Comment renouer la confiance entre les Burundais après les innombrables conflits inter communautaires ( tutsi-hutu )? Comment faire face aux idéologies ethnicistes de division qui sont devenues un fait criant tant au Burundi que dans la région des Grands Lacs? Comment éradiquer ce virus mortel ? Quel système politique proposer à même de reconstruire des sociétés et des communautés nationales apaisées et solidaires ? Quelle nature de compromis politique pour surmonter les clivages ? Comment intégrer les valeurs traditionnelles aux normes universelles de la démocratie ?
Depuis l’indépendance en 1962, les différentes constitutions appliquées ne sont pas parvenues à générer la stabilité et la paix sociale. Tous ces modèles ont en commun la non implication de l’ensemble des protagonistes y compris la population rurale et leur non ancrage dans la civilisation burundaise. En réalité le Burundi se trouve en panne de modèle politique. Aussi importe-t-il d’une part de définir des objectifs et des exigences nécessaires à la reconstruction de la citoyenneté ; d’autre part de trouver et d’inculquer des modes de médiations et de pratiques de résolution des conflits adaptées à la société burundaise et africaine.
L’histoire et la culture du Burundi renferment des valeurs fondamentales liées à l’organisation politique et sociale, l’arbitrage des conflits incarné par l’ensemble des sages Bashingantahe, le culte de la vérité et le bon voisinage. Il nous semble par conséquent de la plus haute importance d’initier un projet de recherche de démocratisation et de modernisation de l’Etat intégrant tout le corpus culturel traditionnel. Les sociétés africaines bouleversées par les crises ont besoin de retrouver l’esprit africain de palabre dans la paix et la tolérance. Il y a urgence et exigence de réhabiliter l’esprit du conseil des sages pour une politique et une nouvelle pratique de tolérance à la fois par la concertation et la prise de parole sur les contentieux politiques et sociaux, recréer un nouvel esprit de palabre, de tolérance au service de la paix et de la réconciliation nationale.
Dans la société burundaise traditionnelle, les rapports entre hutu, tutsi et twa, fondés sur la solidarité, l’amitié et les échanges divers ont souvent été détruits par la crise et remplacées par la psychose de la peur; de la haine et de la mort. Les collines du pays comme certains centres urbains, ont souffert de ce qu’on a appelé les " ghettos ethniques ". Seule la tolérance pourra détruire le mur de la haine et de la peur. Il s’agit en fait de recourir au concept d’ "ubuntu" si ancré non seulement au Burundi mais aussi en Afrique australe et centrale, entendu dans le sens de bonté, d’altruisme, de générosité et dépourvu de sentiment de revanche.
Seul l’esprit de dialogue préventif permettra la dissipation des quiproquos et conduira à une ré instauration de la paix et à une réaffirmation de la citoyenneté. Les cadres appopriés sont à la fois l’école, la famille, les structures associatives.
Cette démarche viserait la consolidation de l’Etat-Nation, facteur de réaffirmation de la citoyenneté .Le conflit hutu-tutsi qui a atteint des proportions de génocide se trouve être aussi celui des élites qui l’ont structuré et en ont cautionné les contenus idéologiques bien qu’elles soient aussi devenues victimes. Les élites burundaises hutu et tutsi se devraient aujourd’hui de sceller un compromis historique pour reconstruire le pays. Il importe de se mettre ensemble et de redéfinir un système démocratique viable qui soit à même de contribuer à l’éradication de l’idéologie du génocide, le développement d’une culture de la paix et la promotion de la citoyenneté burundaise. Cela ne peut se faire sans une implication du monde rural qui forme le pays réel. Ainsi il est essentiel d’engager une concertation entre les intellectuels et les masses paysannes. Il existe souvent entre eux des rapports autoritaires, le paysan restant souvent confiné dans un statut d’exécutant, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en oeuvre des programmes de développement. Il faut se mettre à l’écoute de la population et bâtir un nouveau contrat social entre les élites nationales et les masses paysannes émancipées.
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, Burundi
Une véritable révolution des mentalités doit intervenir pour s’assurer de l’émancipation paysanne sur les plans politique, économique et culturel.
Quelques propositions pourraient être suivies dans la popularisation de la culture de paix au niveau du vécu quotidien :
-Un minimum de cohésion aussi bien au niveau des groupes qu’au sein de l’ensemble de la société.
-Le respect l’acceptation de l’autre car le mépris, la peur de la différence, peuvent entraîner des conflits violents pouvant entraîner une volonté d’élimination de l’autre, soit en niant ses désirs et ses besoins jusqu’à son existence même.
- La popularisation de la culture de la paix
-La mise en place d’ un état de droit , chargé de réguler la vie en société. L’une des tâches de l’Etat revient à faire respecter la loi, l’ordre public et la paix civile en mettant hors la loi la violence. Même l’Etat qui a le monopole de la violence lorsque celle-ci se justifie devrait s’efforcer de gérer les conflits par la non-violence, le recours à la violence étant l’exception.
-Développer et d’enseigner les structures de gestion des conflits. Si l’institution judiciaire demeure fondamentale dans l’arbitrage des conflits, il y a d’autres lieux comme la famille, l’école, le quartier, le conseil des anciens qui contribuent aux règlements des litiges.
Chaire UNESCO de l’Université du Burundi, Bujumbura du 5 au 7 Février 2001.
Colloquium, conference, seminar,… report
MWOROHA, Emile, Journées de Réflexion sur la ré instauration d'une culture de la paix au Burundi
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