour cent. Grâce à son action, en 10 ans, 300 MF (46 millions d’euros) de crédits ont créé ou consolidé 35 000 emplois.
Créée en 1998 par des partenaires réunis par la Fondation de France (la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit coopératif, le CCFD, la Cimade, etc.), France Active a pour vocation de lutter contre l’exclusion en soutenant des projets porteurs d’emplois créés par (ou pour) des personnes rejetées par le marché du travail. Pour plus de la moitié d’entre elles, ce sont des RMIstes, des chômeurs de longue durée, des jeunes sans emplois. Son défi : traiter, avec les outils du capitalisme et de façon entrepreneuriale, des projets inspirés par la solidarité.
France Active ne fait pas qu’opérer à la marge du système classique. En jouant un rôle d’intermédiaire auprès des grands groupes de l’industrie et de la distribution, en suscitant la participation d’actionnaires publics et privés dans sa société d’investissement de capital risque, elle invite les chefs d’entreprises, les collectivités et les pouvoirs publics à reconnaître les retombées économiques et sociales de l’engagement citoyen. Les structures d’insertion par l’économique élargissent et professionnalisent une main d’oeuvre souvent indisponible dans le secteur du bâtiment ou de la restauration, elles répondent à des besoins émergents dans la société, elles créent du lien social et apaisent les tensions, elles ouvrent de nouvelles voies, à l’instar du groupe Envie (créé avec l’aide conjointe de Darty et d’Emmaüs) qui s’est lancé dans le recyclage, une activité qui intéresse désormais les grands groupes industriels.
Il y aurait danger à vouloir faire vivre à l’écart de l’économie générale ce "tiers secteur" qui constituerait une sorte de second choix, moins bien payé, du capitalisme. La question est plutôt de savoir comment les entreprises solidaires peuvent trouver leur place dans l’économie, dégager une utilité spécifique et questionner les valeurs actuelles ou les principes d’excellence les plus répandus : technologie, marketing et lois du marché... Cela ne guérira pas les maux d’une société inégalitaire, ni n’adoucira les comportements agressifs des groupes mondiaux en compétition, mais cela peut contribuer à bâtir des contre-pouvoirs et des métissages qui permettront à la société de progresser dans la maîtrise de l’exclusion.
fight against exclusion, project creation, company creation, job creation, unemployed person, economic initiative, economic solidarity
, France
Claude Alphandéry, résistant à 18 ans dans les maquis de la Drôme, puis haut fonctionnaire et banquier, est surtout un grand humaniste. Ce militant infatigable a présidé France Active pendant dix ans et a largement contribué à en consolider le projet. Il s’efface modestement dans cet ouvrage et laisse la parole à de nombreux responsables et partenaires de l’association, ce qui donne un aperçu du capital d’expérience et de savoir-faire détenu par les organismes de lutte contre l’exclusion, de leur souci de professionnalisme, de leur ouverture revendiquée envers les projets innovants. Non pas manuel à l’usage des professionnels (d’autres ouvrages de ce type existent dans cette collection), ce petit livre retrace des itinéraires, pose des questions, réaffirme une ambition.
Book
ALPHANDERY Claude, De la galère à l'entreprise, C.L. Mayer in. Dossier pour un débat, 2002 (FRANCE), 120, 115 p.
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr