Développement des compétences et insertion dans la plasturgie
10 / 2001
Compte tenu des évolutions technologiques et du niveau d’exigence qualité requis, la plasturgie sait qu’elle doit évoluer en profondeur pour rester compétitive. Un défi difficile à relever pour une profession composée majoritairement de personnels peu qualifiés, environ
60 pour cent, et que l’on sentait peu à peu arriver à la limite de son seuil d’auto-formation. Pour éviter les licenciements de "permutation", il fallait former et former de manière conséquente de nombreux opérateurs. La profession cherche donc à se doter des outils et des moyens nécessaires pour enclencher la mécanique formatrice à grande échelle.
Après avoir identifié en 1992 ce que recouvre la notion de bas niveau de qualification et repéré les besoins communs une méthodologie de référence baptisée A.D.C : Action Développement des Compétences est mise au point. C’est une formation générale avec remise à niveau technique. Une ouverture sur l’entreprise est faite sous forme de parcours individualisé en prenant compte de l’évolution du poste de travail.
Parallèlement et pour ne pas pénaliser la production durant la période de requalification des salariés qui se déroule sur deux ans, l’opération est doublée d’un second volet visant à former à ces mêmes compétences une équipe de stagiaires remplaçants, chômeurs de longue durée ou jeunes de bas niveau de qualification, préselectionnés par l’agence nationale pour l’emploi. Ils bénéficient d’une formation en alternance qui comprend d’une part 300 heures en centre de formation autour de trois axes : le développement de soi, les techniques transversales, les techniques de plasturgie, d’autre part, 500 heures dans l’entreprise accompagnées par des tuteurs préalablement formés.
Au bout de six mois, un jury décerne ou non le certificat ADC, reconnu par l’ensemble de la profession. Ils sont alors opérationnels pour le remplacement et recrutés par l’entreprise en CIE : Contrat d’Insertion en Entreprise pour 18 mois. Cette formation directement suivie d’une expérience professionnelle leur permet de retrouver rapidement un emploi.
Initié sur le bassin d’Oyonnax, en 1991, ce dispositif a concerné huit entreprises de taille moyenne, de technologies différentes et souvent concurrentes. 8 000 ouvriers ont bénéficié sur 3 ans de 260 heures de formation pendant que 250 demandeurs d’emploi se formaient en alternance. Au terme de l’opération, 70 pour cent d’entre eux ont retrouvé un emploi.
L’opération ADC a été mise en place dans le Nord en 1996. 9 entreprises se sont engagées : Allibert à Auchel et Marles, Batiss Plastiques et Nutri Pack à Flines les Raches, Namkey et Nordplast à Lens, Jockey à Noeux les mines, Malip à Tourcoing et Rémy à Saultrain. Elles ont formé 1 030 salariés et recruté 145 demandeurs d’emploi, dont 136 opérateurs et 9 chefs d’équipe. Parmi eux, 100 opérateurs ont obtenu leur certificat ADC, 70 ont été définitivement recrutés par les entreprises, 20 sont fréquemment appelés pour des missions intérimaires.
La force et l’originalité de cette action sont dans l’approche collective du problème qui permet de développer des moyens qui ne sont pas à la portée d’une entreprise seule. Cette initiative permet de diminuer les coûts et d’avoir plus de poids par rapport aux financeurs et décideurs. C’est un effort considérable pour l’entreprise qui consacre 10 pour cent de la masse salariale à la formation. Malgré la complexité de mise en place, les contraintes de la production et les lourdeurs administratives, l’opération peut-être considérée comme une réussite. Le taux de non qualifiés dans le secteur est tombé de 70 à 42 pour cent. La productivité et la qualité se sont améliorées alors que le taux de rebut de réclamation et d’absentéisme diminuent. La formation qui est multi-entreprises donne une grande employabilité aux stagiaires. Grâce à ce dispositif, les entreprises ont été encouragées à réaliser des embauches. Les freins habituels au recrutement qui justifient la frilosité des employeurs sont minimisés et rendent l’alchimie de l’embauche moins risquée. Les personnels sont rapidement opérationnels et productifs. Toutefois, les initiateurs de cette opération conseillent, pour l’avenir, de se limiter à un groupe de 4 à 5 entreprises au maximum.
local development, social insertion, professional qualification, fight against unemployment, vocational training
, France, Nord-Pas-de-Calais
Cette action me semble tout à fait méritoire puisqu’elle permet aux salariés de suivre un programme de qualification tout en proposant leur poste, pendant leur absence, à des demandeurs d’emploi à qui l’on dispense une formation en alternance. Je pense que cette démarche novatrice est transposable dans d’autres secteurs industriels même si sa mise en oeuvre n’est pas simple. Cette action prouve que la résolution dynamique des problèmes entraîne l’entreprise dans un processus d’amélioration et de développement d’autant plus spectaculaire que l’opération est menée par un collectif d’entreprises toutes confrontées au même problème structurel. Même si l’investissement a été lourd pour ces 9 entreprises et leurs partenaires extérieurs, cette opération a permis à chacun d’évoluer, d’être plus efficace, de se réformer et de contribuer ainsi à la requalification des métiers de la plasturgie. Ces entreprises d’accueil donnent un vrai savoir-faire aux stagiaires, grâce au diplôme ADC reconnu par l’ensemble de la profession et les rendent directement opérationnels sur le marché du travail. C’est une opportunité pour ces hommes et pour l’industrie de la plasturgie.
J’ai aimé cette action collective de formation qui peut servir de référence à beaucoup d’autres entreprises. Il serait effectivement intéressant que d’autres entreprises puissent mettre en place une politique de formation semblable type "job rotation" qui répondrait d’une part à leurs besoins mais permettrait aussi de participer au développement de la cité.
Le Plan Lillois d’Insertion pour l’Emploi : PLIE a sollicité Alliances pour diagnostiquer les besoins actuels de main d’oeuvre dans la plasturgie dans l’optique de proposer à plusieurs bassins d’emploi une formation adaptée, à destination de jeunes sans diplôme ni qualification. Alliances a rencontré différentes entreprises et organismes de formation de ce secteur d’activité dans la région lilloise et les a mises en relation avec le PLIE. Le principal problème soulevé réside dans la méconnaissance des jeunes des métiers de la plasturgie. Des formations sont déjà proposées et ne trouvent pas assez de participants ! Comment aller en amont pour motiver ces jeunes aux nombreuses possibilités de carrières offertes dans cette filière de l’industrie ? Les syndicats de la plasturgie et du film plastique ont déjà réalisé une action dans ce sens : voir la fiche DPH "Une cyberaventure 100 pour cent interactive au collège du Triolo".
Cette action a reçu le prix d’action citoyenne 1998.
Informations recueillies dans le cadre de la démarche "Citer pour inciter" d’Alliances.
Entretien avec ABELE, Patrice
Report
CAVROIS, Muriel, Alliances, Action collective de formation des salariés et de retour à l'emploi de chômeurs longue durée dans la plasturgie., 1998; .
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