Aminé MIANTOLOUM, Benoît LECOMTE
03 / 1998
Aminé Miantoloum, formatrice à l’ASSAILD (Association d’appui aux initiatives locales de Développement) : "Les femmes ont toujours contribué aux différentes activités communautaires sans qu’on prenne jamais en compte leurs problèmes spécifiques, leurs problèmes de mères. En tant que mères elles ont beaucoup plus de charges que les maris. Par exemple, les soins de santé sont un problème villageois, mais trouver les moyens pour soigner les enfants, c’est généralement le problème des mères. En général, elles ont un pouvoir d’achat très bas et tout ce qu’elles font est ainsi limité. Cela les oblige à tout faire avec beaucoup de sérieux. Par exemple elles gèrent sérieusement l’argent qu’elles ont car elles savent que quand l’enfant tombe malade, c’est d’abord leur argent qu’on utilise.
C’est elles qui paient aussi souvent la scolarité des enfants. Le problème de l’eau aussi, celui de la nourriture, de la formation agricole sont des difficultés que les femmes rencontrent. Dans un projet hydraulique par exemple, on fera payer les femmes pour l’eau ; mais on ne fera pas payer les hommes pour leurs animaux qui boivent pourtant plus que les humains. Ces difficultés, elles les vivent, elles les expriment sous forme de besoins, mais ne savent pas où trouver quelqu’un qui les aiderait à développer des activités génératrices de revenus. On sent que la femme, étant donné qu’elle dépend d’un mari, ne peut pas avoir tout ce qu’elle veut. Généralement elle fait son petit commerce mais ce n’est pas suffisant ; le mari peut rarement financer les 30.000 FCFA (300 FF) qu’il faudrait au début pour qu’elle achète un premier stock de marchandises.
Les femmes ont compris que de se réunir en groupements est aussi un moyen d’émancipation et de prise de décision pour la gestion de leurs biens individuels et collectifs. Mais de plus en plus, les hommes sont malins au village; ils savent que de nombreux bailleurs de fonds sont attentifs aux organisations de femmes, donc ils mettent parfois les femmes devant pour avoir de l’argent.
J’ai trois idées pour améliorer l’accès des femmes à l’aide extérieure :
1) Souvent les conditions d’accès à l’aide sont trop difficiles pour elles, alors elles "démissionnent" et continuent à agir avec leurs seuls moyens. J’imagine alors une idée de fonds souples (qui permettent à une OA d’appuyer de suite les petites initiatives locales sans besoin de rédiger un projet écrit et d’attendre qu’un bailleur de fonds s’y intéresse) : si les bailleurs peuvent créer des fonds souples partout, en confiant leur gestion à des ONG ayant une certaine crédibilité, cela va beaucoup arranger les choses.
2) S’il y avait plus de fonds pour les aider, ce sera bien ; aussi je souhaite une espèce de quota. Si on peut dire que dans tel coin du pays, on veut mettre 50 pour cent du crédit pour les femmes, ce serait bon car tout ce qu’elles font, elles ne le gardent pas pour elles ; cela va aussi au bénéfice des maris.
3) Les bailleurs devraient être plus à l’écoute des femmes. Par exemple le CESAO (Centre d’Etudes Economiques et Sociales d’Afrique de l’Ouest - Burkina Faso) a mené une expérience intéressante ; réunir des femmes rurales après la conférence de Beijing. Lors de cette rencontre, il y avait aussi des représentants des bailleurs de fonds. Elles ont ainsi pu donner des informations sur leurs conditions, etc... et les bailleurs ont alors pu suivre tous leurs problèmes. Pourquoi ne pas organiser d’autres rencontres entre les femmes rurales et les bailleurs de fonds ? Ces derniers seraient davantage à leur écoute et peut-être cela les aidera à améliorer leurs politiques d’octroi de crédits et de subventions."
countrymen’s organization, solidarity, woman, social change, credit, economic dependence, social inequality
, Chad, Moundou
Notre interlocutrice est celle qui conseille les paysans de Bédogo pour leurs cultures de riz et leurs hangars à foin. Elle a aussi l’oeil sur le rôle et la condition des femmes et des idées pratiques pour que le goutte-à-goutte de l’aide s’écoule vers elles efficacement.
Entretien avec MIANTOLOUM, Aminé, réalisé à Moundou en février 1998.
Interview
GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org