La valorisation des déchets ménagers dans l’agglomération lilloise
05 / 2002
Jusqu’au début des années 1990, l’odeur nauséabonde, la pollution gazeuse et la nuisance sonore des décharges d’ordures ménagères perturbent le cadre de vie de nombreux habitants de l’agglomération lilloise. Il semble pourtant que la mise en décharge pourrait être évitée et remplacée par d’autres moyens de destruction des déchets. En effet, des directives européennes et la préparation de la loi française de 1992 font du tri et de la collecte sélective des déchets une priorité en matière de préservation de l’environnement. En 1991, à l’initiative d’un collectif d’élus de l’agglomération (87 communes), un forum de discussion sur la valorisation des déchets est ouvert aux citoyens. Des associations écologistes prônent une meilleure sélection des déchets et la suppression des décharges à proximité des habitations. D’autres réclament la mise à disposition par les municipalités de poubelles différenciées. De cette consultation naît un plan d’action mis en place par les services de la communauté urbaine de Lille, et accompagné d’une politique de communication importante autour du slogan : "Jeter moins, trier plus, traiter mieux !"
1. Jeter moins. "Dans une société où l’on jette de plus en plus, une organisation individuelle et collective est indispensable", déclare Monsieur Denys, des services opérationnels de la communauté urbaine de Lille. D’une part, une incitation importante à la réutilisation du papier, du plastique et du bois est réalisée auprès des habitants. D’autre part, les pouvoirs publics agissent auprès des industriels pour qu’ils réduisent les emballages et créent des circuits de récupération de ces emballages. Le secteur de la grande distribution a été sensible au message, mais la plupart des entreprises invoquent des contraintes financières qui les empêchent d’évoluer dans ce sens.
2. Trier plus. Là encore, l’approche est globale. Non seulement le gaspillage des déchets doit être évité, mais également celui de l’eau, de l’électricité et autres sources d’énergie. Embauchés par les collectivités locales ou des entreprises publiques comme EDF, des "ambassadeurs de tri" effectuent du porte à porte et informent les habitants sur les méthodes de tri et d’économie d’énergie. "Les résultats sont positifs, mais il existe un blocage important au tri des déchets organiques", constate Monsieur Denys. Selon lui, tant que les cuisines ménagères ne disposeront pas de double bac (l’un pour les papiers et emballages, l’autre pour les épluchures), la conscientisation des citoyens sera difficile. Les progrès sont tout de même considérables. Déjà, 78 des 87 communes de l’agglomération lilloise ont mis à disposition des riverains des poubelles différenciées. 600 000 habitants sur un million ont la possibilité de trier. Toutefois, notons que les trois plus importantes communes de l’agglomération : Lille, Roubaix, Tourcoing, n’ont pas reçu cet équipement.
3. Traiter mieux. Après de longues négociations, Halluin, une commune de la proche banlieue lilloise, accepte la construction d’une usine d’incinération sur son territoire. A ses côtés, un centre de valorisation énergétique est créé, faisant du site une véritable plate-forme d’économie et développement. Celle-ci fonctionne en partie sur le schéma de l’économie solidaire. La quasi totalité de ses employés sont d’anciens chômeurs de longue durée, formés et embauchés pour une durée de douze mois. La majorité d’entre eux retrouve ensuite un emploi.
Pour conclure, remarquons que l’installation de dix-sept déchetteries avait été votée pour couvrir l’ensemble du territoire de l’agglomération, mais que seuls cinq sont aujourd’hui en fonctionnement. Le centre de valorisation organique, l’usine Triselec, située près de Dunkerque, reçoit les déchets "valorisants" comme le papier et le plastique. Le gisement est aujourd’hui estimé à 100 000 tonnes. Cependant, un autre centre, situ’ au port de Lille, ne traite que 9 000 tonnes sur 80 000 en attente.
urban waste, urban policy, waste processing
, France, Métropole Lilloise
Dix ans après, le bilan de l’opération de tri sélectif dans l’agglomération lilloise est nuancé. La volonté d’entreprendre une démarche globale est pertinente et l’on remarque à quel point l’association des différents acteurs locaux : habitants, élus, entreprises locales, associations, a été fondamentale. La politique de sensibilisation des citoyens est une réussite. La sélection et le tri des déchets ont été source d’emplois. Pourtant, le plan d’action n’obtient pas tous les résultats escomptés. D’un point de vue économique, les centres d’incinération et autres usines de valorisation des déchets ne sont que très faiblement bénéficiaires. Les blocages politiques empêchent la mise en place de déchetteries à proximité (moins de dix minutes en voiture) des lieux d’habitations. Et l’équipement en poubelles différenciées des grosses zones urbaines se fait toujours attendre. Ainsi, les collectes mensuelles d’objets encombrants sont maintenues alors qu’elles découragent les habitants à trier leurs gros déchets. Dans sa phase d’évaluation, le plan "valorisation des déchets" tire de nombreux enseignements. Il pourra inspirer d’autres agglomérations et les conseillers afin d’éviter la reproduction des mêmes erreurs.
Cette fiche a été réalisée lors de la rencontre internationale "Dialogues pour la Terre", à Lyon, du 21 au 23 février 2002.
Entretien avec DENYS, Jean-Pierre, Direction générale des service opérationnels, mission inter-services des responsabilités environnementales, communauté urbaine de Lille, 1 rue de Ballon, BP 749, 59034 Lille Cedex - Tel 03 20 21 37 84 - Fax 03 20 21 29 49 - jpdenys@cudl-lille.fr
Interview