Le point de vue du président d’une association rurale (UCT, Sénégal)
Mamadou DIALLO, Benoît LECOMTE
05 / 1998
"Les projets extérieurs n’ont laissé aucune trace dans la région" affirme Mamadou DIALLO, paysan et président de l’UCT (Union des Collectivités locales de Tattaguine), "car le projet ne se fait qu’avec les membres dirigeants des associations et il utilise n’importe quoi. A l’UCT, c’est différent. Les fonds ne vont pas qu’aux membres du Bureau. Pour cela, dans les villages, il n’y a pas un seul groupement avec un seul bureau mais plusieurs sous-groupements. La transparence du bilan et de la gestion est d’une grande importance : dans certains endroits, l’argent disparaît (mariages, cérémonies religieuses, ...). L’UCT refuse de mettre de l’argent dans ce genre de manifestations. Les bailleurs doivent réfléchir sur leur aide. Parfois, de grandes sommes sont données à des associations qui viennent de naître, alors qu’il n’y a pas beaucoup d’informations. Il faut plutôt aider les associations qui veulent développer la localité. Il faut faire attention à ne pas donner d’argent à ceux qui ne travaillent pas ou qui gaspillent. Sinon, cela provoque un découragement des bailleurs. L’UCT a une démarche originale, elle a la volonté d’aller lentement. Sinon il n’y a pas de résultats visibles quand on se retourne. Les bailleurs doivent faire comme l’UCT, voir l’endroit où ils attribuent l’argent. Il est nécessaire d’étudier les dossiers envoyés et de voir s’ils méritent une grande somme ou pas. Il est important de descendre sur le terrain pour voir le résultat du travail des associations. Il faut avoir des intermédiaires dans tous les pays, avoir des gens sur le terrain pour savoir quelles associations méritent d’être financées.
Il y a de possibles effets négatifs de l’aide : si l’aide ne peut pas casser quelque chose dans la société, parfois elle peut entraîner des problèmes. D’abord si les gens attendent une aide, quand l’aide arrive il y a précipitation, chacun veut en bénéficier. Cela peut provoquer des jalousies. Et puis tout le monde ne peut pas avoir sa part tout de suite : certains doivent attendre, d’autres n’agissent pas. Celui qui ne fait rien, même s’il obtient l’argent, il ne pourra pas développer la zone. Le fait d’attendre l’aide sans rien faire est un signe de paresse. "C’est toujours négatif de donner de l’aide aux paresseux."
Les conseils de M. DIALLO aux représentants des bailleurs sont les suivants :
a)" Il faut étudier le milieu, connaître les conditions de vie des paysans, pour savoir où mettre l’argent. Les bailleurs doivent aller sur le terrain se renseigner car il y a une grande différence entre les dossiers de demandes et le terrain.
b) Il faut activer les gens. Quelqu’un du 3ème âge ne peut plus dynamiser la zone. Mais il peut fournir des renseignements. Il est utile de faire un projet pour eux. Un vieux à qui on donne de l’argent ne peut pas rembourser car il ne travaille plus.
c) Les femmes sont plus motivées dans notre région que les hommes ("10 000 fois plus"). Elles sont travailleuses. Il est préférable de travailler avec un grand nombre de femmes qu’avec un grand nombre de jeunes ou d’hommes. Pour travailler avec les femmes, c’est facile, il suffit de les former, les sensibiliser et les orienter."
countrymen’s organization, local development, conflict, donor agency, development project, woman
, Senegal, Fatick
Notre interlocuteur, membre très actif de son association recommande ceci aux organismes d’appui s’ils veulent laisser une trace : aller lentement, travailler en priorité avec les femmes ("10.000 fois plus motivées - dans notre région - que les hommes !"), descendre sur le terrain, ne travailler qu’avec des gens dynamiques.
Voir aussi les fiches DPH n° 3697, 3968, 3969, 3971, 5227 qui relatent l’expérience et le travail d’animateur de M.Pape Maïssa FALL auprès d’organisations paysannes de la région de Kaolack, dont celle de cette Union des Collectivités Locales de Tattaguine à ses débuts.
Entretien avec DIALLO, Mamadou réalisé en mai 1998 à Fatick.
Interview
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