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Les défaillances de l’Etat en matière de santé publique

Les politiques publiques sont prises en tenaille entre les pressions extérieures et les blocages internes

Delphine ASTIER

05 / 2001

Personne, pas même les libéraux, ne conteste le rôle que doit jouer l’Etat en ce qui concerne la santé. La santé ne peut pas être gérée au niveau individuel ; tout comme l’éducation, elle fait partie d’un bien-être social qui doit être pris en charge collectivement. Seul le secteur public peut assumer le rôle de régulateur - par exemple l’enregistrement et la gestion des médicaments par des organismes agréés, la réglementation du secteur privé et du corps médical - et de contrôle de l’économie de la santé.

Pourtant, dans la pratique, la santé est un secteur très mal géré dans les pays en voie de développement : faiblesse des Etats, manque de moyens financiers, administrations incompétentes, structures trop rigides, centralisation paralysante, priorité donnée aux dépenses militaires et de prestige au détriment des dépenses sociales... Tous ces facteurs expliquent l’incapacité des Etats à assurer leur fonction de garant de la santé publique.

Au Sénégal par exemple, les lourdeurs administratives ont pour conséquence l’inefficacité des politiques de santé. La centralisation est extrêmement forte - le budget des hôpitaux, par exemple, est voté par le parlement - et les acteurs locaux ont peu de pouvoir ; le poids excessif de l’administration fait qu’il y a une confusion entre la gestion des hôpitaux et l’exercice médical, entre l’administratif, le scientifique et le politique.

"L’initiative de Bamako", qui a été menée au Mali dans les années 70, a constitué une expérience pionnière, dont le but était de remédier à ce centralisme excessif. Des centres de santé en milieu rural ont été créés ; en effet les grands centres hospitaliers ne fonctionnent pas comme ils devraient et sont plus le fruit de la démagogie que de l’efficacité. De plus, un système de recouvrement des coûts par paiement des usagers a été mis en place. Cet exemple montre que même dans un service public, il faut trouver des systèmes de prise en charge collective des coûts.

Le Bangladesh a également connu une politique très volontariste en ce qui concerne l’organisation des soins - avec les centres de santé populaire- ainsi que le contrôle et la production de médicaments.

En ce qui concerne l’accès aux médicaments, autre volet des politiques de santé, les pays du Sud sont en but aux pressions exercées par les grands groupes pharmaceutiques, secteur aux enjeux financiers gigantesques ainsi qu’aux règles édictées par l’OMC. La commercialisation des médicaments est en effet soumise à des brevets (d’une durée de vingt ans) protégeant le titulaire qui peut empêcher quiconque de fabriquer, vendre ou acheter le produit protégé. Cette clause relève d’un accord de l’OMC datant de 1995, celui sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au commerce (APIC).

Cet accord prévoit des exceptions avec les "licences obligatoires" : un pays peut donner à une entreprise le droit d’exploiter un brevet détenu par une autre entreprise, sous certaines conditions assez limitatives. En particulier, l’utilisation de ces brevets devra être autorisée principalement pour l’approvisionnement du marché intérieur. Les pays du Sud ont jusqu’à 2005 pour mettre leur législation en conformité avec les règles de l’OMC.

Ce système juridique est conçu par le Nord et faire valoir ses droits suppose une compétence de la part des Etats. Or les Etats du Sud manquent d’experts et de cadres juridiques pour connaître les rouages d’un tel système, pour savoir quand ils sont en droit d’exiger une licence obligatoire...

Dans ce domaine, l’Inde et l’Argentine, qui ont des experts en droit international et en brevets, font figure d’exception.

Key words

health service, medicinal drug, pharmaceutical industry, health system


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Comments

Certains pays produisent localement des médicaments génériques, notamment l’AZT (un antisida) : c’est le cas de l’Inde, du Brésil, de la Thaïlande. Mais les Etats-Unis, la Banque Mondiale ainsi que les lobbies pharmaceutiques font pression pour que les pays du Sud ne produisent pas de médicaments à plus bas prix. Mais l’issue du procès en Afrique du Sud (avril 2001) qui a donné raison à la production de médicaments génériques a montré que la santé devait être prioritaire par rapport aux intérêts économiques.

Notes

Fiche rédigée par Delphine Astier (5 rue Boisset, 38000 Grenoble - Tél : (33) (0)4 76 43 39 72 / 06 76 84 96 02 - delphine.astier@ifrance.com) dans le cadre de la préparation de l’atelier Etat et développement de l’Alliance pour un monde responsable, solidaire et pluriel. Pour plus d’informations, on peut consulter le site : www.alliance21.org/fr/themes/pol-dev.htm.

Entretien avec DUMOULIN, Jérôme (IREPD).

Source

Interview

FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - France - www.fph.ch - paris (@) fph.fr

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