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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Suivi individuel d’apprenants, la nécessaire formation des bénévoles

Henriette NALLET

03 / 1999

Le quartier de l’Abbaye à Grenoble, au sud de la ville, est un quartier qui mêle des populations différentes comme l’indique la diversité des habitats : pavillons et immeubles de standing au nord, habitat social et logements locatifs au sud. Le quartier est marqué par la forte implantation d’une population d’origine gitane puisqu’il regroupe la plus importante communauté sédentarisée du département. Cette identité gitane constitue parfois un obstacle à l’apprentissage du fait de la prégnance d’une culture orale mal reconnue dans l’institution scolaire.

Le LEFOP (Lieu d’Etude et de FOrmation Personnalisée) est né ici, il y a 12 ans. Des travailleurs sociaux cherchaient comment accompagner vers l’apprentissage, ou la formation, des jeunes adultes en rupture avec le monde scolaire.

Le choix d’un suivi individuel par des bénévoles a été fait au vu de la culture gitane mais aussi pour éviter de replacer ces jeunes dans un fonctionnement de groupe susceptible de leur rappeler l’école. En effet, leur expérience scolaire est marquée par des sentiments d’humiliation et de rejet. Les bénéficiaires sont sensibles à l’intérêt qui leur est porté, contrairement à l’école où "on ne les entendait pas", le suivi individuel est valorisant "si quelqu’un vient gratuitement pour moi c’est que j’en vaux la peine".

Pour les travailleurs sociaux, l’appel à des bénévoles était également un moyen d’instaurer une certaine dynamique dans le quartier. Mais ce bénévolat entraîne d’autres interrogations : Comment savoir ce qui se passe dans l’intimité du binôme ? Comment s’assurer des méthodes pédagogiques employées ? Comment sélectionner les bénévoles ? Comment les bénévoles vont-ils accepter de se remettre en cause et d’imaginer un apprentissage différent de celui qu’ils ont reçu ?

Dès le lancement du LEFOP, un certain nombre de questions ont été réfléchies et différentes solutions imaginées. Le partenariat avec les travailleurs sociaux est un premier garde-fou.

En effet, les bénéficiaires du LEFOP sont orientés par les travailleurs sociaux du quartier qui les aide à préciser leur demande. Ces demandes sont très diverses, de la mère de famille qui aimerait suivre la scolarité de ses enfants, au jeune qui veut passer le code de la route ou faire un peu de bachotage avant un examen, ou celui qui veut apprendre à lire l’heure mais qui par la suite exprimera son désir d’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Le rôle des travailleurs sociaux consiste à évaluer le type d’accompagnement nécessaire afin que les bénévoles sachent, dans la mesure du possible, vers quoi ils s’engagent, quel type d’accompagnement, quelle durée. Globalement, même si certains accompagnements s’étalent sur plusieurs années, le LEFOP a surtout comme objectif d’aider la personne à ré-émerger à travers la relation, permettre une remise en route qui la mènera parfois vers un centre de formation.

Au début de l’accompagnement, une fois la mise en relation faite par l’intermédiaire du travailleur social, un contrat entre le tuteur et l’apprenant est signé. Il explicite les motivations, les modalités. Une échéance est fixée pour évaluer le travail effectué en présence du travailleur social. Bénévole et apprenant s’organisent en fonction de leur disponibilité pour une ou deux séances hebdomadaires. Plus tard, les travailleurs sociaux pourront aussi transmettre en retour ce que l’apprenant exprime concernant l’accompagnement, des paroles importantes pour que les bénévoles puissent évaluer leurs interventions.

Parallèlement, le bénévole s’engage à participer aux réunions d’équipe, une fois par semaine, hors vacances scolaires. Des réunions consacrées alternativement à des questions de fonctionnement ou à une supervision.

Pour cette supervision, les bénévoles sont accompagnés par une psychologue. Ensemble, ils réfléchissent à leurs pratiques, analysent les situations difficiles. C’est important pour prendre conscience de la difficulté de la relation en binôme, de l’engagement personnel et des attentes que chacun met dans cette relation, de la position des bénévoles, de la remise en cause que provoque la confrontation avec des différences de cultures ou de milieux.

Les 16 bénévoles actuels du LEFOP sont des mères de familles, des étudiants, une comptable, une formatrice, une infirmière, d’anciens profs. Pas facile de faire de l’enseignement sans s’attacher aux erreurs mais en s’appuyant sur les écrits personnels, comprendre que l’urgence c’est avant tout de libérer l’expression plutôt que de s’attacher aux règles grammaticales. Pas facile de ne pas trop prendre sur soi quand la relation dérape, quand l’absentéisme augmente, comprendre sa propre déception mais aussi les empêchements concrets ou psychiques que créent la situation d’apprentissage. Pas facile d’être dans une relation d’aide quand on venait pour donner un coup de main, partager ses compétences

Ces réunions de partage permettent de comprendre ce qui se passe à l’intérieur des binômes. Ces réunions forment aussi un sas d’entrée dans l’association pour les nouveaux bénévoles. Ainsi, ils découvrent les questions liées à cet engagement avant de commencer un accompagnement. Ils découvrent le travail d’équipe et se font connaître.

Une autre exigence est posée aux bénévoles : celle de la formation. Le LEFOP essaie de faire intervenir, une à deux fois par trimestre, des personnes extérieures pour des réflexions sur les techniques d’apprentissages, la mémoire, la dyslexie ou l’informatique selon les préoccupations soulevées en réunion d’équipe Et puis, le partenariat avec le Centre Ressources Illettrisme ou le Centre Social permet d’être informé et de participer à des formations organisées dans l’agglomération ou à des échanges de pratiques.

Key words

fight against exclusion, social worker, training, self evaluation, partnership, popular education, guidance


, France, Isère, Grenoble

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Ces exigences de formation et de réflexion collective sont des gages de qualité pour le travail effectué avec les apprenants. Mais elles ont aussi un rôle essentiel pour que le partenariat avec les professionnels du secteur se construisent dans la confiance. Au LEFOP dès la création par des travailleurs sociaux ces questions de collaboration professionnels / bénévoles ont été réfléchies. Avec le temps, il a été mille fois prouvé que ce travail en commun donne sa cohérence à l’action.

Notes

Contact : Christelle Chavand, Coordinatrice de l’action, LEFOP, Centre Social de l’Abbaye, 38100 Grenoble.

Entretien avec CHAVAND, Christelle

Source

Interview

(France)

IRIS (Isère Relais Illettrismes) - Le Patio - 97 galerie de l’Arlequin, 38100 Grenoble, FRANCE - Tél / Fax : 04 76 40 16 00 - France - www.cri38-iris.fr - cri38.iris (@) wanadoo.fr

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