español   français   english   português

dph is part of the Coredem
www.coredem.info

dialogues, proposals, stories for global citizenship

Le prix à payer pour qu’une femme assume des responsabilités au sein d’une association paysanne est élevé (Kaolack, Sénégal)

La présidente de l’UGAN explique ce qu’elle voit et ce qu’elle vit en tant qu’épouse

Mama GUEYE, Séverine BENOIT

05 / 2001

Mama Gueye, présidente de l’Union des Groupements Associés du Niombato explique ceci :

"Avant les partenaires appuyaient seulement les hommes. Les femmes ne participaient pas aux prises de décision. Elles restaient chez elles et laissaient faire les hommes. S’il s’agissait d’élire les membres des bureaux, les hommes prenaient les postes clés mais s’il s’agissait de travailler, au maraîchage ou ailleurs, les femmes étaient toujours là. C’est parce que nous les femmes nous ne faisons pas trop l’école. Si tu fais quelques années sur les bancs on t’arrache pour te donner un mari ou bien ta maman te dit : "Viens toi, tu vas aller faire la cuisine".

Tu vois, ce genre de problème s’est posé hier encore : en face de moi une jeune fille qui doit présenter cette année le BAC, on l’a arrachée à l’école pour lui donner un mari. Et là on ne peut rien faire. Cette jeune fille dont je parle, quand on l’a convoquée pour l’examen, elle est venue dire à sa mère que les jeunes filles qui habitaient à côté d’elle n’acceptaient pas qu’elle se marie. Et puis elle a demandé à son futur mari de lui laisser finir ses études. Mais il lui a répondu : "Moi, je vais faire tout pour toi. Même avec ton BAC, tu peux rester des années sans avoir de travail alors que moi je vis aux Etats-Unis et je peux te donner tout ce que tu veux". Moi je lui ai dit que si elle avait son BAC et qu’elle trouvait un travail, elle pourrait avoir de l’argent toute sa vie. Alors que l’homme quand il te satisfait, il y a un jour où il peut en avoir marre et aller chercher une autre femme. "Comment tu vas faire alors?" Mais finalement la petite a décidé de cesser ses études et on a fait le mariage hier. J’ai été vraiment choquée, j’ai même pleuré.

Il y a des femmes qui n’arrivent pas à s’exprimer, qui sont toujours chez elles et qui ont beaucoup de travaux à faire à la maison. On te laisse avec les vaches, tu vas les faire boire, puiser de l’eau du matin au soir, aller en brousse, s’occuper des enfants... Il y a vraiment des femmes qui sont bloquées par les travaux de la maison. Avant c’était vraiment notre problème majeur : on ne connaissait pas notre rôle et on croyait que c’était les hommes seulement qui devaient aller et venir et exécuter tout. Mais maintenant, avec les télévisions, les postes de radio, les femmes commencent à s’éveiller.

Auparavant, on disait que seul l’homme devait diriger mais maintenant les femmes sont conscientes et l’homme doit se concerter avec la femme. Il y a des hommes qui comprennent et d’autres non. Moi, c’est en 1995 que j’ai commencé à avoir des problèmes avec mon mari. Il me disait : "Toi, tu bouges trop, tu vas partout. Quelquefois tu pars 3 ou 4 jours et cela je ne peux pas l’accepter". Depuis, on a eu beaucoup de difficultés et on en est venu à divorcer en 1996. Cette année-là je me suis dit : "Comme j’ai un problème avec mon mari, je vais arrêter toutes les activités". Ma famille m’a demandé pourquoi et m’a dit que je faisais des activités depuis longtemps et que je ne devais pas abandonner. J’ai négocié avec mon mari, j’ai tout essayé mais il n’a pas accepté. Alors on a divorcé. Maintenant je vis toute seule.

Chaque fois que j’assiste à une réunion, il y a des maris qui ne veulent pas laisser aller leur femme et c’est à eux que nous parlons pour leur expliquer qu’il faut vraiment laisser venir leur femme aux réunions et aux rencontres. Si elle va aux rencontres, c’est formateur parce qu’elle rencontre des femmes qui font des va-et-vient et cela va lui donner du courage. Et puis il y a surtout les formations, qui sont très efficaces. Un partenaire suisse était venu nous voir et on l’a amené dans 5 groupements qui avaient participé à la formation. Lorsqu’il est parti, il nous a dit que les formations étaient très efficaces. Il avait discuté avec des femmes membres de groupements et il était vraiment surpris de l’évolution accomplie. Donc il faut à la fois sensibiliser les maris et faire la formation pour les femmes. Aujourd’hui, les femmes ont confiance en elles et arrivent à négocier. Il y a beaucoup de femmes qui sont leaders. Maintenant les femmes se révoltent.

L’aide a joué un grand rôle là-dedans. Maintenant, il paraît que les bailleurs n’acceptent pas de financer une structure qui n’a aucune femme. Il faut vraiment appuyer les femmes, plus que les hommes. Pour les crédits, seules les femmes acceptent de payer. L’homme, quand tu lui donnes de l’argent, il s’en va et il s’en fout, il ne paie rien.

Nous nous sommes concertées pour former une communicatrice femme. On devait même se regrouper un jour pour discuter de comment faire pour aller de l’avant mais cette session n’est pas encore fixée. Nous avons besoin d’appui pour créer un réseau, pour faire un échange, pour voir comment faire pour avoir un développement intégral".

Key words

gender, conflict, countrymen’s organization, enrolment in school, local development, participation of women


, Senegal, Kaolack

Comments

La fille n’a pas toujours le droit de poursuivre ses études soit parce que la mère a besoin d’elle, soit parce que sa famille la marie. Et une épouse qui prend des responsabilités hors de son foyer court le risque que son mari divorce : c’est pourquoi il faut à la fois sensibiliser les maris et faire de la formation pour les femmes, explique cette présidente d’une union (mixte). Une page claire et nette sur la volonté d’une femme rurale de construire le "développement intégral" !

Notes

Notre interlocutrice est l’une des rares "présidentes" d’une association régionale importante composée de groupements mixtes. Voir les fiches extraites du même interview, n° GRAD 472 à 474.

Entretien avec GUEYE, Mama réalisé à Kaolack en février 2001.

Source

Interview

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

legal mentions