La politique des ONG face à celle d’une association paysanne (Entente de Diouloulou)
07 / 1998
Pascal Mané, Responsable en Communication de l’Entente de Diouloulou : "Mon association a déjà préparé le départ des bailleurs. Cela a commencé avec une ONG belge qui avait financé beaucoup de nos activités. A un moment donné, quand nous avons voulu prioriser la santé, le bailleur a dit que la santé ne pouvait pas être une priorité pour lui et il a financé d’autres activités. Quand on a reçu les fonds, on s’est dit : "Voilà d’une part ce que l’on a écrit dans le projet ; d’autre part on sait que la rentabilité de beaucoup d’activités (par exemple des boutiques) peut nous permettre de financer des activités jusqu’ici financées par l’ONG". Donc, on a pris cet argent et on a installé des boutiques alimentaires. Le bénéfice de ces boutiques nous permettait de financer tous les volets qui étaient prévus dans le projet. Quand le bailleur a vu cet acte, il ne pouvait pas ne pas en parler ! Il nous a écrit : "On préfère ne pas vous verser le reste du fonds de ce projet parce que vous n’êtes pas en train de mener les activités qui étaient prévues." On s’attendait à expliquer pourquoi on avait utilisé ces fonds pour installer des boutiques mais il n’a pas du tout tenté de comprendre pourquoi l’association avait cessé le travail.
Il faut dire que notre association a évolué avec ses fonds propres. Les membres faisaient des cotisations chaque année, et chaque groupement cultive un champ collectif qui lui permet de payer sa cotisation à l’Entente, donc on n’attendait pas trop du bailleur. C’est pourquoi quand ils ont voulu tourner le dos, on a dit : "Ça ne nous dérange pas" et nous avons continué le travail. Et quand ils sont revenus, on leur a dit : "Nous, on ne veut plus de vos fonds. Et si vous tenez à financer l’association, voilà : nous avons installé des caisses populaires, vous allez nous donner ces fonds sous forme de crédit pour ces caisses. De plus, les boutiques vont servir maintenant de bailleur de l’association".
Avec une coopérative française, c’est la même chose ; ils nous ont dit : "Voilà les activités que nous pouvons financer". Une fois le projet élaboré, on leur a envoyé et alors elle a tourné le dos et nous a dit : "Allez soumettre ces projets à l’ONG française Eau Vive". On n’est pas allé à Eau Vive. Car ce partenaire a trouvé l’Entente à sa naissance et a promis qu’il allait lui tenir compagnie dans son processus de travail. Et si aujourd’hui, il ne peut pas faire ce qu’il avait promis, il ferait aussi bien de dire ouvertement : "Voilà, après maintenant 10 ans de collaboration, nous nous voulons aller aider quelque part ailleurs", au lieu de dire aux gens de faire cela et qu’à l’arrivée on se retrouve avec d’autres idées et un autre partenaire !
Refuser un financement, cela nous est arrivé
Etre autonome, c’est une chose simple, si vraiment les associations évoluent avec leurs propres moyens. Un bailleur vient et dit : "Voilà, moi personnellement, j’interviens seulement dans tel ou tel domaine", d’accord, c’est clair mais s’il doit intervenir dans ces domaines précis, il doit prendre des mesures d’accompagnement parce que c’est ce qui fait souvent l’échec des projets. Par exemple une association qui n’a pas de fonds propres et toi tu interviens seulement dans le domaine de la formation ; les membres de cette association vont élaborer des projets de formation, mais après ces formations, qu’est-ce qu’ils vont devenir ? Quelquefois cela devient des formations inutiles parce qu’après être formés, ils n’ont pas de fonds pour faire le travail et appliquer les formations qu’ils ont fait. C’est pourquoi je conseille aux bailleurs qui interviennent dans les associations d’accompagner jusqu’au bout le processus de l’action qu’ils choisissent".
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, Senegal, Burkina Faso, Diouloulou, Ouahigouya
A partir du refus d’une ONG du Nord de financer la partie "Santé" de son programme, l’association paysanne décrite par notre interlocuteur a décidé d’utiliser son apport d’aide pour fonder des entreprises rentables. Elle a perdu ce partenaire et acquis la capacité de refuser qu’on lui impose, de l’extérieur, des décisions.
Entretien avec Pascal Mane et Baba OUEDRAOGO en mai 1998 à Ziguinchor.
Interview
OUEDRAOGO, Baba
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