Bob Rae est l’ancien Premier ministre de l’Ontario, où il exerça le pouvoir entre 1990 et 1995. Son livre a été principalement conçu pour un public canadien et s’appuie sur de multiples réalisations et expériences issues de ce pays .
Bob Rae explique dans l’ouvrage pourquoi le choix de nos sociétés modernes n’est pas entre socialisme et capitalisme, mais consiste en une forme de capitalisme souvent dénommée social démocratie, à l’exemple de la politique menée par Tony Blair en Grande Bretagne ou du Chancelier Gerhard Schröder en Allemagne, ou dans une moindre mesure par Bill Clinton aux Etats Unis.
Toute son analyse consiste à répondre aux trois questions que posait Rabbi Hillel qui vivait à Babylone il y a plus de 2 000 ans . Les deux premières expriment la tension qui existe entre individualisme et altruisme : " si je ne me soucie pas de moi, qui se souciera de moi ? ; mais si je ne me soucie que de moi, que suis-je ? " ; la troisième présente la difficulté du rapport de la politique avec le temps : " Si ce n’est pas maintenant, quand cela sera t’il ? ", question liée à la fois à l’urgence de la décision publique dans l’acte de gouverner, mais aussi liée au temps long, au développement durable et à nos responsabilités envers les générations futures.
Cet ouvrage est en fait un document de sciences et d’histoire politique, avec de nombreuses références puisées à travers les siècles et à travers le monde. On apprend entre autres (et dans le désordre) quelles idées et théories a avancées Tony Blair pour accéder au pouvoir ; quelles ont été les forces (qui sont ensuite devenues des faiblesses) des pays asiatiques, dragons " temporaires " de l’économie qui créèrent de puissants liens entre états, banques et industries ; quelle est le cheminement actuelle de la Chine qui s’oriente vers un état providence moderne en réduisant la fonction de propriétaire et de producteur du secteur public et en augmentant celle de garant de la protection sociale - l’industrie sera privatisée, les autres services seront encore plus socialisées - .
Certaines théories sont rapidement démontrées, comme l’impossibilité pour un pays de vivre en autarcie dans notre monde moderne - l’exemple de la Russie en est révélateur - ou dans le registre social, la nécessité de regrouper les travailleurs au niveau international afin d’égaler les entreprises transnationales et les accords intergouvernementaux.
Pour l’auteur, la mondialisation ne concerne pas uniquement les entreprises : la récente révolution de la " communication " en est bien sûr un facteur de consolidation et d’élargissement. Par exemple, avec la technologie de la télévision et de l’internet, aucun bidonville, aucune dictature ne peut échapper au regard du public...
Les anti-mondialisation se sont servis d’ailleurs de ces (ses) armes pour mieux lutter contre ses débordements et ses excès et transmettre à tous les auditeurs l’idée que le monde n’est pas une marchandise. Souvenons-nous de la pression médiatique à l’occasion des événements de Seattle liés à la réunion de l’OMC.
La mondialisation croissante ne fera certainement pas disparaître le rôle primordial des états, contrairement à ce que certains, pour qui tout est dans l’économie, peuvent laisser supposer. Les états continueront d’assurer les services nécessaires au maintient de la loi et de l’ordre, à la défense, à la santé, à l’éducation, aux institutions culturelles, au logement social, aux pensions de vieillesse, etc..., mais aussi aux politiques environnementales et à la gestion des ressources naturelles, missions de plus en plus urgentes et importantes.
La formule du socialisme " traditionnel ", dans laquelle des gouvernements souverains, soucieux d’égalité peuvent utiliser l’Etat pour infléchir l’économie et la société dans la direction souhaitée par la majorité, est dépassée ; cela nécessiterait des hausses de taxes, davantage de réglementation, choses trop difficiles à assurer dans le cadre d’une mondialisation croissante.
L’idée, trop souvent prônée par la droite, que la charité suffira à combler le fossé entre riches et pauvres est aussi une idée fausse. Les dons privés ne pourront jamais se substituer intégralement à un Etat de moins en moins présent, car ils sont trop ciblés vers les populations qui leur permettent d’atteindre une certaine rentabilité en retour, ou au moins leur rendre une bonne image - " il est préférable d’aider une université ou un hôpital plutôt que de soulager les sans abri... ".
Reste alors la troisième voie, la seule pertinente selon l’auteur, celle d’une société qui accepte et récompense le succès personnel et simultanément démontre sa capacité à donner une forme efficace et cohérente à la compassion sociale.
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, Canada, Germany, United Kingdom, United states, France
Bien sûr toutes les analyses de Bob Rae peuvent certainement être discutées, voir contredites, ce que fait d’ailleurs Bernard Langlois, fondateur de l’émission de télévision " résistances " et Directeur de l’hebdomadaire " Politis " dans la postface de l’ouvrage. Mais c’est justement l’objectif principal de la collection " Gouvernance et démocratie " dans laquelle s’insère l’ouvrage : apprendre à tirer partie des désaccords féconds au-delà des malentendus et des procès d’intention.
Book
RAE, Bob, Prospérité et bien commun, Charles Léopold Mayer in. Coll. Gouvernance et Démocratie, 03/2000 (FRANCE), 144 p.
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr