Si l’ONU est faible, l’OMC et le FMI sont puissants. Un rééquilibrage de leurs rôles s’impose pour assurer le développement des pays pauvres
05 / 2002
Pierre-Alain Muet est économiste et député-maire de Lyon. Pour lui, "le système des institutions internationales est en déséquilibre : certaines, comme l’Organisation des Nations unies (ONU), dont fait partie l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), sont faibles, tandis que d’autres, dont le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale, et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)", sont fortes. Le qualificatif "faible" qu’emploie Monsieur Muet est à comprendre dans le sens du pouvoir relatif que peut exercer l’institution sur les Etats. L’ONU est financée par les cotisations des Etats membres et par des dons ; et en son sein, la prise de décision obéit au principe "un pays égale une voix", de sorte qu’elle reflète la position moyenne de tous. Mais voyons de plus près ce qui fait la force des institutions dites "fortes" pour comprendre l’idée centrale soutenue par Pierre-Alain Muet. Le FMI et la Banque Mondiale fonctionnent en tandem, un Etat devant d’abord être membre du FMI pour bénéficier des prêts de la Banque Mondiale. Ces deux institutions sont généralement les principaux partenaires du développement des pays du Sud. Leurs ressources financières sont plus importantes et plus diversifiées que celles de l’ONU ; elles sont constituées par des fonds propres alimentés principalement par les quotes-parts versées par les Etats. A ces quotes-parts s’ajoutent les intérêts payés par les débiteurs sur les emprunts, et la rémunération des placements qu’elles effectuent sur les marchés financiers. Le poids de chaque pays dans la prise de décision n’est plus déterminé par le principe "un pays égale une voix", mais en fonction de sa quote-part. Dès lors, le rapport de force entre les membres est inégalitaire.
Examinons maintenant l’accès à l’aide : l’accès à l’aide du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) par les membres de l’ONU n’est conditionné à l’application d’aucune mesure particulière. En revanche, l’accès à l’aide du FMI et de la Banque Mondiale est assorti de l’application obligatoire, par le pays débiteur, de mesures économiques visant à créer et/ou à renforcer l’économie de marché. En outre, les critères d’attribution des prêts sont quasi-exclusivement économiques, cette aide ne saurait rendre compte de tous les besoins auxquels les sociétés demandeurs sont confrontées (notamment la santé et l’éducation). Ces failles dans le fonctionnement de l’aide au développement appellent donc à un rééquilibrage du système actuel. Comment procéder ? Pierre-Alain Muet fait une série de propositions concrètes. Au préalable, il précise que la démocratie n’existe pas à l’échelle du monde. Ensuite, il affirme qu’il convient de renforcer les institutions faibles. Pour cela, il suggère de :
- hiérarchiser les institutions, en donnant davantage de poids à l’ONU,
- imposer à l’OMC de se référer aux institutions techniques de l’ONU dans des différends ne relevant pas de sa compétence : par exemple, l’OMS doit être consultée pour les différends relatifs au domaine de la santé,
- assurer une représentation de la société civile (au travers, notamment, des organisations non-gouvernementales) dans son triple rôle de surveillance, de force de proposition, de capacité d’expertise.
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L’originalité des propositions de Pierre-Alain Muet réside dans sa force à dépasser la simple position du "pour ou contre" les grandes institutions économiques internationales. Il existe une chance conséquente pour que ses propositions se concrétisent, car leur caractère réaliste prend en compte l’aspiration de franges grandissantes de la population mondiale, sans remettre en cause les missions fondamentales assignées aux institutions.
Fiche réalisée lors de la rencontre internationale "Dialogues pour la Terre", à Lyon, du 21 au 23 février 2002. Pierre-Alain Muet a participé aux débats de la table ronde "Institutions économiques internationales" de cette rencontre. Autre contact : Secrétariat de Green Cross International - 31 rue Ferrandière, 69002 Lyon - Tel 04 72 41 72 65 - Fax 04 72 41 73 37 - gci.lyon@wanadoo.fr - www.earthdialogues.org
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