Et la place reconnue peu à peu de la femme dans les activités de développement
06 / 2001
Fatou Bocoum, conseillère des associations qui font partie de la FONGS (Fédération des ONG paysannes Sénégalaise) nous explique ceci :
"Les hommes travaillent avec les femmes pour les soutenir dans certains domaines parce qu’il y a des domaines qui nécessitent beaucoup d’intelligence et de capacités. Le problème c’est que les femmes n’ont pas beaucoup de capacités, parce que c’est comme cela au Sénégal. Dans la tradition, les parents ne voulaient pas instruire les filles. Il y a beaucoup de handicaps au niveau de l’instruction des filles : c’est lié souvent au mariage précoce, au fait de dire que traditionnellement la femme ne doit pas fréquenter l’école, c’est aussi des déperditions scolaires qui visent plus les femmes. C’est ce qui fait que ce sont les hommes qui sont beaucoup plus formés. Donc le travail des femmes est souvent lié à des problèmes de gestion, au domaine social, sur le plan de la santé, etc... Il y a aussi un problème d’emploi du temps : les travaux ménagers, les enfants, cela prend du temps. On en tient beaucoup compte de cela pour la répartition des tâches.
On est en train de changer cela, mais il faut du temps parce qu’elles ont toujours été dominées. Les femmes n’ont pas eu accès aux informations, donc elles ignorent beaucoup de choses. Traditionnellement, elles sont à la maison, en train de faire les enfants et de les éduquer ; l’homme est dans la rue, dans les boutiques, il fourre son nez partout, il sait comment ça marche. Devant cette compétitivité, la femme ne peut pas remplacer l’homme qui a beaucoup plus de maîtrise de ce qu’il fait par rapport à une femme qui est à la maison, qui ne connaît pas.
Dans la majorité des groupements, les projets sont mixtes. Mais il y a des volets spéciaux confiés aux femmes. Comme par exemple celui de la transformation des fruits et légumes. Le volet alphabétisation est mixte mais 70 pour cent des bénéficiaires sont des femmes. Il y a celui de l’épargne-crédit : les femmes sont majoritaires, il y a 2 hommes là-bas. Le volet "coopérative" : les femmes qui font de la teinture ou qui veulent faire la commercialisation des fruits, des légumes, etc. Et le petit élevage : l’élevage des poules, des moutons, en général ce sont les femmes qui sont majoritaires là-bas. Ces choses sont spécifiques aux femmes, mais n’empêche que les femmes s’intègrent aussi dans toutes les activités.
Donc, il y a cette unité qui assure la synergie pour que les femmes puissent s’intégrer à tous les niveaux et être considérées. Quand une activité est menée par un groupement, les femmes et les hommes la mènent ensemble et s’il y a un volet spécifique femmes, ce sont les femmes qui l’assurent. Mais souvent, elles sont épaulées par les hommes et collaborent ensemble. Et quand il faut distribuer les tâches de travail, en général, ils travaillent ensemble. Ils se réunissent et tout le monde décide ensemble.
Il y a des domaines où il est souhaitable que les femmes travaillent avec les hommes : pour les domaines qui demandent beaucoup de compétences. Mais il y a des domaines où elles peuvent travailler seules. Par exemple, au niveau de l’épargne crédit, il est préférable que les femmes travaillent seules ou bien qu’elles dirigent parce que ce sont des questions de sous et les femmes sont très crédibles dans ce domaine. Les hommes non car ils ne remboursent pas les prêts et cela pose problème. Mais quand il s’agit d’activités agricoles, les hommes peuvent aider les femmes.
Maintenant, au niveau des activités économiques de développement, on est en train de faire une approche "genre" pour que les projets qui viennent soient distribués d’une manière équitable. Je ne dis pas égale, mais équitable : c’est à dire que femme ou homme, chacun reçoit la part qui lui revient pour qu’il n’y ait pas de discrimination et d’exclusion. Au niveau de la FONGS, nous avons créé une commission, une unité chargée de la promotion économique des femmes. Il y a d’autres unités qui développent aussi des activités d’épargne, de crédit, d’exploitation familiale et les unités de transformation. Nous, l’unité de femmes, on a travaillé sur la transformation des fruits et légumes et des céréales. C’était purement féminin. Elles ont leur manière d’amener les autres à respecter leurs lignes de conduite. Et si on ne respecte pas, on quitte. On est humiliée, on dit des choses que tu ne peux pas supporter et ensuite on quitte. C’est cela qui a fait que toutes les activités que font et entreprennent les femmes, en général, réussissent".
woman, social inequality, gender, business management, countrymen’s organization, production, credit, women promotion
, Senegal, Thies
La majorité des groupements qu’épaule notre interlocutrice au Sénégal sont mixtes. Comment se répartissent les tâches et les rôles entre hommes et femmes ? La fédération nationale apporte des occasions d’échange d’expériences et de formation pour que ces dernières aient leur place et assument elles-mêmes les responsabilités au sein des collectifs (féminins et mixtes).
Madame Fatou BOCOUM est une permanente expérimentée de la FONGS chargée d’épauler les activités des femmes au sein des associations. Voir fiches GRAD extraites du même interview, n° 480 à 486.
Entretien avec BOCOUM, Fatou réalisé à Fissel en février 2001.
Interview
BENOIT, Séverine
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