Le développement durable : passer d’un objectif à une méthode de projet
02 / 2002
En 1997, le Ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement lance un appel à projets introduisant la notion de développement durable au niveau des collectivités territoriales : c’est la démarche des Agendas 21 locaux. La Communauté d’agglomération de Poitiers (CAP) choisit de présenter un projet portant sur l’appropriation du concept de développement durable par les services administratifs de la mairie et de la CAP. Appelée Agenda 21 de la CAP, l’idée a été initiée principalement par certains services de la Communauté d’agglomération, avant de bénéficier du soutien d’élus municipaux à partir de mars 2000.
La Communauté d’agglomération de la ville de Poitiers rassemble dix communes, de tendances politiques relativement hétérogènes. Le choix d’un tel projet, portant de manière innovante sur une réorganisation des services, résulte d’un constat, fait a différents niveaux, de dysfonctionnements : d’une part, un cloisonnement trop important entre les différents services, d’autre part, la limitation des projets à un nombre restreint de partenaires et/ou une faible communication entre les différents partenaires concernés, enfin, la limitation des projets à un périmètre. Dominique Royoux, Directeur du service recherche et développement de la CAP, met plus globalement en cause le caractère inachevé des politiques sectorielles.
A partir de ce constat, et dans une logique systémique en matière d’aménagement du territoire, la CAP de Poitiers se fixe comme objectif l’application du développement durable à un niveau local. Cette nouvelle approche de l’action publique locale se situe depuis 1997 à trois niveaux complémentaires : au niveau de l’agglomération, au niveau de chaque politique thématique, au niveau des services volontaires.
Une collaboration s’établit ainsi entre tous les services concernés pour une réflexion qui vise à prendre en considération les mécanismes d’interdépendances et à appliquer le principe de précaution. A chaque conception de projet, un périmètre d’interaction doit pouvoir être défini, les partenaires pris en compte dans leur ensemble, et le facteur temps maîtrisé. La délocalisation d’une entreprise, abordée de cette manière, peut alors mettre à jour les implications d’une délocalisation, par exemple en termes de transports. Le principal objectif de l’adoption de l’Agenda 21 dans quatre services volontaires (développement urbain, hygiène et santé, espaces verts, eau et assainissement) est d’instaurer une logique de pratique collective. Il s’est agi, par exemple, lors de la programmation d’un équipement sportif dans un établissement scolaire, de réfléchir, dans une logique trans-services, au public potentiellement concerné (scolaire ou non), aux modes d’accès et de transport.
Une association, Orcades, est chargée de la formation du personnel, de manière à permettre à tous de s’approprier la démarche de développement durable. La première phase de formation a débuté en 1999, et la seconde verra son public élargi à d’autres services. Deux outils ont particulièrement contribué à cette nouvelle méthodologie de l’action publique locale : la rosace qui, à partir de la mise en commun des agendas de tous les partenaires internes et externes, permet de faire le lien entre eux et de les situer concrètement par rapport au projet en question. La rosace peut permettre de situer ainsi les zones trop couvertes ou, inversement, pas assez occupées. L’autre outil est le tableau croisé, qui expose et permet l’anticipation des effets attendus, positifs et négatifs, d’un projet.
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, France, Poitou Charentes
Aménagement du territoire et action régionale
Les Agendas 21 des villes en France
Cette méthodologie de l’action publique locale est innovante à plusieurs titres. Elle présente un intérêt pédagogique pour l’ensemble des partenaires, puisqu’elle permet de mettre à plat toutes les données (connues souvent partiellement par un nombre réduit de personnes), obligeant à la transversalité et à une action collective. Dominique Royoux signale également un plus grand dynamisme dans les services formés à cette méthodologie. Cette façon très concrète et locale d’appliquer le concept si vaste de développement durable a le mérite d’en faire un objectif final. L’Agenda 21 bouleverse toutefois les anciennes méthodes de travail et provoque quelques résistances en matière managériale. Il est évidemment difficile d’obtenir et de gérer l’avis de tous dans le cadre d’un projet à partenaires multiples. Nonobstant ces quelques difficultés, la motivation de nouveaux services témoigne de l’intérêt porté à cette démarche. La réaction est semblable dans d’autres Communautés d’agglomérations avec qui Poitiers a tissé certains liens. La véritable évaluation de cette méthodologie ne pourra se faire, d’après Dominique Royoux, que sur le long terme, soit quelques dizaines d’années. Le changement de majorité ne devrait pas remettre en cause cette démarche puisqu’elle se situe à un niveau local des affaires politiques et concerne des secteurs peu polémiques qui appellent le consensus. C’est sans doute cette pérennité qui constitue, effectivement, tout l’intérêt de cette méthodologie de développement durable.
Cette fiche a été réalisée lors des Entretiens internationaux de la Délégation à l’Aménagement du territoire et à l’Action Régionale (DATAR), à Paris, du 28 au 30 janvier 2002.
Entretien avec Dominique ROYOUX, Directeur du service recherche et développement de la Communauté d’agglomération de Poitiers.