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Mémoire centrale : l’ordinateur et le travail de développement

Pierre DE ZUTTER

06 / 1993

Institutions, projets, organisations populaires de toutes sortes: les ordinateurs occupent une place croissante dans la vie des différents acteurs du développement en Amérique Latine. Et pourtant ils sont rarement utilisés pour le développement !

En effet, on les destine en général à des tâches de relations avec l’extérieur, très peu à améliorer la dynamique et la pratique internes. L’ordinateur sert à la comptabilité, à faire les rapports attendus par les financeurs, à la gestion en général, éventuellement à accéder ou participer à des réseaux ou banques de données diverses. C’est tout… et c’est dommage !

L’ordinateur pourrait rendre des services immenses pour combler un des grands déficits du développement: son amnésie. A l’heure où les échecs sont devenus si évidents que les recherches de pistes se multiplient partout, chacun prétend réinventer la poudre, soit dans son continent, soit dans son pays, soit dans son propre projet ou organisation, et ignore les faits et pensées de ses prédécesseurs. La gestion de la mémoire du développement est une urgence aussi bien locale qu’internationale afin d’apprendre enfin de l’expérience. C’est là où l’ordinateur pourrait et devrait avoir le plus à faire.

L’ordinateur a deux atouts à faire valoir dans la vie d’un projet ou d’un groupe en développement : sa capacité à garder et faciliter l’accès d’un grand nombre d’informations qui ont tendance à se perdre ; son habileté et sa rapidité pour redistribuer l’information où, quand et sous la forme où elle peut être utile. Il devrait donc se mettre au service d’une information pour le développement et non seulement pour la gestion de projet.

Après plusieurs années de tentatives diverses dans ce sens, voici un certain nombre de potentialités et de difficultés qui me sont apparues.

Potentialités :

Il devient possible d’avoir une mémoire centrale qui regroupe toute l’information possible et qui soit en même décentralisée si l’on adopte une discipline de redistribution systématique. Ce type de mémoire aide beaucoup au décloisonnement des zones et des spécialités au sein d’un projet ou d’une organisation.

Il est facile d’adapter l’information aux possibilités et aux besoins de chacun. Le changement de format et de contenu est relativement aisé et permet une meilleure utilisation de l’information par chacun. Cela diminue le pouvoir attaché au monopole de l’information, favorise le contrôle social ou collectif, enrichit les pratiques de tous.

Il est possible de reprendre fréquemment l’histoire d’une activité, d’une institution, d’en suivre l’évolution, d’en comprendre le processus, d’en apprendre les leçons: la capitalisation peut devenir une pratique relativement commune et périodique.

Difficultés :

Il est nécessaire de décloisonner tous les systèmes ou personnes chargés de la gestion des différentes sources d’information : un secrétaire, un comptable, un spécialiste, un technicien de terrain, un dirigeant. Pour cela il est nécessaire d’établir quelques méthodes communes, une même discipline d’enregistrement et de rangement. Mais les habitudes professionnelles sont différentes et cela devient très difficile.

Plus l’institution est grande et plus il devient indispensable d’avoir un responsable de la gestion de cette mémoire centrale. La tendance à en charger le secrétariat ou la bibliothèque amène souvent des divorces car si le rangement est adéquat la redistribution se fait peu ou mal. Des tentatives pour voir plutôt du côté des responsables de la communication et/ou du suivi-évaluation se sont heurtées à leur tour à des réticences professionnelles: la formation et l’image du métier sont peu adaptées. Mais il me semble que c’est par là qu’il faudrait continuer à chercher : quoi de plus normal que de voir un communicateur responsable d’obtenir et de redistribuer l’information selon les besoins ?

On commence rarement l’enregistrement informatique de l’information dès le début d’une expérience. Deux écueils à éviter alors. Commencer par le retard amène à ne jamais actualiser, il vaut mieux commencer par l’information du moment car cela aide à voir tout de suite les utilisations, cela motive à faire ensuite l’effort exceptionnel requis pour incorporer l’information précédente. Inclure le rattrapage du retard dans le travail normal et quotidien : on ne réussit presque jamais car le développement est souvent trop activiste et n’a pas le temps.

L’ordinateur a ses maladies et ses erreurs qui peuvent détruire beaucoup d’informations en quelques secondes : les copies papier, les copies disquette, les copies spéciales pour corrections sont une discipline sans laquelle il vaut mieux oublier l’informatique.

Key words

documentation, computer science, computer science y society, memory, access to information, disciplines decompartmentalization, communication, information management, experience capitalization


, Latin America

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Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Comments

Mes expériences de travail en capitalisation, en m’obligeant souvent à refaire tout un travail de gestion de l’information, m’incitent à croire qu’il y a dans cette idée de « mémoire centrale » une clef pour bien des améliorations du travail aussi bien quotidien que de fond. Je n’ai malheureusement que des essais ponctuels à offrir pour l’instant, et quelques critères provisoires comme ceux mentionnés ci-dessus. Tout échange à ce sujet m’intéresse énormément.

De même que tout ce qui peut aider à mieux utiliser les ordinateurs, puisqu’ils sont déjà dans le développement, au service des idées et de l’action et non seulement de la gestion, au service du qualitatif et non seulement du quantitatif.

Notes

La principale expérience de « mémoire centrale » a été travaillée au sein du PRIV : Proyecto de Riego Inter-Vallesde Cochabamba-Bolivie, en 1991, avec SANCHEZ, Loyda. Cette « mémoire centrale » faisait partie de la capitalisation financée par la GTZallemande.

Fiche traduite en espagnol : « Memoria Central: La computadora y el trabajo de desarrollo »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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