La difficulté de l’entente au sein des Organisations Paysannes entre inertie et volonté de changement
Vincent GUELMIAN, Benoît LECOMTE
03 / 1998
Vincent Guelmian, paysan, ex-président du CODEB (Comité d’Organisation pour le Développement de Bédogo): "Mes activités sont l’agriculture et l’élevage. Je fais aussi de l’environnement. J’ai assez de terrain. J’ai 8 ha, soit 16 cordes de terres. Je fais le coton, l’arachide, le sésame, la pénicillaire et le sorgho, je fais aussi l’igname et le riz. J’ai 6 chèvres, 17 moutons, 3 boeufs et une vache et un cheval. Je suis un paysan qui aime mettre en pratique les nouvelles techniques pour une agriculture durable ; je fais du compost, je mets du fumier dans mes champs, je fais des diguettes dans les bas-fonds pour cultiver du riz, parce que dans cette zone, il manque de l’eau, c’est pour cela que je cherche à augmenter l’eau dans ce bas-fonds ; j’ai l’idée de faire aussi le berger dans mes champs ; donc je vais faire des haies vives autour des champs pour les clôturer et éviter que les animaux qui sont en divagation rentrent dans mes champs pour détruire mes produits.
Au départ, c’est moi qui ai lancé l’initiative de créer le CODEB. C’était vers 1980, au moment où plusieurs ressortissants de Bédogo étaient en exode au Nigeria. J’en ai été le secrétaire depuis sa création en 1982 jusqu’en 1993; puis de 1993 à 1996, j’ai été le président de cette association. Le CODEB regroupait alors 82 CODEB locaux. Puis j’ai laissé cette fonction en avril 96. Je n’ai pas assisté à la dernière Assemblée Générale.
Pourquoi ? Parce que dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage, un comité ou un groupement, cela n’est pas valable. Certains membres ne veulent pas collaborer. Ils ne pensent qu’à faire du commerce. Quand on leur parle d’agriculture, ils ne s’intéressent pas. En plus nous avons demandé que chaque CODEB local paie une cotisation annuelle de 5000 CFA (50 FF), mais chaque fois que l’on demande, ce n’est pas facile de récupérer ces 5000 CFA. Beaucoup de CODEB veulent attendre, rester les bras croisés pour attendre l’aide extérieure. Si c’est comme cela, on ne peut pas avancer. J’ai expliqué cela aux autres, mais cela n’a pas marché. Donc il m’a fallu me retirer pour mettre mes idées en pratique. C’est mieux que de rester avec des gens qui n’ont pas la volonté de travailler.
Cela fait 9 mois seulement que je suis un "paysan-entrepreneur"; avant je faisais l’agriculture comme mes parents font, je ne savais pas comment mettre les choses en ordre, je ne planifiais pas mon travail. En 1997, l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement) m’a fait visiter le Centre de Formation Professionnel Rurale (CFPR) de Héllie Bongo, ce qui m’a donné beaucoup d’idées. C’est grâce à eux que j’ai planifié mon projet d’exploitation pour 5 ou 20 ans. Ils m’ont dit que pour réussir, il faut que l’idée de départ soit claire sinon on ne peut pas avancer. C’est la meilleure chose que j’ai apprise. Ils n’ont pas donné d’argent mais ils m’ont appuyé par la formation et cette visite d’échange d’expériences. J’ai pu découvrir là-bas beaucoup de choses : la clôture des champs, les granges pour stocker le foin pour les animaux, comment mettre le fumier dans les champs, comment élever les vaches pour produire des veaux, comment travailler avec un cheval. Dès mon retour j’ai mis cela en action et c’est très intéressant pour moi.
Même des fois de petits conseils t’aident déjà. Au moment des semis de mon champ de riz, les gens d’ASSAILD étaient derrière moi ; ils ont vu que je semais le riz comme du sorgho, car la culture du riz c’était quelque chose que nous venions de découvrir ; ils m’ont donné des conseils pour aménager le terrain, pour faire des semis en ligne etc... J’ai fait. Depuis je suis très content de leur suivi. Après les premiers résultats, j’ai comparé terrain aménagé et terrain non aménagé. L’an prochain, je vais tout aménager."
countrymen’s organization, vocational training, innovation, solidarity, economic dependence
, Chad, Bedogo
Vingt ans de la vie d’un paysan social, créateur, prévoyant et volontaire. Un homme qui n’accepte pas la médiocrité liée aux rapports aide/bénéficiaire. Un bon candidat enfin pour la nouvelle mode des paysans-entrepreneurs !
L’action dite "paysan-entrepreneur" est une initiative prise à la fin des années 1990 par la Coopération Suisse. Elle s’organise à partir de quelques centres de formation-démonstration. L’ONG tchadienne ASSAILD assure le suivi de cette action dans la région de Moundou au sud du Tchad.
Notre interlocuteur a expliqué longuement sa propre évolution, mais aussi ce qu’il avait observé comme effets positifs et négatifs des apports d’aide. Plusieurs fiches DPH ont été établies :
n° DPH : 7.467 ; 7.505
Entretien avec GUELMIAN, Vincent à Bédogo en février 1998
Interview
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org